En priorité : la santé pour tous

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Il y a plus de quarante ans, une doctoresse belges, Claire Vellut, a développé un vaste système de prévention et de traitement de la lèpre dans les campagnes de l’Inde, au Tamil Nadu. Informer et soigner les populations, former des médecins et infirmiers au service de tous : un travail efficace et durable. Photo © Gabrielle Lefèvre

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Au moment où des dirigeants étatiques indignes de leurs responsabilités attaquent l’Organisation Mondiale de la Santé au profit des intérêts de leurs propres industrie pharmaceutique et chimique, il est urgent de rappeler quelques notions de base, que nous avons oubliées tant la santé, pour nous habitants de pays riches, est une évidence.

Selon la constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 1946, la santé est « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Elle représente « l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soit sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale. »

Quant à la santé publique, elle est définie par l’OMS, en 1952 déjà, comme « la science et l'art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d'améliorer la santé physique et mentale à un niveau individuel et collectif. »

En 1984, l’UNICEF allait plus loin encore : «la santé n’est pas l’absence de la maladie, c’est un sentiment plus profond que le bien-être qui ne dépend pas seulement des services de santé, mais du travail, du revenu, de l’éducation, de la culture des droits et des libertés. »

Une action politique et sociale collective

Pendant des années, j’ai eu l’opportunité d’effectuer de nombreux reportages en Asie et en Afrique à la rencontre de femmes et d’hommes de toutes nationalités, de toutes convictions philosophiques et religieuses, de toutes conditions pour qui la santé publique est le résultat d’une action politique et sociale débouchant sur des améliorations remarquables de la santé individuelle. Pas de santé sans accès à l’eau potable, à une nourriture diversifiée, à un système d’évacuation des eaux usées, à des latrines propres et grâce à l’évacuation des déchets, à l’assainissement des eaux stagnantes. Et l’on pense aussi à nos éboueurs, nos nettoyeurs de rue, de linges d’hôpitaux, aux organismes chargés de nous assurer cette précieuse eau potable que nous gaspillons avec tant d’inconscience…

Là où les Etats sont défaillants, ce sont les communautés locales qui prennent leur sort en main et ce avec l’aide, les conseils d’experts et techniciens des organisations internationales comme l’OMS, l’Unicef, la FAO et de nombreuses ONGs. C’est ainsi que des médecins, des infirmiers, des instituteurs, des volontaires hommes et femmes (et de plus en plus de femmes en fonction de leur émancipation croissante) ont transformé leur environnement et permis à de larges communautés de vivre selon des standards de santé publique plus proches des nôtres.

Nombre de pays dits « en voie de développement » ne pouvaient s’offrir des hôpitaux coûteux et performants pour les cas graves et les maladies genre cancers dues à l’allongement de l’espérance de vie, acquise grâce aux soins de santé primaires et aux politiques de santé publique en général. C’étaient les centres de santé de base, gérés par un ou deux infirmiers qui, en brousse, dans les petites villages, construits par les villageois eux-mêmes, fournissaient les soins pour tous. Des sages-femmes accouchaient les femmes enceintes, les enfants étaient vaccinés là où une difficile filière de froid permettait la conservation des vaccins. Un exemple : j’ai vu des petits panneaux solaires attachés à des jeeps et même sur le dos d’ânes qui transportaient des frigos remplis de vaccins dans les villages les plus éloignés dans des zones désertiques africaines…

Destructions de populations et de l’environnement

Des millions d‘êtres humains ont pallié, par cet admirable travail de fourmis jusque dans les lieux les plus reculés de la planète, les fautes de leurs propres gouvernements trop souvent corrompus par les politiques économiques et commerciales des pays riches.

Ils n’ont pu empêcher la destruction de leur environnement par les activités économiques de multinationales prédatrices. Ils ont subi les guerres qui détruisent toute l’infrastructure nécessaire à la survie des populations. Ils ont souffert des famines dues aux sécheresses aggravées par un mal développement économique.

Où étions-nous au moment où il fallait aider ces populations ? Engoncés dans notre confort et les illusions de la consommation futile, nous n’avons pas compris, malgré de nombreux avertissements et appels à la clairvoyance, que leur sort deviendrait le nôtre si on laissait faire.  

Cette fois-ci, nous y sommes. Avec néanmoins plus de chances de survie que les plus pauvres, qu’ils vivent chez nous ou à l’autre bout du monde.

