Savary le poète habite en haut de Wasmes d'où il nous balance ses aphorismes histoire de nous saluer

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
le

Chez lui, à Wasmes, entre jardin et livres, Louis Savary passe de longues heures entre réflexion et écriture, toujours avec humour. Une manière d'être. Photo © Marcel Leroy

commentaires 0 Partager
Lecture 4 min.

"Quand on croit avoir tout dit, il est peut-être temps de remettre le conteur à zéro"
"Demain sera très vite hier qui ne sera plus jamais"
"Quoi de plus navrant que d'être oublié par mes propres souvenirs"
"Quand bien même je serais l'autre, celui à qui j'ai volé mon identité"

Ces aphorismes, une très ancienne forme de poésie, sont de Louis Savary. Ils figurent dans son dernier recueil, dont le titre donne envie d'aller voir ce qui se trame entre ces pages légères comme des nuages et denses comme la terre noire. "Maintenant que je suis un vieux singe" prend ses distances avec son auteur, parle du précipice au bord duquel toute vie avance à tâtons.

Il habite tout en haut du bourg de Wasmes, dans le Borinage, pas très loin d'une maison où Vincent Van Gogh a découvert le métier de pasteur et le goût du dessin. Il partage sa vie avec l'artiste-peintre Nadine Fievez. Il écrit tous les jours depuis presque toujours, dans un bureau bourré de livres et de souvenirs, sous les toits. Ou en bas, en regardant le grand jardin qu'il entretient avec la même ferveur qu'il trace ses signes sur les pages de ses calepins. Qu'il utilise un crayon ou un taille-haie, Louis Savary s'engage à corps éperdu. C'est le résumé de son parcours. Adolescent, à l'athénée de Dour, il a aimé le théâtre, qui lui a donné le goût d'écrire des poèmes. Il a fait du théâtre, tourné des films en super 8, chanté avec son ami Derudder, bourlingué par les terrils ou par autres monts et vaux, été un éducateur bienveillant, attentif, généreux, rigolo. D'où la chanson de ses aphorismes.

Sur plus de quarante recueils  poésie, une trentaine sont tissés d'aphorismes. 

Savary écrit partout. Une idée passe, il la saisit, la note sur un bout de papier. Assis devant une tasse de café, à l'aube, il tourne et retourne les mots dans tous les sens, les assemble, les  associe, les fait sonner, raisonner. Chanter. Les disloque. Ils berloquent. Il s'en moque. S'obstine. Se marre. Touche au but. Remet l'ouvrage sur le métier. Parfois il se demande comment se déroule cette alchimie qui finit par produire l'étincelle de ces quelques mots qui forment  une sorte de bloc d'anthracite aux profondeurs moirées. "Des aphorismes j'en ai des milliers de côté. Je ne les jette pas. C'est avec Derudder que nous sélectionnons les textes des recueils". Chaque publication résulte d'une recherche sur un thème choisi en fonction de l'air du temps, des préoccupations de Savary.

Le lecteur comprend  que ces images à dire à haute voix débordent du cadre limité de la vie de leur auteur. Elles sont nôtres. Un partage. A sa manière Savary qui n'a rien d'un moine est en quête d'une forme de dépouillement. C'est la beauté du ciel là où il se perd dans la mer, avec une mouette qui écrit ses pas sur le sable que la vague recouvre vite. Et dire que ce poète a aussi été un jeune homme qui, dans la boucherie de ses parents, était capable de poser tous les gestes de ce métier si proche de la réalité, des gens, du village où il connaît tant de gens. Où il a aussi fait les foins, taillé les haies, fait pousser des fruits et des fleurs. Seraient-ce ces raisons qui ont poussé sur scène Savary le comédien capable de toutes les exhubérances? Un rebelle capable de se rétablir au moment le plus périlleux de la pirouette. Grâce à ses racines solidement enfouies dans la nécessité de l'effort enseignée par ses parents. 

Le poète pratique l'aphorisme car cette technique n'impose rien sinon la rencontre de l'idée et de la lettre. Du son et peut-être du mouvement du corps de celui qui dit les mots et de la manière dont l'auditeur les reçoit. Loin de se limiter à ses textes poétiques, il entretient une correspondance avec d'autres poètes, en toute simplicité, travaille comme un fou pour la beauté du geste et du moment, se balade sur les terres vastes de la vie, de l'amour, de la mort, de l'écriture et de la joie de vivre. Les haies, il les taille à la main. Savary est un ouvrier des signes. Dur à la tâche, capable d'écoute, qui rit souvent parce que la dérision serait l'ultime rempart contre on ne sait quoi. Il a l'élégance de poser des masques sur ses hantises, même si on se dit que maintenant qu'il est "un vieux singe" il a encore plus d'un refrain dans son sac à chansons.
__________________________________________

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

Infos pratiques : Louis Savary. "Maintenant que je suis un vieux singe". Editions les Presses Littéraires. (101 pages.)

 

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte