Actualité glauque ou dramatique

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Vendredi 16 février

 La vague de froid qui a sévi en janvier mit en évidence le nombre de pauvres gens qui vivent dans la rue. Malgré l’augmentation des centres d’hébergement, tous n’ont pas pu bénéficier d’un lit et d’un abri. Emmanuel Macron reconnaît que sa promesse de campagne (« plus un seul SDF à la fin de l’année ») n’a pas pu être tenue. On le savait, c’était une déclaration imprudente, on ne lui en veut pas, mais on souhaite qu’il retienne la leçon : la politique est l’art du possible. On pourrait en outre lui faire remarquer que si les indicateurs de l’économie sont favorables, le nombre de SDF, impossible à fixer, serait peut-être bien en hausse. Si tel était le cas, sa responsabilité serait ici engagée.

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 Avec un chiffre d’affaire de plus de 5 milliards d’euros, Renault a réalisé en 2017 l’année la plus fructueuse de son histoire. Malgré ce record, son patron, Carlos Gohn, accepte de réduire son salaire de 30 %. Il ne gagnera plus que 5 millions d’euros par an. Pour quelqu’un qui n’est pas une vedette de football, c’est quand même une belle somme.

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 Avec les fake news, c’est tous les jours Poisson d’avril.

Samedi 17 février

 En 1960, on dénombrait en France 600.000 cafés. En 2016, on en compte encore 34000, soit moins d’un bistrot en moyenne par commune. Une nouvelle conséquence de l’explosion des communications ? Peut-être… Le bistrot est pourtant le premier réseau social de proximité. C’est même, le cas échéant, le premier centre culturel. C’est en tout cas un véritable lieu de convivialité. Pour éviter l’hémorragie, certains défenseurs du bistrot envisagent de le faire inscrire au patrimoine mondial de l’UNESCO. Soit. Mais pourquoi ce trophée significatif arrêterait-il l’hémorragie ?

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 Michel Déon est mort le 28 décembre à l’âge de 97 ans. Né à Paris, il s’était installé en Irlande ainsi que son œuvre littéraire en témoigne. Académicien, Officier des Arts et des Lettres, détenteur de la Légion d’Honneur, il avait souhaité reposer dans sa ville natale. Anne Hidalgo, maire de Paris, refuse de lui trouver une sépulture. C’est à la fois ridicule et inconvenant, bête et inutile. Elle risque de se mettre à dos une partie du monde littéraire et en fin de compte, elle sera de toute façon obligée de revoir sa position. Il y a vraiment des batailles qui n’ont pas de sens d’être livrées. Navrant et stupide. Souligner, dire et redire…

Dimanche 18 février

 On commence enfin à mettre en pratique les principes de captation de l’énergie solaire sur le continent africain qui, on en convient aisément, en regorge. Grâce à l’apport de la France, le Burkina Faso équipe ses villages de lampes, chargées pendant la journée, utilisées le soir par les enfants pour apprendre leurs leçons. De la lumière quand le soir tombe ! Véritables moments magiques pour ces habitants-là !… La production allant sûrement croître, l’économie capitaliste s’est évidemment mise en mouvement. Ainsi, une lampe fabriquée au Burkina grâce aux techniciens français coûte environ 34 euros. La même, made in China, se vend 7 euros…

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 Parfois, on  se prend à errer dans la simplicité. On se demande même si celle-ci ne virerait pas bien à la platitude. Que l’on ne s’y trompe pas : chez Marguerite Duras, tout est complexe, aussi bien dans le style que dans le sujet traité, dans l’histoire narrée. Dès lors, l’adaptation cinématographique d’un de ses romans, surtout s’il est très autobiographique, devient un pari non pas sur la vérité mais bien sur sa vérité. On a le sentiment, après avoir vu ce qu’Emmanuel Finkiel a réalisé avec La Douleur, que les écueils ont pu être évités, qu’elle aurait aimé ce film retraçant le tournant de sa vie, c’est-à-dire les mois de déportation à Dachau de Robert Antelme, son mari résistant, et son mystérieux dédain naissant d’un amour puissant que rongent la peur et l’angoisse chaque jour. Non, rien n’est simple, et c’est pourquoi la part d’ombre n’est pas à négliger. Mélanie Thierry est admirable et Benjamin Biolay la seconde bien. L’œuvre aurait pu s’intituler "L’Attente" car c’est elle la mère de la douleur, un mal de vivre qui se métamorphose en mal de mort.

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 Lorsque l’on quitte le Grand-duché de Luxembourg afin d’entrer en Belgique, la première plaque de signalisation officielle que l’on découvre après le poste frontière est : Autoroute du soleil. Plus loin, à hauteur de la sortie Dinant, un panneau touristique illustré mentionne : La Meuse frissonne avec Sax. On dira ce qu’on voudra mais la Wallonie est vraiment une terre de poètes.

Lundi 19 février

 La semaine s’ouvre sur les affaires d’agressions sexuelles voire de harcèlement ainsi que sur les querelles d’héritage. C’est au tour des vieilles marraines de Johnny de s’exprimer : Line Renaud et Régine sont tristes pour la mémoire de leur petit chouchou. Le sujet s’étend : on évoque le fils d’Alain Bashung tandis que témoigne celui de Gilbert Bécaud. Toutes ces histoires glauques et vaines polluent l’actualité. Le citoyen n’a même plus accès aux affaires internationales. Tant de faits le concernent pourtant bien davantage que ces médiocres querelles de famille. En Syrie par exemple, ou la guerre civile déboîte et entraîne un nouveau conflit. La force aérienne de Bachar bombarde les zones kurdes et cause la mort de dizaines de civils dont de nombreux enfants. En Allemagne ensuite, où Angela Merkel n’est pas encore assurée de pouvoir former un gouvernement. Si les adhérents du SPD ont commencé à s’exprimer, les militants de son parti, la CDU, renâclent. Ces informations-là sont moins croustillantes que les misères de Laetitia, Laura, David et compagnie. Elles sont cependant grosses de retombées beaucoup plus importantes pour la vie des citoyens.

