Drones qui sauvent, drones qui tuent

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Une comparaison de diverses sortes de drones à usage militaire. Image créée par Saggittarius A. Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International

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Ces engins volants comme de gros bourdons à longues pattes se multiplient et sont mis à toutes les sauces de notre développement technique : les drones photographient, transportent des colis postaux, des médicaments voire même nos très attendus vaccins contre la Covid-19 dans les zones les plus difficiles d’accès.

Ainsi, l’entreprise californienne Zipline livre déjà des vaccins et du sang par drones dans plusieurs pays d’Afrique. Elle a annoncé qu’elle allait livrer des vaccins anti-Covid-19, notamment au Nigeria.

Les drones sont d’excellents photographes et peuvent aider à mesure l’étendue d’un incendie dans des zones forestières par exemple. L’Australie les utilise même pour tenter de recenser ce qui lui reste de charmants koalas décimés par les récents incendies de forêt.

Les drones sont très précieux lorsqu’il s’agit de détecter et donc de sauver des personnes perdues en montagne, en forêt, en mer… S’ils étaient utilisés largement pour cela, ce serait magnifique. Malheureusement, ces petits bijoux d’une technologie qui se perfectionne sans cesse servent avant tout des stratégies militaires, de défense, policières, de sécurité contre des ennemis, des intrus, des non invités comme les migrants. Pas étonnant donc que Frontex, l’agence européenne des gardes-frontières, soit dans la mire des pacifistes, des personnes et associations qui s’indignent de la répression contre les demandeurs d’asiles et migrants chassés par la pauvreté. « Premier corps armé en uniforme de l’Union européenne, l’organisme n’aurait pas déclaré ses liens avec des lobbyistes de l’industrie de la surveillance et de l’armement. », explique Jean-Pierre Stroobants dans Le Monde du 5 février.

L’agence devient « un véritable corps de police appelé à se doter de nombreux équipements : armes, radars, drones, systèmes de vérification des documents et de reconnaissance faciale, véhicules, avions, etc. », constatent les journalistes et lanceurs d’alerte.

Sans surveillance parlementaire suffisante, Frontex dispose de quelques milliards pour s’équiper et contacte non seulement des Etats mais des industries de l’armement et quasi jamais le service interne chargé de la surveillance du respect des droits fondamentaux des migrants, à savoir le « Forum des droits fondamentaux ».

L’Union européenne maintient le cap sécuritaire : « Le programme Horizon 2020 avait déjà affecté 118 millions d’euros au développement de la recherche en lien avec le projet de « Sécurité aux frontières extérieures » de l’Union. Un fonds a, lui, été doté de 2,8 milliards pour la période 2019-2020. Et la nécessité d’équiper Frontex a évidemment aiguisé un peu plus les appétits des acteurs du marché mondial du « border control », qui enfle de 8 % chaque année et frôle désormais les 20 milliards d’euros. », soulignent les journalistes. Parmi ces moyens : des drones de surveillance qui ne sont pas utilisés pour sauver des milliers de malheureux de la noyade en mer mais pour les refouler dans des centres de détention inhumains.

La Belgique achète 4 SkyGuardian

Même notre petite Belgique est entraînée dans cette spirale guerrière et sécuritaire. Elle vient d’acheter, pour 600 millions de dollars maximum, quatre drones MQ-9B SkyGuardian produits par la société américaine General Atomics Aeronautical Systems Inc. (GA-ASI). Ils sont susceptibles d’être armés, alerte le GRIP qui a organisé un webinaire sur le sujet en décembre dernier. « La Belgique a sélectionné le MQ-9B SkyGuardian comme futur drone Male. Deux systèmes, comprenant chacun deux appareils – potentiellement armés – doivent être commandés l’an prochain, pour un montant de 226 millions d’euros. Les livraisons sont attendues à partir de 2023 pour équiper la 80e escadrille – actuellement équipée de B-Hunter de conception israélienne vieillissants qui seront retirés du service le 1er septembre -, opérant depuis la base de Florennes, dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. », détaille Belga (le 16/08/2020).

Pour accueillir ces petites merveilles de technologie guerrière, il faudra aménager la base de Florennes (dont coût 23 millions d’euros). Ils seront parqués non loin du complexe qui va accueillir les très coûteux avions de combat F-35 dont même l’US Air force reconnaît qu’il s’agit d’un gigantesque échec : près de 900 problèmes techniques ont été identifiés, et cet avion de la 5ème génération se montre incapable de concurrencer ceux de la troisième génération. Elle voudrait donc s’équiper d’avions plus maniables, plus fiables et moins coûteux.

