Scop-Ti : le terroir contre la multinationale

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Olivier Leberquier, directeur général de la Société Coopérative Ouvrière provençale des Thés et Infusions de Gémenos (Marseille) Photos © Jean-Frédéric Hanssens

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C’est une belle histoire façon David contre Goliath, une lutte ouvrière longue et solidaire contre un géant de l’alimentaire : Unilever. Il s’agit de la création d’une petite coopérative française face à une des multinationales les plus puissantes au monde. Cette entreprise anglo-néerlandaise se situe en effet à la quatrième place du secteur de l’agroalimentaire et à la première place du marché des glaces et des thés dans le monde.

Comme nombre de multinationales, cherchant un profit maximal, elle ouvre et ferme des usines dans divers pays, achète et revend des marques, restructure son empire en fonction des opportunités de développement. Avec au passage quelques méfaits du genre travail des enfants dénoncé par Amnesty International en 2016, quelques pollutions au phosphate notamment mais une politique évidente d’arriver à la durabilité. Bref, la logique normale d’un capitalisme assumé. Sauf que la fermeture d’une entreprise est chaque fois un drame social d’autant plus inacceptable lorsqu’une entreprise fonctionne bien, qu’elle fait des bénéfices et que ses travailleurs sont porteurs d’une expertise reconnue.

Ce fut le cas en France de la fermeture d’entreprises de fabrication de thé pour Lipton et Eléphant: au Havre en 1998 au profit d’une autre à Bruxelles, celle de Fralib à Gémenos en 2010 afin de transférer les activités en Pologne. 182 travailleurs s’unissent alors afin de conserver l’outil Fralib, parfaitement au point et rentable ainsi que la marque de tisanes Eléphant. Le taux de syndicalisation est particulièrement fort : une alliance CGT et CGC qui soutient la lutte collective, aide à étudier la situation économique et les alternatives possibles afin d’envisager un redémarrage de l’entreprise sous une forme de coopérative. Les travailleurs ont ainsi découvert qu’en quelques années leur productivité avait augmenté de près de 50 % alors que leur salaire avait décru d’environ 50%, et cela alors que le poids des salaires dans le budget global de l’entreprise ne représentait que quelques centimes par rapport au prix d’une boîte de thé : 14 centimes en France pour 6 centimes en Pologne pour une boîte de 25 sachets de thé coûtant 1,80 €.

Preuves à l’appui, les travailleurs produisent en janvier 2011 un document proposant une solution alternative à la fermeture de l’usine. Ils contactent les autorités locales et régionales et étudient les diverses formes que pourraient prendre leur entreprise. Conclusion : la formule de la coopérative est choisie. Unilever ne lâche pas la marque de tisanes Eléphant, propose des sommes parfois importantes en guise de licenciement des travailleurs mais aucun n’accepte.  La solidarité entre eux et avec la population locale est évoquée par Olivier Leberquier, mécanicien et délégué syndical CGT, devenu directeur général de la Société Coopérative Ouvrière provençale des Thés et Infusions de Gémenos (Marseille). 

Il nous raconte ces 1336 jours d’occupation d’usine et d’élaboration d’un modèle entrepreneurial coopératif. Cette émouvante solidarité de "petites gens" : une retraitée qui verse chaque mois 10 € car elle est pauvre, une personne âgée qui demande qu’à son décès ses enfants collectent de l’argent pour le remettre à Fralib. Et aussi la méfiance d’élus, socialistes, qui n’y croient pas. D’autres élus, ceux d’Aubagne, des communistes qui soutiennent.

Il nous détaille les objectifs du développement de la coopérative : faire du volume de production de thés et tisanes « classiques » sous marques de la grande distribution comme Système U, Leclercq, Intermarché. On en est à 300 tonnes/an afin de faire tourner la coopérative et de dégager des marges permettant la production bio, à base de plantes et fleurs locales sous la marque Scop-Ti et 1336. Ils en sont à 10 tonnes en 2015, 26 tonnes en 2016 et l’objectif de 2017 est de 60 tonnes afin d’arriver à un équilibre financier et une marge bénéficiaire.

La coopérative propose donc aux gourmets, aux militants pour un monde plus égalitaire, plus juste et plus respectueux de l’environnement une gamme odorante de tilleul, verveine, camomille, menthe, mélisse en production bio, locale en majorité, certifiée équitable, et une gamme de thés venus d’autres pays mais aussi certifiés bios et équitables.

A découvrir en Belgique au Comptoir Africain, www.comptoirafricain.com, onglet 1336. Pour les collectivités intéressées, contacter Geneviève Lanoy et Bernard André, 0493 18 18 08. info@comptoirafricain.be

 

 

 

 

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