La « primaire populaire » : une nouvelle citoyenneté

Que faire lorsque des partis politiques démontrent qu’ils ne correspondent plus aux aspirations des citoyens ? Comment créer une alternative à la consultation légale des citoyens appelés à voter pour des candidats dont aucun ne rencontre leurs aspirations ? La France nous offre actuellement un bel exercice de forme démocratique moderne appelé « primaire populaire ». Il s’agit de jeunes filles et de jeunes gens. Pondérés, résolus, souriants et obstinés. Ils ont mis en place un mécanisme très subtil et très fort de consultation populaire libre tout en étant encadré afin d’éviter les dérives. Le but est clair : face à la débâcle des partis progressistes et de gauche, face aux discours d’hier et aux défis de demain, ces jeunes espèrent voir émerger l’une ou l’autre personnalité qui rassemblerait au mieux ces diverses aspirations dites « de gauche » mais qui sont aussi « climatiques », « environnementalistes », progressistes, sociales, sociétales…

Dans un système très cadré comme celui de la France présidentielle, pyramidale, hiérarchique, il s’agit d’une petite révolution mentale qui semble heurter les ténors des partis « à l’ancienne » même s’ils sont très à gauche comme « La France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon, très opposé à cette « primaire populaire » alors que le programme des « Insoumis » ressemble le plus aux revendications des jeunes. Mais la mécanique du suffrage pour la présidentielle est figée et ne permet pas d’autres méthodes. Sauf si le.la prochain.e élu.e à la présidence modifie la procédure sclérosée d’aujourd’hui.

Reste que cette consultation inédite a remporté un beau succès et que le premier résultat est d’avoir libéré la parole sur l’exercice même de la démocratie. Ce qui rencontre les diverses formes de participations citoyennes nouvelles apparues dans divers pays du monde : tribunaux des peuples, procès citoyens, parlements des jeunes, processus de pétitions à l’échelle locale, régionale, nationale, européenne…

Ce processus est une manière nouvelle d’exprimer le choix des citoyens de gauche pour une personne qui rassemblerait le mieux ces nouvelles visions de la politique au sens noble de gestion de la cité. Cité du XXIème siècle, cité numérique, cité d’inégalités profondes, d’émergence d’un racisme exacerbé par les migrations dues aux catastrophes guerrières et climatiques, cité où monte l’angoisse face aux lendemains sans chants d’oiseaux ni murmures des fontaines…

Il n’est pas étonnant qu’une figure assez extraordinaire qu’est Christiane Taubira ait émergé chez ces jeunes, elle qui, en 2019 déjà dans son livre « Nuit d’épine » écrivait avec talent, force et poésie son enthousiasme pour les capacités des jeunes : « Je suis une optimiste indécrottable, je crois aux capacités de la jeunesse, j’en suis toujours à anticiper les surprises qu’elle nous prépare. Qu’il s’agisse de merveilles ou de heurts, de fidélités ou de mises en cause, de rejets y compris de rupture. Je n’ai qu’une mesure, qu’elle y mette du talent ou s’en explique par d’audacieux ou d’originaux raisonnements. »

Par cette primaire populaire, cette jeunesse a répondu aux attentes de Christiane Taubira. Face aux querelles d’égo, aux traditions devenues dérisoires, au langage trop hermétique, elle répond « nous avons plus en commun que ce qui nous divise ». Introduisant ainsi en France un processus que nous, Belges, connaissons bien : la négociation, le dialogue, le compromis positif entre partis afin de faire de la politique sur ce que nous choisissons d’avoir en commun… Aux partis belges à ne pas oublier de consulter mieux et d’informer plus complètement cette population perdue dans les subtilités des négociations, des jeux de pouvoir et des compromis « à la belge » devenus parfois « illisibles » pour les citoyens.

https://primairepopulaire.fr/

• Christiane Taubira. « Nuit d’épines ». Plon. 2019.