Amor

Une édition originale

Par | Penseur libre |
le

© Serge Goldwicht

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Lecture 3 min.

La nouvelle officielle vient de tomber sur tous les sites d’information du monde, les télévisions, les radios et les bouches à oreille : Les scientifiques ont découvert que les amoureux sont plus fragiles que les autres devant le coronavirus. 98% des victimes décédées étaient amoureux ! Les scientifiques avancent des théories pour expliquer le phénomène :

Être amoureux, vraiment amoureux, fou amoureux met les êtres humains dans un état de fragilité propice au développement du virus. Les amoureux sont plus vulnérables pas seulement parce qu’ils s’embrassent et ont des relations sexuelles mais parce l’état d’amoureux rend faible. On baisse sa garde, on se défend moins, on est ouvert à l’autre et par conséquent au virus.

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans tous les couples : « Tu n’es même pas malade, tu n’es même pas mort. Tu ne m’aimes pas !

- Mais si, je t’aime.

- Prouve-le ! Va chez le médecin ! Son diagnostic sera une preuve d’amour.

Des amoureux tentèrent de ne plus aimer pour sauver leur peau mais l’amour ressemble au virus. S’en débarrasser n’est pas simple voire impossible. Beaucoup d’amants moururent. Désespoir double : perdre un être cher et amoureux puisque, à présent, c’est une certitude. Des amoureux se séparèrent parce qu’un amant inquiet n’osait plus embrasser l’autre ou refusait toute relation sexuelle.

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Je suis à l’hôpital depuis plusieurs semaines. Dans un lit, le visage masqué pour ne pas transmettre le virus au personnel de l’hôpital et aux autres patients. Amoureux, j’ai contracté le coronavirus mais je ne regrette rien. L’amour m’a grandi, m’a survolté, m’a fait planer et me tue. Jamais je n’aurais atteint cette altitude, ce format, cette beauté si je n’avais pas aimé. Je n’en ai plus pour longtemps. Je le comprends parce que le médecin ne pénètre plus dans ma chambre en vaniteux vainqueur certain de sa victoire. Hier, en venant me voir, il longeait les murs, la tête basse. Même les infirmières ne sourient plus que par pitié à mes mauvaises blagues : « Allez, il ne lui reste que quelques jours à vivre, faisons lui plaisir, laissons-lui croire qu’il est drôle. »

Depuis plusieurs semaines, le grand amour de ma vie n’est pas venu me voir. Craint-elle l’épidémie ? Elle n’ose peut-être plus sortir de la maison ? Dans mon lit d’hôpital, je suis à l’affût du moindre bruit provenant du couloir de l’hôpital. Je serais capable de reconnaître la musique de sa démarche, la mélodie de ses talons sur le carrelage de l’hôpital. Depuis plusieurs semaines, je l’attends mais elle ne vient pas. Quelqu’un vient d’entrer dans ma chambre. Une femme, le visage masqué. Elle serait enfin venue me visiter ? Peut-être. Elle s’approche du lit et retire son masque. Jamais, je ne l’ai connue aussi pâle, des cernes mauves soulignent ses yeux. Au moment où elle s’approche de mon lit, une terrible quinte de toux comparable aux miennes la brise en deux. Elle est porteuse du virus. Comme moi, elle n’en a plus pour longtemps mais voilà, plus de doute à présent. Elle m’a aimé. La vie est si belle !

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