Vent de gauche aux Etats-Unis et ailleurs

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Alexandria Ocasio-Cortez au Reardon Convention Center à Kansas City, le 20 juillet 2018. Photo © Mark Dillman – commons Wikimedia.org

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Le rouleau compresseur de la mondialisation néolibérale attisant le populisme d’extrême droite n’est pas une fatalité. Même Trump peut être confronté par une partie de l’opinion publique américaine puisqu’on voit émerger aux Etats-Unis un nouveau courant socialiste radical.

En Europe, le Portugal, discrètement, montre l’exemple d’un pays qui refuse de se plier aux règles économiques néolibérales de l’Union européenne et qui réussit un programme de gauche signé entre socialistes et communistes. L’Espagne s’offre un gouvernement socialiste. En Amérique latine, la population brésilienne de gauche mise sur un Lula emprisonné par la droite championne de la corruption. Le Mexique a enfin détrôné un parti de droite corrompu à l’extrême et qui semblait inamovible pour élire un président de gauche.

Les socialistes du millénaire aux USA

De quoi inquiéter les Républicains étatsuniens, Trump en tête.  Pour l’instant, ils se préoccupent surtout de la grande victoire aux primaires des démocrates d’une jeune femme, latino, au cœur de New York : Alexandria Ocasio-Cortez, 28 ans, métisse d’origine portoricaine et membre du parti des Socialistes Démocrates d’Amérique (DSA). Elle a littéralement écrasé, avec 57% des voix contre 42%, « celui qu’on appelait “le Roi de Queens” et “le Boss” de l’establishment du Parti Démocrate, l'inamovible député sortant Joe Crawley, qui bénéficiait du soutien public de Wall Street et du financement de quelques géants capitalistes comme Facebook, Google, Blackrock, Citigroup, JP Morgan, Lockheed Martin ou Viacom! », analyse  le journaliste Yorgos Mitralias dans son blog sur Médiapart.

Il ne fait aucun doute qu’Alexandria Ocasio-Cortez soit élue en novembre à la Chambre des représentants car la circonscription de Bronx-Queens est un bastion traditionnel des Démocrates qui emportent 80% des voix, précise Mitralias.

Comment Alexandra a-t-elle gagné ? En refusant « tout soutien et tout financement de la part des grands donateurs traditionnels du Parti Démocrate, en inspirant et en mobilisant des milliers de jeunes (lesquels d’habitude, ne votent pas), en dénonçant le bipartisme américain qui n'est que... bonnet rouge et rouge bonnet, en proposant des mesures radicales, comme un “New Deal Vert” d’action immédiate contre la catastrophe climatique, la dissolution de la police de l’immigration (ICE), l'assurance maladie pour tous et toutes sans exception, le doublement du salaire minimum horaire, la garantie universelle à l’emploi, l’abrogation de l’actuel régime néocolonial de Porto Rico, etc. », résume Yorgos Mitralias.

Le journaliste souligne que les Etats-Unis, contrairement à notre « vieille Europe », voient se développer une « résistance chaque jour plus massive, combative et radicale ». Récemment, 40.0000 à 50.000 maîtres d’école ont manifesté dans plusieurs Etats (Virginie de l’Ouest, Oklahoma, Arizona, Kentucky et ailleurs) et ont obtenu des  augmentations qui ont dépassé le 20%. Des centaines de milliers d’antiracistes et d’anti-néolibéraux ont manifesté dans des centaines de villes américaines contre la politique migratoire raciste et terriblement répressive de Trump. Ils ont témoigné d’une intense solidarité avec les migrants détenus, expulsés et séparés de leurs enfants.

Bernie Sanders se présentera aux prochaines élections en tant que candidat démocrate. Il explique qu’il n’a pas le temps de créer un troisième parti, une troisième voie aux Etats Unis bloqués par un bipartisme stérile. Mais l’exemple qu’il représente pour la jeunesse étatsunienne est un véritable espoir d’alternative politique. Elle mériterait en tout cas la solidarité de tous les mouvements de gauche, progressistes, écologistes du monde.