Voilà pourquoi il nous faut absolument revenir aux définitions citées en début de cet article. Car ces notions de santé publique doivent être remises au centre de nos politiques nationales et internationales.

La pandémie du Covid-19 nous rappelle une fois de plus que la santé est l’affaire de tous, qu’il s’agit d’une action collective où chacun est responsable par rapport aux autres. Il n’y a pas de liberté possible sans la sécurité offerte par une bonne politique de santé publique couplée à une sécurité sociale forte.

C’est ce que nous avons mis sur pied après la deuxième guerre mondiale et c’est ce qui a fait la prospérité de l’Europe. Cela et pas la guerre économique menée par des entités devenant de plus en plus riches au détriment des populations systématiquement exploitées et désavantagées. L’exemple étatsuniens est éclairant. L’Europe doit redevenir l’exemple de mise en œuvre d’une véritable santé publique, selon la définition de l’UNICEF : un bien-être qui ne dépend pas seulement des services de santé, mais du travail, du revenu, de l’éducation, de la culture des droits et des libertés.

https://www.who.int/fr/about/who-we-are/constitution

Comment les firmes pharmaceutiques ont phagocyté l’OMS

« Des Etats membres puissants de l’OMS, leurs sociétés transnationales et les institutions financières internationales ont largement contribué à bloquer le développement et le maintien des systèmes sanitaires équitables dans les pays pauvres et ils ont aussi contribué à l’affaiblissement et au démantèlement des services sanitaires des pays riches. Ils auront bien des comptes à rendre ces prochains mois. », écrit Alison Rosamund Katz, qui synthétise une remarquable étude publiée par le CETIM ce 16 avril 2020 : « Contrôle des épidémies ? L‘OMS avait la solution il y a quarante ans ».

En effet, « La Déclaration d’Alma Ata en 1978 à la Conférence sur les soins de santé primaires (SSP), était un projet révolutionnaire de justice sociale dont le slogan était « La Santé pour Tous en l’an 2000 ». Le projet identifiait la pauvreté et l’inégalité comme déterminants majeurs des maladies et des morts prématurées et évitables (qu’elles soient épidémiques ou endémiques). » résume Alison Rosamund Katz.

« Depuis, sous pression des Etats membres riches, l’OMS s’est progressivement écartée de son mandat de santé publique au sens large, de développement, d’équité et de systèmes sanitaires durables pour se diriger vers des approches biomédicales, verticales et de visée à court terme. »

Il faut souligner que le marché de la santé vaut quelques 10 mille milliards de dollars, selon les estimations de 2020. « Les « dons » à l’OMS ou la participation dans les partenariats public-privé, représentent de précieux investissements pour des multinationales en quête de nouvelles sources de profit pour leurs activités. » La santé est ainsi devenue « une marchandise ou, au mieux, un facteur de productivité – comme le préconisait Jeffrey Sachs en 2001 dans le rapport de l’OMS « Investir dans la santé pour le développement économique ». », souligne le CETIM.

Dans les années 1990, l’OMS a « adopté un business model dirigé par le secteur privé et a lancé de multiples partenariats public-privé pour mettre en œuvre des programmes verticaux ciblant des maladies spécifiques. Ces arrangements ont encore accru le pouvoir des multinationales d’orienter les politiques de la santé et ont miné et fragmenté l’offre des services de santé. »

En janvier 1999, dans le cadre du Forum économique mondial à Davos, le secrétaire-général de l’ONU Kofi Annan proposait aux dirigeants du monde des affaires et à l’ONU d’« instaurer un Pacte mondial de valeurs et principes partagés afin de donner un visage humain au marché global».

« Aujourd’hui, la quasi-totalité du travail entrepris dans le domaine de la santé internationale est mis en œuvre par des partenariats public-privé, des arrangements qui représentent un mécanisme de plus pour l’extraction des richesses (du 99 % au 1%) en attelant le secteur public à la production de bénéfices privés. »

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Et voilà pourquoi ce sont des Bill Gates et des grandes firmes pharmaceutiques qui dominent la situation sanitaire mondiale, les institutions internationales et les pouvoirs publics nationaux n’ayant plus les moyens d’assurer les politiques vitales pour la santé des peuples. Voilà en quoi la décision du président Trump de suspendre la contribution des Etats-Unis au budget de l’OMS est véritablement criminelle.

https://www.cetim.ch/controle-des-epidemies-loms-avait-la-solution-il-y-a-40-ans/#_ftn8

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