Malgré cela, la ministre belge de la Défense continue à affirmer que la Belgique ne peut plus faire marche arrière et devra payer plus de 3,5 milliards de dollars ces avions calamiteux commandés par le gouvernement de Charles Michel. La Belgique continue à accepter les offres de l’industrie d’armement US et de se plier aux exigences de l’OTAN, en ce compris les drones militaires.

Les drones ne sont pas seulement utilisés pour la conquête de l’air et de l’espace, il en existe des sous-marins, aux performances étonnantes quoique discrètes. Il se passe pour l’instant une course aux drones sous-marins entre la Chine qui entend établir sa suprématie sur les voies maritimes et surtout sur les zones de pêche, et les Etats-Unis. Il se trouve en effet que ces drones sont bien moins coûteux et plus efficaces que des sous-marins nucléaires…

Humanistes contre robots tueurs

Les drones nous envahissent donc, pour le meilleur et aussi et surtout pour le pire. Ils font partie de ces futurs robots-tueurs, ou armes létales autonomes, qui peuvent prendre les formes les plus diverses jusqu’à réaliser ce que nous prédisaient les romans de science-fiction les plus apocalyptiques. Le 11 novembre 2018, António Guterres, Secrétaire général des Nations unies, déclarait : « Imaginez les conséquences d’un système autonome capable de repérer et d’attaquer de lui-même des êtres humains. J’invite les États à interdire ces armes qui sont politiquement inacceptables et moralement révoltantes, rappelle Stan Brabant  dans son article « Robots tueurs : à quand un traité d’interdiction ? » Il y détaille l’état actuel de mise au point de ces armes redoutables et la campagne lancée par les pacifistes pour que soit respecté le droit international humanitaire. Cela tombe bien pour la Belgique, elle préside en 2021 la Convention on Conventional Weapons (CCW) » et ce 24 mars se tiendra la réunion internationale de la « Campaign to Stop Killer Robots ».  

Rappelons qu’en 2015 déjà, des humanistes se sont révoltés contre les robots tueurs. Le 27 juillet, plus d’un millier de personnalités dont le célèbre astrophysicien Stephen Hamking, le linguiste Noam Chomsky et de nombreux spécialistes en IA, ont signé un appel déposé à l’ONU et visant l’interdiction des armes autonomes, capables « de sélectionner et de combattre des cibles sans intervention humaine ».  Lisez donc : http://futureoflife.org/AI/open_letter_autonomous_weapons

Ce texte n’a pas pris une ride. Pas plus que notre conclusion de l’époque :

« Il ne s’agit pas d’arrêter les recherches sur l’IA mais bien de les baliser afin qu’elles servent une évolution de la société dans le respect des valeurs de l’humanité. Pour cela, il faut élaborer un cadre juridique adapté à ces systèmes d’IA. Et cela, est bel et bien un travail intelligent que doivent réaliser des cerveaux humains capables de sentiments et de rêves. »

Pour l’heure, notre principal défi est la survie de notre humanité sur cette terre de plus en plus dévastée.

Plutôt que d’investir des centaines de milliards de dollars dans l’armement, les populations ont un besoin urgent de paix pour relever le défi climatique et créer un autre mode de vie coopératif, solidaire, respectueux de la nature.   

Sources:

https://www.cnbc.com/2021/02/04/role-of-medical-drones-in-global-covid-vaccine-campaign-is-growing.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/05/nouvelles-accusations-contre-frontex-l-agence-europeenne-des-gardes-frontieres_6068963_3210.html

https://grip.org/event/drones-4skyguardian-belges-et-interventions-militaires/

https://plus.lesoir.be/338851/article/2020-11-19/defense-lachat-des-f-35-nouveau-remis-en-cause

https://plus.lesoir.be/276995/article/2020-02-01/le-f-35-compte-des-centaines-de-manquements-selon-la-defense

https://www.lavenir.net/cnt/dmf20210310_01562193/le-gouvernement-n-a-pas-l-intention-de-mettre-fin-au-contrat-d-achat-du-f-35

https://grip.org/robots-tueurs-a-quand-un-traite-dinterdiction/#_edn1

https://www.stopkillerrobots.org/calendar/global-meeting-2021-virtual/

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