S’engager pour l’Europe et le climat

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Jeudi 24 janvier

 On ne saura rien des paroles de Félix Tshisekedi prononcées dans son discours d’investiture. Le nouveau président a été victime d’un petit malaise pendant qu’il s’exprimait devant un parterre immense, foule enthousiaste et solennelle venue saluer la transition démocratique. Et c’est évidemment d’abord cet accroc que la presse du soir retient. Attendons demain matin, on pourra mieux évaluer l’événement…  Un court malaise… Un jour, on le commentera peut-être comme un signe du destin.

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 Voilà plusieurs mois que l’on s’attend à ce que le Venezuela se révolte. Le président de l’Assemblée, Juan Guaido, membre de l’opposition à Maduro, s’autoproclame président de la République devant une foule de partisans. De l’autre côté, Nicolás Maduro, soutenu par l’armée, déclenche une résistance devant autant de partisans. Cela sent le début d’une guerre civile. Alors que ces prémices d’incertitude planent sur le pays, un homme s’empresse de reconnaître la légitimité ( ?) du président autoproclamé. Pas besoin de laisser la question-devinette en suspens. Cet homme, c’est évidemment Donald Trump, le seul à se manifester. Le seul ? Non ! Jair Bolsonaro, le président fasciste du Brésil, le rejoint illico. Après quelques heures de réflexion, Poutine peut dénoncer le « sans-gêne » de ces deux-là. Comment lui donner tort ? Une fois de plus, l’ours impassible touche juste.

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 Sur France 2, Léa Salamé, responsable de L’Émission politique, et Thomas Sotto en appoint ont réussi le tour de force d’organiser un débat de trois heures en direct avec 23 personnalités des mondes politique, syndical, économique, société civile, etc. Bien sûr, il y eut parfois des scories dans les échanges contradictoires, deux ou trois paroles qui se télescopent et qui brouillent la compréhension du téléspectateur. Mais dans l’ensemble, ce fut un remarquable exercice de démocratie tel qu’on ne peut en connaître que sur le service public. La conclusion de ces denses discussions, on la laisse à Pascal Bruckner, qui constate que le Français déclare : « Foutez-moi la paix, occupez-vous de moi ! », en corrélation avec le désormais célèbre mot de Sylvain Tesson : « La France est un paradis où les gens qui y habitent pensent qu’ils sont en enfer. »

Vendredi 25 janvier

 Trump renonce ou Trump recule ? Les deux verbes se retrouvent chez les commentateurs. Ils ne décrivent pas la même attitude. Alors ? Le président des Etats-Unis annonce qu’il « trouve un accord » pour mettre fin au long shutdown et permettre ainsi aux administrations de fonctionner. Mais il précise que le 15 février, il remettra la construction du mur le long de la frontière mexicaine sur la table. Peut-être est-ce donc une manière maquillée de reculer et donc de renoncer à la construction de ce mur. On verra bien dans une vingtaine de jours. Disons que pour l’instant, Trump renonce momentanément à cette construction. Pour l’heure, c’est en tout cas le plus grand revers de sa présidence, ce mur figurant parmi les principaux éléments de son programme.

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 Jean-Michel Boucheron figurait parmi les étoiles montantes du PS durant la fameuse décennie ’70 qui aboutit, le 10 mai 1981, à l’élection de François Mitterrand. En 1977, Boucheron devint maire d’Angoulême et ensuite député. Parmi ses premières réalisations figure le développement d’un petit festival de la bande dessinée qui vivotait en grand Festival international de la BD, soutenu par Jack Lang qui créa dans cette ville le Centre international de la Bande dessinée. Le succès de Boucheron lui monta aux cheveux. Il commit des fausses factures et des déclarations douteuses. Il fut condamné pour financements illégaux. En exil, extradé, emprisonné, déchu, etc. Aujourd’hui, Angoulême vit la 46e édition de son festival. On en parle dans le monde entier, c’est à ce titre que la ville acquit une renommée internationale. Plus personne, parmi les festivaliers, les spécialistes de la BD, les lauréats mêmes, ne connait l’identité de Jean-Michel Boucheron, un triste sire voué à un brillant avenir, que l’appât du gain a dévié.

