Inexorable mensonge belge

l’œil et l’oreille

Par | Journaliste |
le

Capture d'écran de la bande annonce de "Nobody has to know"

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Le cinéma belge existe-t-il? Si l’on se limite au seul passeport du metteur en scène (ou de la, mais c’est encore bien rare), certainement. Mais si l’on veut trouver quelque part un souffle, une thématique, un point commun, bref un petit rien qui serait déjà quelque chose, je vous avoue que je ne distingue pas trop bien. La langue? Déjà qu’il y en a deux… L’un des deux films dont je vous entretiens est principalement en anglais, ce qui est logique dans la mesure où il se passe sur une minuscule île écossaise. Il s’agit de Nobody has to know, de Bouli Lanners. L’autre est en français presque châtié (on ne notera comme belgicisme que l’apparition du mot nonante) et se déroule dans l’Ardenne, beau paysage également, il s’agit d’Inexorable, de Fabrice du Welz.

Bon, disons tout de suite que j’ai aimé l’un et détesté l’autre. Ah, lequel et lequel?

Eh bien commençons par avouer que – j’aurais dû me méfier, ils m’avaient déjà fait le coup avec son film précédent, Adoration – poussé par la critique unanime, j’ai eu le courage de me rendre au cinéma pour le film dudit Fabrice, homme érudit et cinéphile, nul n’en disconvient et cela se sent tout au long du film. Signe du destin me déconseillant d’y aller, j’ai même acheté ma place deux fois. La première, l’embouteillage non signalé bloquant la porte de Namur durant deux heures ; la seconde, une réunion terminée plus vite que prévu et hop, cinquante secondes avant le début du film, me voici assis dans un fauteuil confortable. Pour éviter de m’endormir, le son était poussé bien trop violemment. Car c’est long, lent à démarrer, poussif à accélérer, cahotant quand on croit qu’enfin quelque chose va se passer, éculé comme pitch (le livre volé, l’enfant caché), scénarisé mode comme ces polars de Russo qui mélangent les époques comme seul ressort de l’intrigue et une bande son que même le cum dederit de Vivaldi n’arrive pas à sauver. Je reconnais que c’est bien joué, dans le genre un peu guignol, par une Mélanie Doutey au personnage antipathique et prétentieux, par un Benoît Poelvoorde façon Jack Nicholson et par une presque rookie photogénique

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L’autre est son contraire. Rien ou presque ne se passe, mais c’est comme dans la vie quotidienne, elle se passe tous les jours, pas rien que quand il se passe quelque chose, si vous voyez ce que je veux dire. C’est l’histoire d’un Wallon égaré sur une île écossaise parce qu’il a fait un AVC et qu’il est temps de vivre vraiment avant de mourir. Il a juste emporté les vinyles de son frère et sert d’ouvrier agricole pour pouvoir manger et boire sa pinte dans le pub de cet endroit superbe mais complètement coincé où l’on a bien des smartphones mais où le lieu où l’on se distrait le plus, c’est l’église. Eh bien avec cette déprime apparente, on va assister à un film subtil et optimiste, où la mort rôde (le pauvre Lanners n’arrête pas d’en faire, des AVC) et sert de prétexte à un amour d’abord discret puis banal (et bref) de remplir la vie à ras bord. Lanners aussi est cinéphile, il y a quelques citations, mais c’est épuré, donc ça a un style. Mais, qui pour en revenir à l’angoissante question initiale, n’a rien de spécifiquement belge. Au reste on dit toujours que la caractéristique du cinéma français, c’est qu’il ne s’y passe rien. C’est complètement faux, évidemment, il y a toujours des scénarios, regardez Truffaut ou Klapisch, pour ne citer qu’eux, ils sont rudement élaborés, d’ailleurs. Je dirais donc presque que Nobody has to know est un film français tourné en anglais dans une île écossaise – ce qui prouve que le cinéma est universel.

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