J comme journaliste

Par Théophraste !

Par | Journaliste |
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Une liberté de presse qui nous semble tellement normale. Et pourtant, elle n’existe pas partout dans le monde. Photo © Austin Distel on Unsplash

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A cette lettre de notre abécédaire sur le journalisme nous arrivons au cœur de la question : c’est quoi un journaliste. Du moins officiellement…

Le législateur de notre beau pays a choisi, comme très souvent, de faire compliqué alors qu’il y a moyen de faire simple. Il ne protège pas le titre de « journaliste », ce qui permet à n’importe quelle personne travaillant plus ou moins régulièrement comme journaliste de se proclamer tel. Par contre, le « journaliste professionnel », qu’il soit de presse d’information générale ou spécialisée, doit en faire sa profession principale, c’est-à-dire pouvoir en vivre convenablement à l’exclusion de tout travail dans la publicité, les relations publiques et autres activités commerciales incompatibles. Un journaliste doit pouvoir être libre vis-à-vis de pressions extérieures, de conflits d’intérêts, de pratiques commerciales. Question de crédibilité et donc de confiance du public envers lui. Il n’a de consignes à recevoir que de ses chefs de rédaction et de sa déontologie librement acceptée.

Le journaliste professionnel dépend de la loi de 1963 s’il travaille dans la presse d’information générale (les quotidiens de la presse écrite, la radio, la télévision, les déclinaisons presse sur internet). Il dépend d’un A.R. de 1965 s’il travaille dans la presse périodique spécialisée. Une différenciation assez étonnante puisque le journalisme se décline ainsi selon le type de support et pas selon la pratique réelle du métier. Mais bon. C’est la Belgique…

Les professionnels, ils sont près de 5.000 en Belgique, y compris les journalistes de la presse étrangère travaillant sur notre territoire, reçoivent donc une carte de presse renouvelable tous les 5 ans sur base des décisions rendues par deux commissions d’agréation, une pour l’info générale, l’autre pour la presse périodique. La commission d'agréation dédiée à l'info générale et la commision d'appel dépendent de la Chancellerie du Premier ministre tout en était parfaitement indépendantes. La carte de presse est fabriquée par le ministère de l’Intérieur qui exécute ainsi les décisions rendues par les commissions d’agréation. Celles-ci sont constituées d’éditeurs et de journalistes professionnels mandatés par leurs associations de journalistes. Ils analysent chaque demande de carte de presse. C’est donc le secteur presse lui-même qui reconnaît qui est journaliste professionnel ou pas.

Les pouvoirs publics ne peuvent intervenir dans cette reconnaissance car ce serait une ingérence politique dans la liberté de la presse, qui est une liberté constitutionnelle. Notons cependant que l’A.R. de 1965, concernant la presse périodique, ne rend pas l’avis de la commission d’agréation de la presse périodique obligatoire pour le ministre de l’Intérieur. Il se trouve donc tenté, très rarement heureusement, de désigner lui-même qui est professionnel et qui ne l’est pas. Une tentation hautement périlleuse puisque, c’est connu, beaucoup de dictatures y ont succombé ! Ainsi, le seul Ordre des journalistes qui ait existé en Europe est celui qui a été instauré en Italie au temps de Mussolini.

La profession se bat donc pour que soit abolie la différence entre presse d’information générale et presse périodique. Ainsi, quel que soit son support, le journaliste recevra une seule et même carte professionnelle lui donnant les mêmes droits et lui reconnaissant les mêmes devoirs. Le processus est en cours de même qu’une révision de la loi de 1963 permettant de prendre en compte les évolutions numériques de la presse.

  • Voici le texte légal de 1963 définissant le journaliste professionnel :

. A titre de profession principale et moyennant rémunération, participer à la rédaction de journaux quotidiens ou périodiques, d’émissions d’information radiodiffusées ou télévisées, d’actualités filmées ou d’agences de presse consacrées à l’information générale ;

4. Avoir fait, de cette activité, sa profession habituelle pendant deux ans au moins, et ne pas l’avoir cessée depuis plus de deux ans ;

5. N’exercer aucune espèce de commerce et notamment aucune activité ayant pour objet la publicité, si ce n’est en qualité de directeur de journal, d’émissions d’information, d’actualités filmées ou d’agences de presse.

Pour l’application du présent article :

a) Par journaux, émissions d’informations radiodiffusées ou télévisées, actualités filmées ou agences de presse d’information générale, il y a lieu d’entendre ceux qui, d’une part, rapportent les nouvelles concernant l’ensemble des questions d’actualité et qui, d’autre part, s’adressent à l’ensemble des lecteurs, des auditeurs ou des spectateurs ;


b) Par rédaction, il y a lieu d’entendre les activités exercées en qualité notamment de directeur, rédacteur, dessinateur, reporter-photographe, reporter-cinéaste ou correspondant pour la Belgique.

Les activités commerciales, techniques, d’administration, de correction, de téléscription, de publicité et d’atelier sont considérées comme étrangères à la rédaction, sauf lorsqu’elles rentrent dans les attributions personnelles du directeur du journal, des émissions d’information, des actualités filmées ou de l’agence de presse.

K comme kafkaïen

Voir ci-dessus. Y ajouter que le journaliste peut être un salarié, un indépendant, un fonctionnaire (s’il travaille dans un service public). S’il est indépendant, il n’est pas obligé d’ouvrir un registre de commerce car il n’est pas un commerçant. Il n’est pas non plus une profession libérale. Il est, quoi au fait ? Un artiste ? En tout cas, le statut et les rémunérations des journalistes indépendants sont aussi mal protégés que ceux des artistes.

L comme liberté

Le vrai journalisme ne peut s’exercer que dans une société démocratique, librement. Mais que dire des milliers de confrères et consœurs obligés de travailler dans des systèmes dictatoriaux, ou corrompus, où ils doivent se compromettre et pratiquer leur métier avec complaisance pour, simplement, ne pas mourir de faim ou sauver leur peau.

Cela rend nos propres compromissions inacceptables car nous avons les moyens de pratiquer notre métier en toute liberté. Et cela rend indispensable notre solidarité avec les luttes pour les droits humains car eux seuls permettent d’arriver à la démocratie, garante d’une presse libre et indépendante des pouvoirs de toutes sortes. Alors, seulement, le prescrit déontologique d’indépendance morale du journaliste peut être appliqué partout dans le monde.

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https://europeanjournalists.org/fr/about-efj/

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