Les peuples reprennent le pouvoir de voter

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Mercredi 16 novembre

 Comment interpréter certaines informations ? Non pas celles que distillent les journaux dits « à sensation » et dont il faut s’attendre à de l’esbroufe, mais celles des quotidiens réputés les plus sérieux et, partant, qui sont citées en références. Hier, Le Figaro titrait à la une : "L’élection de Trump déconcerte les marchés financiers" ; tandis que le développement, dans les pages saumon, était présenté : "Pourquoi Donald Trump séduit les marchés".  Comment le lecteur évalue-t-il le lien ? Dans quelle préparation mentale est-il pour aborder, à l’intérieur du journal, l’article annoncé dès qu’il tient celui-ci en mains ? L’encre a déjà tellement coulé depuis l’élection de Trump que cette étrange pirouette n’a pas beaucoup d’importance. La confusion des genres, la manipulation par les titres, sont actuellement davantage pratiquées à propos de l’élection présidentielle qui se prépare en France. Voilà déjà quelques mois que l’on sent Le Figaro en campagne. Ses titres spécieux et ambigus ne cessent de viser François Hollande. Le mensonge n’est jamais très éloigné de l’artifice. Dans quelques jours, le candidat de la droite et du centre sera connu. Il sera opportun, alors, de poursuivre l’analyse.

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 En voyant Emmanuel Macron annoncer enfin sa candidature à l’élection présidentielle, on pense au Général de Gaulle qui disait de Giscard d’Estaing : « Son problème, c’est le peuple». Mais il est vrai que Giscard parvint à conquérir la charge suprême. Donc de deux choses l’une : ou bien Macron réussit son pari et on sera vraiment au bout d’un cycle dans la pratique de la démocratie politique ; ou bien il n’est qu’une étincelle qui n’aura embrasé que le microcosme. Reste une troisième hypothèse, la moins commentée, que seul un homme comme Alain Juppé semble ne pas exclure : Emmanuel Macron est le poisson-pilote de François Hollande.

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 Droite / Gauche : « Le cas le plus intéressant est celui des Verts. Sont-ils de droite ou de gauche ? Si l’on tient compte des critères adoptés habituellement pour justifier cette distinction, il semble qu’ils puissent être considérés parfois de droite et parfois de gauche, ou alors ni de droite ni de gauche. Pour utiliser un mot qui est devenu un lieu commun du langage politique, quitte à lui donner un sens malicieusement péjoratif, les Verts pourraient être qualifiés de mouvement ‘transversal’, au sens qu’ils traversent les camps ennemis en effectuant indifféremment des aller et retour de l’un à l’autre, montrant ainsi dans les faits qu’il existe une troisième manière de mettre la dyade en crise : au lieu de se maintenir au milieu (le centre) ou d’aller au-delà (« la synthèse »), il est possible de se mouvoir ‘à travers’ elle. C’est une façon de faire qui aboutit à une atténuation ou à une évacuation de la dyade, plutôt qu’à un refus ou un dépassement. » (Norberto Bobbio)

Jeudi 17 novembre

 Barack Obama, encore président des États-Unis pour un peu plus de deux mois, s’est lancé dans sa tournée d’adieux en Europe. Au programme : la Grèce et Berlin. Le globe trotter répète à l’envi que l’Union européenne n’a rien à craindre de son successeur, que les relations entre l’Europe et les États-Unis seront toujours amicales, etc. Qu’en sait-il au juste ? Et pourquoi se transforme-t-il en porte-parole d’un président qu’il ne voulait pas ? Parce que le vassal reste important pour le suzerain ; et même si le nouveau suzerain n’arbore pas le blason de son prédécesseur, le vassal doit rester vassal.

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 Lorsque la droite et le centre décidèrent d’organiser une primaire pour désigner le candidat qui les représenterait à l’élection présidentielle, on s’attendait à ce que les prétendants s’étripent. Si les déclarations dans les médias et surtout les envolées aux tribunes surchauffées laissaient parfois échapper quelques flèches venimeuses, lors des débats télévisés, les échanges restaient tellement courtois que l’exercice devenait morne, d’autant plus morne que bien peu de différences peuvent être perçues entre les programmes et les engagements de chacun. Ce fut particulièrement le cas ce soir sur France 2 pour l’ultime confrontation du premier tour ; et quand, saisissant les vingt dernières minutes plus souples, sans questions spécifiques et interlocuteur désigné, David Pujadas tenta de faire éclore telle ou telle opposition entre l’un ou l’autre, il fut collectivement accusé de vouloir susciter de la politique-spectacle. En fait, ce sont surtout les journalistes qui fournirent une prestation discutable. En particulier Jean-Pierre Elkabbach, 79 ans, qui ferait mieux de prendre sa retraite : il est en train de jouer la présidentielle de trop. Cela dit, s’il fallait quand même souligner une prestation, ce serait de nouveau celle de François Fillon qui émergerait. Se faufilera-t-il entre Sarkozy et Juppé ? C’est pratiquement la seule question qui reste en suspens jusqu’à dimanche soir.

