Cherche toit désespérément…

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Le « bloc logement » lors de la manifestation « La santé en lutte » du 13 septembre. Photo © Gabrielle Lefèvre

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Lecture 9 min.

Pouvons-nous admettre que des familles entières soient placées devant un choix désespéré : manger ou payer son loyer ? Si on ne paie pas, les expulsions sont à nouveau autorisées depuis le début de ce mois de septembre. Or, l’épidémie de Covid-19 a durement frappé le monde discret du travail informel qui permettait à des centaines de personnes de gagner quelques sous afin de terminer le mois en payant le loyer et le charges. Ceux-là n’ont pas eu droit aux aides du gouvernement puisque leur boulot n’est pas déclaré. Mais au moins, les propriétaires ne pouvaient les expulser. De plus, le Gouvernement bruxellois a mis en place une prime unique de 214,68 EUR afin de soulager les ménages aux revenus modestes qui louent un bien sur le marché locatif privé et qui accusent une perte de revenus suite aux mesures de distanciation sociale.

Anarchie et solidarité du XXIème siècle

Le 1er septembre, le Front anti-expulsion, ce collectif de mouvements militant pour le droit au logement et contre le sans-abrisme a manifesté place Saint-Jean à Bruxelles pour demander une prolongation des mesures anti-expulsions, le temps que les autorités de la Région bruxelloise puissent mettre en place des mesures de protection des familles vulnérables. A noter que ce Front est soutenu par la Fondation Marius Jacob, « un outil financier collectif et autogéré pour soutenir des résistances, des alternatives et des luttes ». Parmi eux, le Fonds anti-répression qui dispense un soutien financier « pour soutenir les victimes de répressions juridiques dans le cadre d’un engagement militant ou face à des violences policières. » Un outil de plus en plus indispensable quand on considère la répression démesurée de la manifestation pacifique « La santé en lutte » !

Cette Fondation abrite aussi le Fonds Inter-squats qui soutient l’émergence de squats et occupations à Bruxelles. Il aide financièrement les victimes de procédures d’expulsions, pour les frais juridiques, et pour investir dans du matériel commun en vue de résister aux expulsions, …

Toujours dans le domaine du logement, cette Fondation Marius Jacob alimente une caisse de grève des loyers qui soutient les locataires – faisant grève ou ne sachant tout simplement pas payer leur loyer – en payant les frais juridiques.

Et pourquoi ce nom de Marius Jacob ? C’est celui d’un anarchiste illégaliste cambrioleur au grand cœur, Robin des Bois urbain qui a peut-être inspiré le personnage d’Arsène Lupin chez le romancier Maurice Leblanc. Alexandre Marius Jacob (né en 1879 et décédé en 1954) a sillonné les mers du globe, embrassé la cause anarchiste, constitué une " équipe de travailleurs de la nuit " créditée de près 500 cambriolages dans les demeures bourgeoises et les églises (pour donner aux collectifs en luttes et aux plus précaires), transformé son procès en tribune politique. Il a survécu au bagne de Cayenne où il passa 22 ans. Une belle histoire à lire ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marius_Jacob

"400 Toits-Daken"

Une autre action de solidarité aura lieu les 28-29-30 septembre 2020 : près de 300 travailleurs de terrain et bénévoles iront à la rencontre des personnes sans-abri vivant dans les rues de Bruxelles pour les interviewer afin de mieux identifier leurs profils et besoins. C’est l’opération « Face-à- face pour un logement » (FFL)-2020.

Trois soirées de formation ont déjà été organisées dans les locaux de l'ULB afin d’aider ces militants à se préparer pour cette action délicate et sensible.

" 400Toits" s’inscrit dans la campagne européenne « The European End Street Homelessness Campaign », coordonnée par World Habitat.

Housing Action day

Le 28 mars aurait dû se dérouler la journée d'action internationale « Housing Action Day ». Pandémie et confinement obligent, celle-ci n’a pas eu lieu mais le collectif Belgian Housing Action Day a organisé un bloc logement au sein de la Grande manifestation de la Santé du dimanche 13 septembre. Les calicots décrivaient la relation entre logement et santé. Une question cruciale en cette période de pandémie et de confinement qui a fait exploser les problèmes des plus démunis. Quelques exemples expliqués par ce collectif :

Il y a les mal logé.e.s : vivant à 6 dans 40 m², dans un logement insalubre (comme c’est le cas de 41 % des enfants à Bruxelles), ou dans un logement mal (ou pas) chauffé, plein de champignons.

Il y a les non logées : vivant à la rue ou en promiscuité dans des centres d’hébergement d'urgence, sans accès illimité à l’eau et au savon, éléments nécessaires pour se protéger et, le cas échéant, guérir.

Il y a les sans-papiers : vivant dans la peur des actions policières, ici ou aux frontières de l’Europe... ou vivant dans des camps de réfugiés là-bas ou des centres fermés ici.

D’autres calicots rappelaient les drames vécus par des femmes victimes chez elle de violences conjugales ou familiales.

On espère que ces diverses actions de plaidoyer seront bien répercutées auprès des instances régionales bruxelloises chargées de ces problèmes. Celles-ci sont débordées, notamment les CPAS confrontés aux problèmes de confinement de leur propre personnel et du télétravail qui complique l’accès des plus pauvres, ceux qui n’ont pas accès internet et qui n’ont pas encore de dossiers constitués, aux aides sociales. Et les associations et collectifs qui tentent de les aider sont confrontés aux mêmes problèmes d’accès aux services compétents et donc aux aides pour ces personnes en détresse.

