La culture contre les armes

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Le Tombeau des Patriarches (vu de l’angle sud de la mosquée). Photo © Wikipédia

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« La destruction délibérée du patrimoine est un crime de guerre, elle est devenue une tactique de guerre pour mettre à mal les sociétés sur le long terme, dans une stratégie de nettoyage culturel. C’est la raison pour laquelle la défense du patrimoine culturel est bien plus qu’un enjeu culturel, c’est un impératif de sécurité, inséparable de la défense des vies humaines, déclarait Irina Bokova, ex-directrice générale de l’Unesco. Les armes ne sont pas suffisantes pour vaincre l’extrémisme violent. Bâtir la paix passe aussi par la culture ; cela passe par l’éducation, la prévention et la transmission du patrimoine. C’est tout le sens de cette résolution historique ».

Il s’agit de la résolution 2347 des Nations Unies en faveur de la protection du patrimoine, qui a été adoptée à l’unanimité le 24 mars 2017. Elle fut adoptée essentiellement parce que l’actualité  regorgeait d’images et de découvertes des destructions de monuments millénaires en Syrie et en Irak. Illustrations poignantes du fanatisme et de l’obscurantisme violent de l’Etat islamique. Notons qu’on ne recense pas les destructions de patrimoine mondial par les forces alliées contre l’EI et avant cela contre Saddam Hussein et lors de toute guerre dans le monde. Dégâts collatéraux pour de justes causes, disent certains. Loi du plus fort, disent les autres…

Je me souviens de l’époque cruelle où les Khmers rouges, destructeurs de toute culture, de tout système d’éducation siégeaient au sein de l’Unesco. Il valait mieux, aux yeux des Etatsuniens principalement, les pires criminels, des génocidaires, plutôt que des Cambodgiens soumis aux Vietnamiens vainqueurs des Etats-Unis. (Dé)raison d’Etat qui se perpétue encore aujourd’hui avec le président Donald Trump, toujours très cohérent avec lui-même et sa haine des intellectuels, des journalistes, des universitaires, bref, de tous ceux qui réfléchissent un peu et critiquent le pouvoir en place.

L’Unesco qui avait été créée pour fonder la paix par la culture est évidemment l’ennemi à abattre de la part d’Etats qui préfèrent la force des armes contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Un droit qui comprend aussi le droit de participer à leur développement non seulement économique mais aussi culturel pour le profit non pas des seules multinationales et des grandes puissances mais pour eux-mêmes, pour leurs populations dans les villes et les villages, dans les forêts et les campagnes et au bord des mers.

Cela, les Etats-Unis n’en veulent pas. Ils préfèrent investir dans l’industrie de l’armement (la leur évidemment) plutôt que dans les écoles ailleurs dans le monde. Ils ne veulent pas de l’émancipation des peuples qui pourraient alors se révolter contre l’ordre mondial qui leur est imposé.

Ils soutiennent des Etats qui oppriment des peuples dont le grand tort est de réclamer leurs droits. Voilà pourquoi les Etats-Unis accusent l’Unesco d’être anti-israélienne parce que cette agence des Nations Unies a, conformément au droit international, reconnu l’Etat de Palestine parmi ses membres en 2011. Ils ont donc arrêté de financer cette institution. D’où, une perte de 20% du budget de l’Unesco. Celle-ci vient d’accorder le statut de patrimoine mondial au Tombeau des Patriarches, dans la vieille ville palestinienne d’Hébron, occupée militairement et asphyxiée par la colonisation israélienne. Les Etats-Unis et Israël quittent l’Unesco, affichant ainsi leur opposition à toute solution de paix par le développement culturel dans le monde.

Israël, coupable de bombardements de populations civiles, détruit des écoles, des universités, empêche les étudiants de circuler en Palestine occupée, emprisonne des enfants, interdit aux Palestiniens d’aller à l’hôpital, de cultiver leurs champs, multiplie la construction de colonies. Israël, donc, n’a pas à siéger à l’Unesco tant que son gouvernement ne respecte pas le droit international et les résolutions des Nations Unies.

La nouvelle directrice générale de l’Unesco, la française et ancienne ministre de la Culture Audrey Azoulay, est placée devant un défi d’ampleur : garder les valeurs morales de l’Unesco et reconquérir des fonds.  Il s’agit en effet de sauver la mission pacifiste de l’Unesco dans un monde dominé par l’idéologie guerrière.

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