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 Droite / Gauche : « Le laxisme est-il de droite ou de gauche ? Le rigorisme est-il de droite ou de gauche ?

 De fait, il existe une gauche rigoriste et une droite laxiste et vice versa ; mais les deux dichotomies ne se superposent pas. Par rapport à ce croisement, le problème le plus embarrassant est celui de l’avortement. En général, le refus de l’avortement fait partie de programmes politiques de droite. La gauche est le plus souvent favorable à l’avortement. On m’a fait remarquer que cette attitude semble contraire à l’une des définitions les plus connues de la gauche, selon laquelle être de gauche signifie se placer du côté des plus faibles. Dans la relation entre la mère et l’enfant qui va naître, qui est le plus faible ? N’est-ce pas le second ? On fera valoir qu’il est sans doute le plus faible par rapport à la mère, mais que la femme est plus faible que l’homme qui l’a contrainte, au moins dans la grande majorité des cas, à rester enceinte. Ce n’est pas un hasard si les tendances favorables à l’avortement ont pris une énorme importance avec le développement des revendications des mouvements féministes, qui ont eux-mêmes été encouragés par les partis de gauche. » (Norberto Bobbio)

Vendredi 18 novembre

 Á peine désigné par Donald Trump, le nouveau patron du FBI remet déjà en cause l’accord sur le nucléaire iranien. Pendant ce temps, un riche propriétaire terrien d’Iran achète 350 vaches normandes à la France. On avait bien dit que l’élection de Trump serait une aubaine pour l’économie européenne…

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 Droite / Gauche : « La cause principale de la mise en question de la dyade classique est, sur les plans historique et politique, d’un tout autre ordre. Les deux termes d’une dyade se soutiennent l’un l’autre : là où il n’y a pas de droite, il n’y a plus de gauche, et vice versa. Autrement dit, il existe une droite pour autant qu’il existe une gauche, et il existe une gauche, pour autant qu’il existe une droite. En conséquence, il n’est pas nécessaire, pour retirer sa pertinence à la distinction, d’en démontrer, comme on l’a fait jusqu’ici, l’inopportunité (il est inutile de continuer à diviser l’univers politique sur la base d’idéologies opposées dès lors qu’elles ont disparu), l’incomplétude (il est insuffisant de diviser le champ politique en deux pôles une fois que l’on a constaté qu’il en existe un troisième – peu importe qu’il soit intermédiaire ou supérieur), l’anachronisme (des programmes, des problèmes, des mouvements, qui n’existaient pas quand la dyade est née et a joué utilement son rôle, ont fait leur entrée sur la scène politique) ; il suffit de révoquer l’un des deux termes en ne lui reconnaissant plus aucun droit à l’existence : si tout est de gauche, il n’y a plus de droite et, réciproquement, si tout est de droite, il n’y a plus de gauche. » (Norberto Bobbio)

Samedi 19 novembre

 L’ONU se déclare « horrifiée » par ce qui se passe à Alep. Mais c’est une antienne ancienne ça !...

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 Demain, le Journal du Dimanche publiera une liste d’une soixantaine de personnalités réclamant le « stop au Hollande bashing » parmi lesquelles Catherine Deneuve, Sylvie Testud, Gérard Darmon  Benjamin Biolay, Denis Podalydès, etc. La première phrase de leur prise de position est évidente : « Dès le départ, François Hollande a fait face à un incroyable procès en illégitimité. » C’est tout à fait vrai ; tellement vrai que l’on peut regretter qu’il fallut si longtemps aux signataires pour le souligner. Mais il vaut mieux tard que jamais et leur position est d’autant plus courageuse que les sondages continuent à laisser le président au fond des pourcentages. Deux phrases plus loin, le constat devient net : « Il perdure encore aujourd’hui malgré la stature d’homme d’État que François Hollande a parfaitement incarnée, tant dans les crises internationales que lors des épouvantables tragédies que notre pays a traversées. » Et comme cela est vrai, tellement vrai aussi ! Mais comme le disent, le prétendent, le clament Alain Duhamel et Franz-Olivier Giesbert - qui ne sont pas les moindres des observateurs politiques - : Hollande n’est pas cuit.