Ainsi, le secteur des sans-abris a été confronté à la difficulté énorme d’accueillir des familles et des isolés sans abris, sans protection. Les divers lieux qui avaient été ouverts pour un accueil d’urgence, y compris des hôtels, ont repris leurs activités normales.  Les sans-abris se retrouvent donc à nouveau dans la rue.  Et l’hiver s’annonce.

Les nombreuses associations et collectifs mobilisés pour le droit au logement, revendiquent des changements structurels. Ils saluent les diverses mesures prises pendant la crise : prolongation de la trêve hivernale de Vivaqua, interdiction des expulsions domiciliaires dans les 3 Régions durant le confinement, réquisition d'hôtels pour le confinement des personnes sans abri.... Mais ils veulent qu’elles soient pérennisées.

Voici ce qu’ils demandent :

1. Un moratoire prolongé sur toutes les expulsions.

2. L'annulation de la loi anti-squat.

3. Des solutions de logement immédiates pour les personnes sans-abri. Elles sont possibles : à court terme, réquisition d'hôtels, de logements touristiques et de résidences secondaires. Et à plus long terme: réquisition des logements publics et privés vides. Les logements privés qui sont vides pour des raisons spéculatives doivent être mis en gestion publique.

4. Jusqu'à la fin de la crise sanitaire et économique, une suspension des remboursements des crédits hypothécaires, pour les personnes impactées par la crise de façon directe ou indirecte.

5. Jusqu'à la fin de la crise sanitaire et économique, une possibilité de suspension du payement de loyers pour les ménages affectés par la crise;

6. Un arrêt total des coupures d’énergie et de limitation des débits d’eau. Une généralisation d'un tarif social sur l’énergie et l’eau et la mise à disposition d'un accès gratuit à l'eau d'hygiène dans des structures publiques.

7. Jusqu'à la fin de la crise sanitaire et économique, une protection financière pour toutes les personnes ayant un travail précaire et qui ne bénéficieront pas d'une allocation de remplacement (personnes vivant de la mendicité, travailleur.euse.s du sexe, étudiant.e.s, travailleur.euse.s non déclaré.e.s avec ou sans papiers,…): un fonds social pour les travailleur.euse.s à la marge;

8. La libération des détenu·e·s en détention préventive qui ne présentent pas de danger pour autrui ; la libération de tou·te·s les détenu·e·s âgé·e·s, malades ou qui présentent une quelconque fragilité, le recours à la libération conditionnelle dans un maximum de cas où cela est envisageable ; et des solutions de relogement d’urgence pour celles et ceux qui auraient besoin;

9. La fermeture immédiate des centres fermés et des solutions de relogement pour les personnes qui en auraient besoin;

10. La régularisation immédiate des personnes en séjour irrégulier;

11. La mise en place de mesures permettant de limiter au maximum les investissements dans l'immobilier par les investisseurs institutionnels et les fonds spéculatifs. Nos villes ne peuvent pas subir une nouvelle augmentation des prix de ventes et de locations !

Voilà un vaste programme d’action pour nos responsables communaux et régionaux. Comment financer cela ? Les signataires ont la réponse :

« Une grande partie des mesures que nous préconisons ne coûtent rien, ou sont même moins coûteuses (libération des détenus en préventive, fermeture des centres fermés, etc.). Pour les autres, nous pouvons collectivement trouver des solutions. Pour commencer, exigeons la mise à contribution des multinationales et autres grandes entreprises ultra-bénéficiaires (en 2019 et dans les années précédentes) par l'annulation du versement des dividendes à leurs actionnaires. Les créances des petites entreprises doivent être également annulées. Ensuite, exigeons un moratoire sur le remboursement de la dette publique (30 milliards de capital arrivant à échéance) et une suspension immédiate du remboursement des intérêts (10 milliards d'euros sur une année), soit au total 1.5 fois plus que les dépenses de l’État pour la santé. L’Union européenne vient de suspendre ses règles budgétaires (1050 milliards d’euros injectés), des fonds sont donc disponibles. Refusons que soient payés avec notre argent le refinancement des banques et les intérêts des grands investisseurs privés. Ces acteurs sont encore une fois responsables de la nouvelle crise financière, latente avant le choc du COVID-19. Il est grand temps pour eux de payer la note. La BCE a débloqué 750 milliards pour sauver l’économie et calmer les places boursières. Que sera-t-il fait pour sauver l’action sociale, renflouer la protection sociale, renforcer les droits fondamentaux… ? »

Beaucoup de pain sur la planche du prochain Housing Action Day du 28 mars 2021 !

https://www.ieb.be/Naissance-d-un-front-anti-expulsion

http://fondationmariusjacob.org/le-fonds-anti-repression-2/

https://www.rtbf.be/info/regions/detail_bruxelles-le-moratoire-sur-les-expulsions-vient-a-echeance-fin-aout-et-il-ne-sera-pas-prolonge?id=10565053

http://www.housing-action-day.be/fr

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https://www.lalibre.be/belgique/judiciaire/la-loi-anti-squat-partiellement-annulee-par-la-cour-constitutionnelle-5e6a691d9978e201d8b556a0

 

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