Hiéroglyphosate

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On voit clairement ici que le glyphosate est inoffensif. Mais là n'est pas l'essentiel.

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Sans doute l’actu glyphosate est-elle déjà un peu fânée, ainsi va la presse. D’Ormesson, Smet et Maystadt ont passé l’arme à gauche et les médias la brosse à reluire à droite. Dommage. Parce que, dans le torrent d’indignation et de débats « contradictoires », l’essentiel a une fois de plus été escamoté habilement, tant par les puissants communicants et lobbyistes de la multinationale Monsanto que par les députés et ministres européens enfermés dans une vision univoque, forcément parcellaire, de la problématique.

La question du glyphosate est directement comparable à celle des OGM, déjà largement débattue mais tombée en désuétude, à la grande satisfaction de ceux qui en font commerce : Syngenta, Bayer et le déjà nommé Monsanto pour ne citer que les principaux.

Vivants les brevets !

L’astuce des multinationales est de laisser le débat s’emballer sur un aspect finalement secondaire, pour occulter l’essentiel : la démarche commerciale et ses ramifications. Dans le cas des OGM, on a laissé s’enflammer la question de l’innocuité : les OGM sont-ils dangereux pour la santé ? Des expériences sur les rats ont montré que c’était fort probable. Faut-il donc les bannir, au nom du principe de précaution ? C’est qu’à force de se balancer des études contradictoires à la figure, les camps « pro » et « anti » se retrouvent le plus souvent dos à dos.

Alors qu’en réalité, la vraie question que pose le développement des OGM et du glyphosate, n’est pas celle de la santé. C’est celle du brevet du vivant. Ce que visent les multinationales de la semence OGM, c’est de bâtir pour leurs produits un marché captif : celui de l’alimentation mondiale. Excusez du peu. Car voyez-vous, les graines OGM sont brevetées. Mais elles se disséminent comme de vulgaires plantes « libres », ce qui a pour effet que les premières contaminent les secondes. Dès lors, celles-ci ne sont plus « libres » du tout, puisqu’elles portent le gène breveté. Vous suivez ? Monsanto a ainsi remporté plusieurs procès contre des cultivateurs de colza « libre de droits » chez qui ses flics privés avaient retrouvé les traces d’un colza OGM breveté, fruits d’une contamination accidentelle (c’est la faute au vent). Lesdits agriculteurs ont eu beau faire valoir qu’ils n’avaient jamais acheté de telles graines ni eu l’intention d’en cultiver : rien à faire. Pris la main dans le sac de colza, ils ont dû sortir le blé.

Soleil vert

Voilà le vrai danger des OGM : une agriculture dont toutes les variétés seraient brevetées et où tous les cultivateurs seraient contraints, par la force des choses, de s’approvisionner chaque année en semences Monsanto, Bayer, Dow ou Syngenta. Imaginez les profits sidéraux que ces firmes pourraient en tirer, jusqu’à la fin des temps… Alors, la question de l’innocuité ou celle, avancée sans rire, de réduire la faim dans le monde grâce aux OGM, ça noircit les pages des journaux, mais surtout ça enfume le public (parlementaires y compris) qui reste ignorant de ce qui se trame dans les conseils de direction de ces très rentables entreprises.

Pour le glyphosate, c’est pareil. Ça arrange bien Monsanto que le débat se focalise sur la nature « cancérogène probable » du célèbre Roundup. Parce que, c’est quoi, le Roundup ? Un désherbant (ou herbicide) qui détruit tout sauf les plantes brevetées « résistantes au glyphosate ». Vous pigez ? Plus de glyphosate, plus de plantes Monsanto protégées, la porte ouverte aux espèces traditionnelles librement reproductibles, la débâcle, quoi. La perte de valeur en Bourse, l’horreur. L’ire des actionnaires, le cauchemar absolu.

Alors, même si on sait que les « scientifiques » défenseurs du glyphosate à grands coups d’études favorables ont eu la patte bien graissée par la multinationale américaine (et bientôt allemande, puisqu’en cours de rachat par Bayer, voir plus loin), les députés européens ont jugé au bénéfice du doute : on en reprend pour 5 ans. Le temps pour Monsanto-Bayer de se refaire une santé, si l’on ose dire, et de placer leurs billes ailleurs. Quant aux agriculteurs industriels qui se chopent des cancers et en redemandent malgré tout, on a du mal à comprendre qu’ils préfèrent se ruiner la santé que de reconsidérer leurs méthodes de travail. On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux.

Malsain dessein

Il faut aussi se rendre compte que les millions d’hectolitres de Roundup déversés sur nos vertes campagnes, ça ne coûte pas rien. Et qui c’est qui paie ? Ben c’est nous, évidemment ! La Politique agricole commune (PAC) de l’UE subventionne largement l’agriculture extensive héritée du Plan Marshall de 1948, cette agriculture qui épuise et empoisonne les sols, défigure les paysages et absorbe des quantités ahurissantes de « produits phytosanitaires » (lisez pesticides et herbicides). Résultat des courses : l’essentiel des montants astronomiques (43 % du budget total de l'UE qui est de 129,1 milliards d'euros, soit 55,5 milliards, une… paille) consacrés à subsidier l’agriculture européenne vont directement grossir l’escarcelle des fabricants d’intrants chimiques. Et pendant ce temps, l’agriculture paysanne et bio tire le diable par la queue et doit vendre plus cher ce qui est sain, obligeant les économiquement faibles à s’empoisonner en s’alimentant. Elle est pas belle, la vie selon les semenciers ?

Ah oui, je vous avais donné rendez-vous pour commenter le mariage de Bayer et Monsanto. Ces tourtereaux sont réellement faits pour s’entendre : si Monsanto s’est contenté, lors de la guerre du Vietnam, de balancer « l’agent orange », un défoliant genre glyphosate au carré, laissant le napalm aux bons soins de Dow, Bayer peut se targuer, entre autres exploits scientifiques de plus ou moins bon goût, d’avoir produit le célèbre Zyklon B qui n’a laissé que de bons souvenirs à Auschwitz.

Encore bravo, et merci.

 

 

 

 

 

 

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Les effets de l'"agent orange" de Monsanto sur la forêt tropicale. Je vous épargne ses effets sur l'être humain: c'est insoutenable.

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