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 Droite / Gauche : « Dans le couple antithétique droite-gauche, si l’on s’en tient au langage politique, la force respective des deux termes n’est pas une donnée constitutive, mais dépend des époques et des circonstances – contrairement au langage biologique, et par extension religieux et éthique, où l’élément positif est ‘droite’. » (Norberto Bobbio)

Dimanche 20 novembre

 La première chanson que John Lennon enregistra en solo après la dislocation du groupe des Beatles fut Give Peace a chance, une rengaine souvent reprise encore aujourd’hui dans certains rassemblements pacifistes. Elle fut enregistrée le 1er juin 1969 à Montréal. Aujourd’hui, Barack Obama s’en va de par le monde en répétant « Let Trump a chance ». C’est désormais clair : il ne veut pas apparaître dans l’Histoire comme celui qui prépara le déclin des Etats-Unis voire celui qui provoqua l’amorce de la troisième guerre mondiale. On avait déjà été très étonné de le constater très mobilisable pour soutenir Hillary Clinton en campagne. Qu’une déclaration, la présence dans un meeting de grande envergure surviennent, c’était dans l’ordre logique des choses ; mais qu’il se démène comme s’il faisait campagne pour lui-même, que sa femme Michèle embraye dans les derniers jours, cela laissait poindre un sentiment d’inquiétude, une crainte que l’on ne voulait pas entrevoir.

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 Le résultat du premier tour de la primaire de la droite révèle un grand gagnant, François Fillon, qui distancie tous ses adversaires, et un grand perdant, Nicolas Sarkozy dont la carrière politique devrait s’interrompre ce soir, même si ce type de prévision est toujours très inapproprié dans l’observation du  monde  politique. Ils étaient sept ; à côté des quatre perdants restants, il y en a encore beaucoup d’autres, ce sont les sondeurs. Et c’est un métier à risques qui commence à être déprécié. Le référendum sur le Brexit, l’élection présidentielle américaine et à présent la primaire de la droite. Trois échecs cuisants dans trois pays différents. Ce n’est donc pas la carence d’un institut de sondage mais bien une reprise en mains par le peuple de son pouvoir de voter qui est à souligner.

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 Droite / Gauche : « Quand la situation est telle que l’une des deux parties devient si prédominante qu’elle laisse à l’autre un espace trop petit pour qu’il puisse être encore tenu pour digne d’intérêt sur le plan politique, la négation de la dyade devient u expédient naturel destiné à occulter sa propre faiblesse. » (Norberto Bobbio)

Lundi 21 novembre

 C’est reparti comme en ’14 !... Sur toutes les antennes, les sondeurs expliquent le résultat d’hier ; certains d’entre eux réussissant même à démontrer, en quelques méandres verbaux, que finalement, ils avaient bien senti et anticipé le résultat mais qu’il était trop tard pour le révéler. D’autres avancent déjà les prévisions pour le résultat du second tour, comme s’ils restaient les gourous de la statistique électorale, indemnes, irrécusables, irréfragables. Deux paramètres demeurent pourtant essentiels quant à l’issue de la compétition : 1. Les programmes des deux candidats et leur confrontation en face à face dans le débat télévisé de jeudi (quand même…) Si Fillion a réussi un score si ample, c’est parce qu’il se montra le meilleur, le plus crédible dans les deux derniers débats télévisé. Celui qui vient devrait donc avoir toute son importance.  2. Les électeurs. Si 15 % d’entre eux sont allés dépenser 2 euros avec le seul but d’écarter Sarkozy, ceux-là ont donc voté Fillion mais leur but étant atteint, ils s’abstiendront d’aller encore dépenser 2 euros et faire la file dimanche prochain. L’arithmétique des intentions et de la mobilisation sera donc déterminante.

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 Droite / Gauche : « Il ne s’est pas écoulé beaucoup de temps depuis l’époque où il arrivait que l’on s’entende demander : ‘Mais… la droite existe-t-elle encore ?’ Après la chute des régimes communistes, on sent pointer tout aussi insidieusement la question inverse : ‘Mais… la gauche existe-t-elle encore ?’ » (Norberto Bobbio)

Mardi 22 novembre

 Du côté de François Fillon, des anciens du FN qui se rallient pour faire barrage à Marine Le Pen qu’ils n’apprécient guère. Du côté d’Alain Juppé, trois sourires de femmes : celui d’Isabelle Juppé, celui de Nathalie Kosciusko-Morizet,  et celui de Valérie Pécresse. Devinez où souffle la modernité…

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 Droite / Gauche : « Naturellement, soutenir qu’il y a beaucoup de gauches revient à confirmer la thèse traditionnelle selon laquelle il doit exister un critère pour distinguer la gauche de la droite. » (Norberto Bobbio)

 

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