L’humour est immortel

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Samedi 12 septembre

 Il y a deux ans, lors de la cérémonie des Molières, Blanche Gardin avait rendu un hommage à Pierre Desproges, mort depuis trente ans, pour démontrer que l’humour n’est pas en danger, mais quoique, laissait-elle supposer. En marge du procès de Charlie-Hebdo, le dessinateur de presse Patrick Chapatte (Le Temps, Der Spiegel, Le Canard enchaîné, The New York Times) dans La Tribune de Genève, et Pierre Kroll dans son journal, Le Soir, considèrent que la bien-pensance érode l’humour en cette époque où l’on condamne sans juger, où l’on se vexe au nom des valeurs sacrées, où le regard décalé, l’exercice de la dérision motivent la délation et la sanction sans procès. Ces artistes – sans doute ne sont-ils pas les seuls… - considèrent dès lors que la liberté d’expression est en recul. « Tout ce qui est perçu comme une offense devient une attaque » dit Chapatte, tandis qu’un monde sans humour est, pour Kroll, invivable. Ces constats, ces témoignages doivent être pris très au sérieux. On dira bien entendu, et à juste titre, que l’humour est immortel parce qu’il est ancré dans la nature humaine. C’est évidemment le type d’humour, en l’occurrence ici la satire, qui est en danger. Comme en écho, Al-Qaïda vient de lancer une nouvelle fatwa contre Charlie-Hebdo. On n’imagine pas que le massacre du 7 janvier 2015 puisse se répéter car cette fois, l’islam serait vraiment la première victime du terrorisme islamiste.

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 L’amateur de drame psychologique aimera Shirley, le film de Josephine Decker basé sur le roman éponyme de Susan Scarf Merrell et produit par Martin Scorcese. Un couple composé d’un professeur d’université, marié à une écrivaine soi-disant atteinte d’une maladie mentale, prend plaisir à en démolir un autre, de la génération qui les suit, jeunes gens qui respirent la joie de vivre et le bonheur de s’aimer. Presque toutes les scènes se déroulent dans la pénombre, ce qui ne peut qu’accentuer l’angoisse qu’elles dégagent d’un bout à l’autre.

Dimanche 13 septembre

 La liste de personnalités qui se sont, au fil du temps, opposées à Poutine, entrera un jour dans l’histoire de la Russie.  Mikhaïl Khodorkovski est parmi ceux-là. Ancien homme d’affaires exilé en Europe où il a créé le mouvement Open Russia, il ne fut pas empoisonné mais il passa dix ans de sa vie détenu en Sibérie. Il déclare au JDD : « La question, aujourd’hui, n’est pas de savoir si le régime va tomber mais quand cela arrivera ». Sans donner une date, on peut déjà tenter une approche chronologique. Selon Loukachenko, ce sera juste après sa propre chute. Dans la foulée ? Hum… Ne sous-estimons pas, comme tant d’observateurs ou même de chefs d’État, l’art de gouverner de Vladimir Poutine.

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 Vous reprendrez bien un peu de francophilie ?

 Voici Patti Smith, l’icône du rock féminin. Elle aura 74 ans le 30 décembre. Passionnée de littérature française, elle a racheté la maison de Rimbaud à Charleville (« là où il écrivit Une saison en enfer »). Elle voudrait en faire une résidence d’artistes. Elle est aussi passionnée par Artaud. Elle se découvre une passion récente pour René Daumal. Elle dépense son argent à l’acquisition de reliques concernant les poètes. Pour l’heure, elle ambitionne de se procurer le manuscrit que Gérard de Nerval détenait dans la poche de sa veste au moment de sa mort.

 C’est une New Yorkaise qui préfère un café au Flore qu’une tisane au Chelsea Hôtel de Greenwich Village. Une femme bien, en somme…

