David Kennedy, peintre dans l’âme.

Street/Art

Par | Penseur libre |
le

L'enlèvement d'Europe.

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Comme il est difficile de parler des œuvres de David Kennedy ! D’abord poser des mots, fussent-ils beaux, sur de la peinture, peut paraitre superfétatoire, superflu, incongru, illégitime. Et puis, quoi dire ? Doit-on comme le font les critiques depuis que la critique d’art existe ranger l’œuvre dans un mouvement, cerner les sources, dire les influences. Bref, faire de l’Histoire de l’Art. Pourquoi à toute force ranger ? L’historien des Sciences, l’épistémologue, sait que le classement est une des conditions de la recherche scientifique. Mais les choses de l’Art obéissent-elles aux mêmes lois ? Je n’oublie pas que les mouvements artistiques ont été nommés a posteriori, de drôle de manière, et que les artistes créant leurs œuvres se soucient comme d’une guigne de l’éventuel mouvement dans lequel sera classée leur œuvre. Pensons au Sturm und Drang, à l’impressionnisme, à Dada, aux Fauves etc.

Ce besoin de créer des catégories, de rassembler des œuvres ayant des points communs, semble ignorer que ce qui définit une œuvre ce ne sont pas ses ressemblances avec d’autres œuvres mais les différences ;  c’est le refus de considérer qu’une œuvre ne résulte pas d’une savante alchimie d’influences mêlées, mais quelle est sui generis, qu’elle est unique. Tout se passe comme si son caractère profondément original était une aporie rédhibitoire. La tentation est grande d’inscrire une œuvre dans un continuum chronologique et logique. L’œuvre s’explique alors par  les œuvres qui l’ont précédée. Elle résulte d’une fusion d’influences et, soit prolonge une logique interne, soit est en rupture avec elle. S’il est vrai qu’à partir de rien, rien ne naît. Il est également vrai qu’il est illusoire de réduire une œuvre à ses influences.

 

Comprendre les ressorts de la création en train de se faire est ma manière d’éclairer les œuvres. Y apporter, au sens propre, de la lumière, non sur l’analyse de tous les ressorts de la création, mais sur quelques-uns, est l’entrée que j’ai choisie pour rendre compte de l’œuvre qui se fait.

 

Aussi, il est inutile de donner à lire des informations qui ne servent pas à la compréhension de la création. Inutiles donc, les longs développements biographiques. Seules m’intéressent la relation à la peinture de l’artiste. David Kennedy s’est construit, seul, une culture plastique en fréquentant les musées.  Entre lui et les œuvres, la transmission a été directe, fondée sur la sensation et l’émotion. Il n’a pas reçu sa culture en héritage ; elle résulte de la satisfaction profonde de ses besoins.

 

David Kennedy s’est créé un monde. Un monde qui est un reflet de sa vie.  Un monde qui a à voir avec le nôtre mais qui n’en est pas la reproduction mais une traduction. Entre le réel et l’œuvre peinte, tout est transmuté : les formes qui n’obéissent pas à la géométrie, les situations à la logique cartésienne, les couleurs aux traités de peinture. Les rapports de dimensions, les règles de la perspective sont réinventés et varient en fonction des toiles. Leur caractère immuable est nié. Par exemple, dans ses portraits en pied, tout apprenti artiste apprend par cœur les proportions du corps humain[1]. Le dessin de Kennedy n’obéit pas à l’anthropométrie mais à l’esthétique. Une esthétique singulière qu’il a inventée et qui n’est pas régit pas la constance. L’artiste refuse les règles, toutes les règles, y compris l’obligation de la constance. L’invention et la reproduction d’une esthétique nouvelle ne l’intéresse pas : il peint sans contrainte d’aucune sorte. En un mot, il est libre.

Dans son monde tout devient possible : il peut se représenter sur un même plan plusieurs fois, s’il « récupère » un tableau de la Renaissance hollandaise ce n’est pas pour le copier mais, éventuellement,  pour faire le portrait d’un ami, un portrait dans lequel la ressemblance est recherchée. Les sujets sont le plus souvent « détourés », pas de décor, juste une couleur de fond, mais c’est loin d’être systématique. La liberté de l’artiste s’accommode mal de la logique, de la reproduction des contraintes formelles. Il est guidé par son désir.

 

Ce qui frappe dans son œuvre peinte, ses dessins et ses gravures, c’est une liberté consubstantielle de l’artiste. Un « drôle » d’artiste qui, aidé par un mécène, refuse de vendre ses toiles, qui les garde car leur présence lui est nécessaire pour vivre. Un artiste qui refuse le commerce de sa création, l’exposition, la galerie, le contact avec les collectionneurs. Je ne désespère pas de le convaincre de partager un peu de sa chair et de son sang.

Le deuxième trait fort de son œuvre dont j’ai pu voir l’intégralité est la prégnance des sujets « religieux » et mythologiques. Il ne reproduit pas des images mais s’approprie la situation pour exprimer ses émotions et ses peurs. Ainsi, il avoue que ses sources d’inspiration sont Titien, Rembrandt et Van Dyck. Il dit les traiter «  à sa manière ». Une autre manière de définir l’appropriation.

David Kennedy peint comme il respire, naturellement, et son œuvre lui est nécessaire.

 Je crois comprendre les liens fusionnels qu’il entretient avec ses œuvres ; on ne vend pas son journal intime, ses cauchemars, ses désirs. Son « travail » est bien davantage ce qui le travaille.  Pas de limite entre l’homme et l’artiste. Il est tout entier dans son œuvre. Il pourrait, à son tour, dire qu’il est la matière de son œuvre : une œuvre qui s’édifie et qu’il paie au prix fort.[2]


[1] Par exemple, le rapport entre la tête et le corps est compris entre 1/7ème et 1/8ème.

Orphée et Eurydice.

Diane et Actéon.

L'écorchement de Marsyas par Apollon.

Autoportrait de l'artiste.

Expiation du péché d'orgueil.

Don de tunique à un mendiant.

Saint François parlant aux oiseaux.

Chutes d'après Hokusai.

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Paysage avec colline et arbres.

Pont.

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