L’Europe

Allo, allo, quelle nouvelle

Par | Penseur libre |
le

© Serge Goldwicht

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Lecture 5 min.

Le vendredi vers 18heures, dans les locaux de la commission européenne à Bruxelles prendre l’ascenseur est un enfer. Tout le monde veut rentrer chez soi, partir en week-end ou rejoindre des amis pour dîner. L’ascenseur, plein à ras bord de fonctionnaires en costume cravate des dossiers plein les brasne s’arrête pas à l’étage demandé et quand il s’arrête, on ne peut pas en sortir à cause de la foule qui piétine devant les portes. Depuis plus de deux heures, je tente de rejoindre mon bureau où un problème urgent m’attend. Je passe du douzième étage au quatrième sans parvenir à mettre le pied au troisième où se trouve mon bureau qu’il faut absolument que j’atteigne. J’ai du travail par-dessus la tête : Un bateau avec 432 somaliens à bord attend l’autorisation d’accoster dans un port européen. Ma secrétaire, Elsa, est sur le coup. Elle tente de trouver un accord avec les pays et les ports de la région. C’est une femme volontaire et efficace qui,en général, arriveà ses fins.

Il est déjà dix- huit heures trente et je suis toujours dans l’ascenseur qui parcourt le bâtiment de haut en bas sans me permettre d’atteindre mon bureau. Si je ne trouve pas une solution, je vais manquer Elsa qui sera partie sans parler du dîner de ce soir programmé chez mes beaux-parents. Ma femme va râler. Heureusement, l’ascenseur s’arrête enfin au troisième étage. Dès l’ouverture des portes, je me précipite à l’extérieur en bousculant les femmes de ménage d’origine africaine, les mains pleines de seaux.

- Pardon, pardon, excusez-moi !Sorry !  Quand j’atteins enfin mon département, il est désert. Les lumières du couloir sont éteintes et les portes des bureaux closes

Je cours jusqu’à mon bureau qui est plongé dans le noir. Elsa est absente. Je l’appelle.

- Désolé Elsa, comme d’habitude, je suis resté bloqué plusieurs heures dans les ascenseurs. Vous êtes déjà partie ?

- oui, je devais partir tôt aujourd’hui. Mon mari et moi, avons programmé un week-end à Rome. Notre avion décolle dans un quart d’heure de Charleroi.

- Je vous comprends. Vous avez pu trouver une solution pour ce bateau de somaliens ?

- Non, Monsieur, je n’ai pas eu l’occasion de le faire car le bateau a disparu des radars. Personne ne sait où il se trouve à l’heure actuelle. Des garde-côtes patrouillent sans succès le secteur depuis plusieurs heures.

- Il aurait coulé ?

- Oui. 432 personnes sont portées disparus. Des familles et des enfants.

- Des survivants ?

- Aucun, à ma connaissance.

Le téléphone en main, on est resté silencieux une bonne minute. On ne pouvait pas faire moins. Ni plus.

En raccrochant, je me rends compte qu’il est presque dix-neuf heures. Le moment où les vigiles verrouillent les accès du bâtiment. Plus question de prendre l’ascenseur cette fois. Je descends les escaliers quatre à quatre et je me précipite vers les portes en verre, les portes principales.

- Merde ! Elles sont fermées. Je suis bon pour passer le week-end dans les fauteuils du hall d’entrée.

Je suis à peine assis qu’un vigile veut voir mon accréditation et mes papiers. Il vérifie tout avec attention. Tout va bien, je suis en ordre. Au moment où le vigile s’éloigne, jetente de me positionner confortablement dans le fauteuil et je ferme les yeux

-  Vous comptez passer la nuit, là ? me demande le vigile en me réveillant. Il est debout devant moi, les bras croisés. A sa ceinture pend une matraque.

- Oui, je vous gêne ?

- Moi, pas du tout mais le règlement interdit de rester dans le hall d’entrée quand le bâtiment est fermé.

Son ton est ferme mais pas agressif. Il me fait comprendre qu’il n’a rien de personnel contre moi mais qu’il doit appliquer le règlement.

- Je comprends, je comprends très bien, dis-je en me levant. Je vais rejoindre mon bureau.

- Le plus vite sera le mieux.

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Je me relève et me dirige vers les ascenseurs. Le vigile ne me quitte pas des yeux.

A cette heure-ci, plus de problème avec les ascenseurs. J’arrive sans encombre au troisième étage plongé dans l’obscurité. Je sais que mon bureau est fermé mais j’espère trouver une collègue ou une secrétaire qui travaillerait tard ce vendredi. Tous les bureaux sont fermés. Je tente ma chance en frappant à toutes les portes du couloir, une fois, deux fois, trois fois mais personne ne donne signe de vie. Résigné, fatigué, affamé je me couche sur la moquette devant mon bureau pour tenter de trouver le sommeil. Ce ne sera pas simple, la moquette est trop fine et la dalle de béton trop dure Le week-end s’annonce pénible. Nous sommes vendredi, fin d’après-midi et je prie déjà pour voir arriver Elsa qui commence à neuf heures précises lundi matin.  Je me prépare à vivre deux jours sans manger, sans boire et sans dormir sauf siapparait miraculeusementune employée du service de nettoyage qui travaillerait le week-end.

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