Lundi 14 septembre

 Le Covid et ses interrogations lancinantes. Les courbes repartent à la hausse alors que l’été déploie encore ses belles journées ensoleillées, nous laissant à l’abri, pour l’heure, des tristes heures pluvieuses où les maux de gorge et les rhumes vont éclore. Une seule affirmation a du sens : personne ne sait. Et la sagesse impose la retenue chez tous ceux qui ambitionnent de penser l’après. Il est vain d’élaborer une quelconque forme de réflexion sur l’après tant que l’on ignore l’espace-temps qui nous sépare de cet après. Le président du patronat français annonce que s’il y avait un nouveau confinement, « l’économie s’effondrerait ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Á peine la boucherie de 14-18 s’arrêtait-elle que la grippe espagnole allait causer plus de morts que ce drame de quatre année. La vie reprit, grosse de démons mais renaissante quand même. Et les ruines laissées par l’autre folie meurtrière, celle de 40-45 ? Atroces bien sûr, mais pas irrémédiables dans l’histoire de nos sociétés. Une seule donnée peut déjà être prise en compte : la crise sanitaire est planétaire. Aucune zone n’est épargnée. Le virus ne pourra donc être combattu et si possible éradiqué qu’à l’échelle terrienne tout entière. Oui, le monde est un village pour la civilisation de l’image et d’internet ; il l’est aussi désormais pour les maladies.

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 Quiconque a suivi l’actualité du génocide au pays des Mille collines ne sera pas bousculé par le film Petit pays, d’Éric Barbier, sur la base du roman de Gaël Faye (éd. Grasset, prix Goncourt des Lycéens en 2016). L’écrivain a d’ailleurs suivi de près le tournage « afin que cela ne tourne pas en spectacle ». Mais les événements relatés datent de plus d’un quart de siècle. Ce film vient donc évoquer des atrocités qui peuvent paraître inimaginables et pourtant plutôt en-dessous de la réalité. C’est donc une sorte de documentaire – fiction qui est proposé à travers la vie d’un jeune gamin de Bujumbura (d’une famille Tutsis du Burundi), Gaby, remarquablement interprété par Djibril Vancoppenolle. Poignant, forcément poignant.

Mardi 15 septembre

 Cette photo officielle de la visite de Loukachenko à Moscou, où le président biélorusse semble exécuter un ballet dans son fauteuil tandis que Poutine, jambes écartées, se masque le visage de la main, que signifie-t-elle ? Qu’il y a en prévision un oiseau pour le chat ? Non, un mouton pour l’ours.

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 Y aurait-il de la vie sur Vénus ? Ne serait-ce pas encore un coup du Covid ? Vénus / virus, cela semble bien s’accorder pour une future oraison de l’espèce humaine.  

Mercredi 16 septembre

Bien que toute sa majorité ne le suivit point, Boris Johnson fait voter une loi qui remet en cause certains éléments de l’accord sur le Brexit servant de base à la concrétisation de nouvelles relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne à partir du 1er janvier prochain. Il n’est pas dans le comportement britannique de traficoter un accord. Cette faute morale relève d’un chocking qui pourrait nuire sérieusement à la réputation du Premier ministre. En attendant, l’idée d’un No deal redevient primordiale dans l’évaluation des travaux et des négociations. Quant aux nouveaux arrivants qui reconstituent une « jungle » à Calais, ils n’ont que faire de ces manœuvres sournoises fomentées au 10, Downing street.

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Petites sottises éparses glanées après une relecture du savoureux poème de Gabriel Charles, abbé de Latteignant (1697 – 1977), un drôle d’ecclésiastique doublé d’un fameux pistolet. Il n’était pas que l’auteur de « J’ai du bon tabac dans ma tabatière » … Il avait aussi excellé dans « Le Mot et la Chose ».

  • Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, est contre l’écriture inclusive. Elle estime que cette façon d’écrire est réservée à une élite tant elle est compliquée. C’est surtout une bête agression de plus de la part de ceux qui veulent se distinguer en proposant des modifications stupides de la langue française. Ils feraient mieux de lutter contre l’invasion excessive des anglicismes.
  •  Les défenseurs de l’orthographe ont choisi l’humour trivial pour défendre leur cause, avec une comparaison de circonstance. Ils démontrent que « J’aime la rentrée » n’a pas du tout la même signification que « J’aime la rentrer ». On ne peut pas leur donner tort.
  •  Louis XIII enfant aimait beaucoup jouer avec sa petite crevette. Il l’appelait « La guillery ». Cette information nous vient des carnets du docteur Hérouard, le médecin qui le suivi de sa naissance en 1601 jusqu’à sa maturité affirmée, en 1627. Exemple : «15 septembre 1604. Éveillé à 8 heure, il appelle Mlle de Béthouzay et lui dit : ‘Zézay, regarde ! Ma guillery fait le pont-levis ! Le vela levé. Le vela baissé. » Cette petite obsession du sexe relevait peut-être d’un atavisme. Son père, Henri IV avait un jour déclaré : « Jusqu’à l’âge de quarante ans, j’ai cru que c’était un os que j’avais là… »                                                    
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