Mardi 20 février

 Les images d’horreur qui parviennent de Syrie semblent encore plus atroces qu’aux pires moments de la guerre civile. L’ONU se ridiculise en appelant au cessez-le-feu. Tout ce que la raison commande, c’est de « parler avec Poutine ». Les analystes n’ont plus que cette formule à la bouche. Mais parler avec Poutine, c’est négocier en position de faiblesse et laisser Bachar el-Assad sur son trône. Les vagues de migrations vers l’Europe ne sont pas prêtes d’être ralenties.

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 Á la médiathèque des Mureaux, citée en exemple à plus d’un titre, Érik Orsenna remet au président de la République le rapport que celui-ci lui avait commandé sur les bibliothèques de France. On en compte 16.000. Très peu d’entre elles sont accessibles le dimanche ou aux heures de soirée. C’est la carence la plus nette à corriger. On a un peu l’impression que le Front populaire était en avance sur son temps dans ce domaine-là aussi, mais si le président veut, comme il le clame, promouvoir le lien au livre et la gratuité du prêt comme moyens d’approche de l’égalité pour tous, on ne va pas lui en faire grief.

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 L’actualité nous offre assez de raisons de nous indigner ou de nourrir des craintes pour qu’avec un brin de recul vers la dérision et le recours à un regard décalé, les mémoires de Jean-Marie Le Pen ne soient de truculents sujets de rigolade. C’est en tout cas le sentiment que l’on en retire à la lecture des bonnes feuilles que Le Point et Le Parisien ont eu l’honneur de faire paraître. Fils de la Nation, le premier des trois tomes qu’éditera son ami Muller, sortira le 1er mars, une semaine avant le grand congrès de refonte du Front national prévu à Lille. De l’ambiance assurée au pays des ch’tis et des pt’its quinquins.

Mercredi 21 février

 Après un nouveau drame causé par une fusillade, en Floride cette fois, Donald Trump ne pense toujours pas à interdire la vente libre des armes mais plutôt à équiper les enseignants de révolvers et de fusils. Ce type commet une bourde par jour. Nul doute que plusieurs historiographes préparent des ouvrages drôles et cocasses, parfois plus amers et inquiétants qui rappelleront ces tristes comportements indignes du chef de la plus grande puissance du monde. En attendant, il est toujours là, et le déloger n’est apparemment pas à l’ordre du jour

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 En appel de sa condamnation, Jérôme Cahuzac a choisi Éric Dupond-Moretti pour accepter la condamnation certes, mais éviter à tout prix la prison. La plaidoirie du célèbre avocat devrait rester dans les annales. Elle se terminait par une phrase de Georges Bernanos particulièrement bien choisie pour la circonstance : « La liberté est partout en péril et je l’aime. Au point qu’elle ne me paraît pas seulement indispensable pour moi, car la liberté d’autrui m’est aussi nécessaire. » Verdict le 15 mai.

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 Le premier mérite que l’on doit reconnaître à Xavier Giannoli, l’auteur du film L’Apparition, c’est d’avoir choisi Vincent Lindon pour le rôle principal. L’acteur est tellement vrai qu’on l’imagine jouer son propre rôle. Le premier reproche que l’on peut lui adresser, c’est d’avoir choisi un thème impossible à cerner. Car tout au long de l’histoire, le spectateur reste inconsciemment habité par la question fondamentale : « Elle l’a vue ou elle ne l’a pas vue ? » Et quand la salle se rallume, on se demande encore si, finalement, c’était un canular, un coup monté, une supercherie, ou si la pauvre fille qui répète qu’elle n’est pas menteuse a réellement été marquée par une vision de la Vierge Marie. Le journaliste incarné par Lindon, lui, a tout compris. Tel un détective, il a éclairci le mystère, rempli la mission que le Vatican lui avait confiée, tandis que le cœur apaisé, il repart au pays où les chrétiens sont persécutés, sur les traces de son ami photographe, grand reporter, assassiné par des islamistes.

Jeudi 22 février

 Le gouvernement français augmente (considérablement) les taxes sur les résidences secondaires. Belges de la Côte d’Azur ! Faites comme les Français ! Revenez vous domicilier à Bruxelles !...

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 L’Obs consacre sa couverture à un gros plan de Simone de Beauvoir, avec ce titre : La Révolution féministe. Voilà le célèbre hebdomadaire en recul dans un domaine où, pendant un demi-siècle, il se posait en avant-garde. Sans revenir sur le fameux numéro du 5 avril 1971, 343 femmes, dont certaines très connues, reconnaissaient s’être fait avorter, on évoquera par exemple le numéro du 6 mars 2014 présenté sous le titre Femmes Hommes, les vraies différences qui comportait notamment un excellent entretien de Renaud Dély avec Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des Femmes, où celle-ci expliquait qu’à l’objectif de l’égalité absolue, elle préférait « l’égalité des opportunités » en ajoutant que la parité dans toutes les activités n’aurait pas de sens et en terminant par un aboutissement du combat symbolisé par le fait que le ministère des Droits des Femmes serait dirigé par un homme, comme au Danemark…

Vendredi 23 février

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 Des conflits liés à la religion s’étendraient de plus en plus dans les écoles françaises au point que le Ministère de l’Éducation est obligé de prendre des mesures sévères pour renforcer l’institution scolaire dans le cadre de la laïcité. Et dans les pays voisins, comment cela se passe-t-il ?

 

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