Samedi 26 janvier

Repousser le Brexit jusqu’à décembre pour éviter de No deal ? Même certains députés travaillistes défendent l’idée. Et le 26 mai, les Britanniques participeraient-ils alors au renouvellement du Parlement européen ? En ce cas, il y aurait campagne électorale… En anglais, bordel se dit whorehouse. Mais grand désordre se dit Big discorder. Plus approprié à la situation actuelle…

                                                          *

 Trente écrivains, philosophes et autres romanciers s’engagent en faveur de l’Europe dans le journal Libération. Bernard-Henri Lévy, qui fait partie du groupe, entreprend une tournée dans 21 villes de l’Union. Un spectacle sous la forme d’un monologue (« une croisade » dit-il…) C’est chaleureux, réconfortant. Vient la terrible question dérangeante : le choix de l’électeur est-il encore influencé par les prises de position des intellectuels ? Plus inquiétant : les élites ne font pas pire que mieux en pétitionnant ou en discourant ? Non et non. On ne peut pas leur reprocher de rester dans leur donjon et (en même temps) regretter qu’ils descendent dans l’arène. B-H.L. peut faire sourire, peut faire ricaner, peut exaspérer… Son engagement européen, ses prises de position nettes contre les Orbán, Salvini et autres zozos fascistes du même tonneau ne peuvent pas laisser indifférent.

Dimanche 27 janvier

Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste

« Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs… »

          (Aragon. Chanson pour oublier Dachau)

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 Emmanuel Macron voulait un système « Ni gauche, ni droite ». Il reçoit en échange une société « Gilets jaunes et foulards rouges ». Pour s’opposer aux premiers afin de « défendre la démocratie », les seconds se sont mobilisés. Ils furent 10.000 à défiler dans Paris tandis que depuis les trottoirs, les premiers les invectivaient. Il n’y a pas eu d’incidents violents. Mais rien ne dit que demain, les Gilets jaunes et les Foulards rouges ne se tamponneront pas. Alors, il faudra que s’interposent des casaques bleues et noires, munies de boucliers, de casques et de matraques. Macron est occupé à découvrir que l’homme arc-en-ciel n’est pas une solution. Ce qu’il faut, ce qui est de son devoir, c’est concevoir une société composée de rouges, de jaunes, de verts, de bleus, etc., qui se tolèrent et se respectent. Son devoir est de créer les conditions pour que cette tolérance, ce respect mutuels existent et si possible, donnent naissance à un épanouissement civique, à tout le moins une société apaisée. La méthode est simple. Il lui suffit d’appliquer à la lettre la triade républicaine et l’article premier de la Constitution. Liberté, égalité, solidarité, laïcité… Tous ces beaux mots recèlent des actes à poser par ceux qui gouvernent, et singulièrement par celui qui se trouve au sommet.

Lundi 28 janvier

 Pestilence : n.f. Odeur infecte et intolérable. (Larousse)

 « Cette pestilence des pestilences, le nationalisme, a empoisonné la fleur de notre culture européenne. » (Stephan Zweig. Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, 1942)

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 De plus en plus de Britanniques sollicitent la naturalisation française. Des hauts fonctionnaires de l’Union européenne, mais aussi des personnes âgées qui abandonnent leur domicile anglais pour s’installer définitivement dans leur résidence secondaire de Dordogne… Leur motivation ? « Rester Européens. »

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 Roma, le film d’Alfonso Cuarón, met le spectateur sous tension, parfois jusqu’à l’angoisse, à chaque instant. Et pourtant, la salle rallumée, l’on se dit que rien d’extraordinaire ne s’est vraiment produit. Certes, il s’agit d’une année tourmentée dans la vie d’une famille mexicaine, mais sans qu’un événement exceptionnel ne vienne vraiment la transformer. La vie change, parfois brutalement, mais son cours se poursuit sans que finalement le train-train ne se modifie. La narration par à-coups est rendue haletante et les gros-plans sont des moteurs pour la captation des scènes. Tout se déroule dans un pays aux couleurs vives. Cuarón a donc choisi le noir et blanc. Il a raison. Le gris domine souvent dans l’ordinaire du quotidien. Un Oscar pour le Mexique ?

Mardi 29 janvier

 Après avoir envoyé un sévère avertissement à Maduro, Macron s’en est allé congratuler Al-Sissi au Caire. Pour faire bonne figure, il lui a aussi parlé de liberté. Mais d’abord les affaires, les contrats, les commandes. Le reste, c’est aussi les affaires, mais plutôt celles d’Amnesty international. En Égypte, il ne gèle pas et personne ne porte un gilet jaune.