Printemps européen

Encore faut-il que se crée une véritable alliance des gauches des divers pays européens. Et c’est loin  d’être gagné tant les rivalités et antagonismes sont profonds, notamment en France. Il n’empêche, une liste transnationale « Printemps européen » a été lancée par l’ancien ministre grec Yanis Varoufakis. En juin passé, avec Benoît Hamon, ancien candidat socialiste à la présidence française, ils ont présenté l’esquisse de leur plateforme électorale pour les européennes, soumise pendant tout l’été à une consultation des forces progressistes européennes. Objectif : le rassemblement de ceux « qui partagent le même sentiment d’urgence de ne laisser l’Europe ni aux libéraux ni aux nationalistes ». Il s’agit donc d’une sorte de « primaires » européennes des forces progressistes dont on espère qu’elles parviendront à un programme commun en surmontant leurs stériles divisions dogmatiques ou des querelles d’égo.

En attendant, le Parti Socialiste français n’est pas sorti de la tourmente de la défaite électorale puisqu’il a demandé au belge Paul Magnette de mener sa liste aux élections européennes. C’était en effet un bon choix mais l’ancien ministre-président de la Wallonie et fin connaisseur de l’Europe qu’il veut sociale sera fortement impliqué dans notre marathon électoral de cette année et de l’année suivante. Impossible donc de se lancer dans cette aventure franco-européenne. Le PS français cherche toujours une nouvelle tête qui pourrait rassembler un parti fortement divisé.

« Le Vent se lève » en France

Il reste qu’à la suite des Indignés et des Nuits debout, de jeunes espoirs se lèvent qui veulent tout reconstruire. Ils suivent la ligne de Gramsci de « guerre de position » qui « transpose le vocabulaire propre à la tactique militaire à l’analyse du monde social. Il parle ainsi des médias, des églises, des universités, des usines, des palais de justice, comme d’autant de bunkers et de casemates, de forteresses et de bastions qu’il importe de défendre ou de conquérir avant de pouvoir prétendre à l’exercice du pouvoir. De là la distinction fondamentale dans la pensée de Gramsci entre la société politique et la société civile. Cette dernière est le lieu de production du consentement à l’hégémonie néolibérale, qui permet ensuite d’assurer le règne d’une force dominante et la diffusion de ses idées. », lit-on sur leur site http://lvsl.fr/

Contre cette « société civile » à la mode gramscienne, on oppose les mouvements sociaux et citoyens et les « mouvements » dit « populistes de gauche » selon la définition de Chantal Mouffe, qui se rebellent contre l’ordre néolibéral dominant. L’arme de guerre est la lutte culturelle, ancrée dans le quotidien, disent-ils. Ils poursuivent : « La « bataille des idées et des mots » joue ici un rôle important quoique non exclusif : il s’agit, pour les acteurs de cette guerre, de conquérir des positions sociales, d’avancer leurs pions, et de faire progresser leur vision du monde. C’est une stratégie de conquête plus lente, plus laborieuse, mais la seule à même de réussir. » Ils précisent : « La devise que nous avons adoptée « Tout reconstruire, tout réinventer » ne veut pas dire autre chose : tout réinventer dans le monde des idées, réformer un logiciel politique sclérosé, pour tout reconstruire dans le monde matériel. »

Ne désespérons point : le monde nous offre quelques beaux exemples d’alternatives politiques à mettre en œuvre au plus vite. Pour cela, un moyen important, ce sont les  élections. La « lutte culturelle » est lancée !

Sources :

https://www.lemonde.fr/international/article/2018/07/02/sept-choses-a-voir-sur-le-nouveau-president-mexicain-andres-manuel-lopez-obrador_5324531_3210.html

https://blogs.mediapart.fr/yorgos-mitralias/blog/110718/le-socialisme-fait-irruption-sur-la-scene-politique-americaine-par-mitralias

Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.

https://www.mediapart.fr/journal/international/090618/hamon-et-varoufakis-en-appellent-une-primaire-des-gauches-pour-les-europeennes

https://www.mediapart.fr/journal/france/130718/le-vent-se-leve-veut-insuffler-un-renouveau-intellectuel-au-sein-de-la-gauche-francaise

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