                                                          *

 On sait Eastwood talentueux dans l’art de raconter des histoires. Celle qu’il propose avec The Mule s’inscrit dans la belle tradition hollywoodienne. Tout y est, les bons sentiments, les accrocs de la vie, les défis mesquins, les coups durs, la famille sacrée, les disputes et les réconciliations, le couplet mélo et le refrain sentimental. Sans omettre, évidemment, le triomphe du Bien sur le Mal. Mais c’est probablement le dernier long métrage de ce bon vieux Clint et l’on est content d’être allé le saluer.

Mercredi 30 janvier

 En Israël, les chefs militaires se reconvertissent souvent dans la politique et deviennent aisément parlementaires. Deux d’entre eux ont même occupé le poste de Premier ministre : Yitzhak Rabin et Ehud Barak. C’était encore au temps où le Parti travailliste était prépondérant. Aujourd’hui qu’il est réduit à peu de choses, il ne fait plus recette. Comme disait André Malraux, « la gauche n’est rien si elle n’est pas une grande voix. » Alors, le militaire à la brillante carrière, Benny Gantz, 59 ans, a décidé de créer son propre parti pour s’opposer à Netanyahou. Ce sera Résilience israélienne, un substantif qui retrouve une nouvelle jeunesse, et pas seulement en Europe. On le voit déjà bouter le Premier ministre hors de son piédestal. Il est vrai qu’il s’y est installé depuis dix ans. Quand il accéda au poste, il avait l’âge que Gantz a aujourd’hui. S’il est battu, le dur Benyamin pourra méditer sa propre résilience.

                                                          *

 En France, à quinze mois des élections municipales, 49% des maires se déclarent peu tentés de se représenter. Si le gouvernement (et le président) ne décèlent pas un malaise dans cette enquête, c’est qu’il est atteint de cécité. Ou de suffisance.

Jeudi 31 janvier

L’insubmersible Theresa May a repris du poil de la bête. La voici relancée, sachant que si l’Union européenne se refuse à renégocier le Brexit, elle se dit néanmoins prête à consentir quelques petits arrangements. Est-ce ainsi qu’il faut qualifier la frontière qui séparerait de nouveau les deux Irlande, que l’immense majorité des peuples qui les composent ne souhaitent point voir rétablies ?

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 C’est déjà devenu une coutume. Le jeudi, en Belgique, les adolescents des grandes villes (Bruxelles, Liège…) boudent les cours pour aller défiler en revendiquant plus d’attention des politiques en faveur de la planète. On y trouve des slogans étonnants comme : Pourquoi faudrait-il étudier s’il n’y a pas de futur ? Les directeurs d’école sont inquiets quant à leur responsabilité eu égard à tous ces mineurs. Ils interpellent les parents. Ceux-ci sont partagés entre la sympathie de l’engagement et l’obligation de scolarité. La plupart des citoyens sont tellement bluffés, heureux de constater que la jeunesse n’est pas seulement accrochée à ses écrans, tablettes et smartphones, qu’elle est aussi capable de descendre dans la rue (eh bien oui, c’est la jeunesse…), qu’ils n’osent pas médire de cette mobilisation spontanée. La plupart des politiques se taisent. Il y a pourtant au moins deux remarques à formuler à l’intention des valeureux manifestants : 1. Ce n’est pas seulement à l’échelle nationale, pour un petit pays comme la Belgique, qu’il y a lieu de réclamer des actions en faveur de la Terre. Qui plus est, le gouvernement est en affaires courantes. C’est au niveau européen qu’il faut agir. Ça tombe bien : Bruxelles est le centre de l’Europe. Plutôt que de défiler dans ses rues, qu’ils aillent élever la voix devant le Berlaymont. Ça tombe deux fois bien : on entrera bientôt en campagne pour renouveler le Parlement européen… 2. Si la planète est en danger, c’est parce qu’il y a des dingues puissants qui continuent à la rendre sale. Le plus puissant des puissants climatosceptique s’appelle Donald Trump. Il a sorti son pays des accords de Paris (COP 21) que son prédécesseur avait signés. Son disciple principal est un certain Bolsonaro, qui préside le plus grand et le plus riche pays d’Amérique du Sud. Pourquoi cette belle jeunesse ne va-t-elle pas pousser quelques coups de gueule devant l’ambassade des Etats-Unis et devant l’ambassade du Brésil ?

 

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