Devenir radical ou être transparent

Humeurs d'un alterpubliciste

Par | Penseur libre |
le

My dear, nobody cares about your year in Facebook

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La fabrique de consensus ferme ses portes.
Il y a 30 ans, en 1988, Noam Chomsky et Edward Herman sortaient un livre intitulé « Manufacturing Consent ». La presse, en ce temps-là, se concentrait en quelques groupes puissants capables de toucher la masse dont elle forgeait l’opinion en baillonnant le discours des marginaux et des dissidents. Ces auteurs prétendaient que la matière brute de l’actualité passait  au travers de nombreux filtres avant d’être suffisamment propre pour l’impression.  Trente ans plus tard, la presse de masse ne touche plus la masse, les politiques s’adressent en direct au public via le web et les réseaux. Et le consensus est plus rare que la dissension.  Quand le citoyen lambda peut à lui seul toucher la masse, forcément, le consensus est plus difficile à trouver. Quand tout le monde parle, le bruit assourdit. Avant, le rédacteur en chef décidait de ce qui ferait la une, aujourd’hui, ce sont les médias sociaux  et les lanceurs d’alertes qui dictent l’agenda, le dernier tweet d’un tel ou d’un autre, la dernière fuite wikileak.  Ce qui faisait la force des médias de masse et qui illustrait l’excellence démocratique de la Belgique n’existe plus,  adieu consensus et compromis. Si tu n’es pas radical, tu n’es plus élu. Si ton info n’est pas radicale, tu n’es plus lu. Du coup, le discours politique se radicalise et les affaires se multiplient.

Le discours politique se radicalise
Après les USA et le Brexit, l’élection présidentielle française illustre bien cette radicalisation. Là où tout le monde considérait que la droite et la gauche étaient des concepts éculés, aujourd’hui, les candidats de droite sont plus à droite que jamais et ceux de gauche de plus en plus à gauche.  Au centre, restent un homme d’affaires et Bayrou, l’un pour relancer les affaires de la France et l’autre pour moraliser la politique. L'homme d'affaires se dit que comme il n'y avait plus personne au centre, il y avait un trou dans le marché électoral. Reste à voir s'il y a un marché dans le trou. En attendant, de gauche à droite en passant par le centre, le discours est radical ne serait-ce que parce que Macron est radicalement neuf, parce que Mélenchon propose une nouvelle république et Hamon une belle utopie, parce que Fillon radicalise sa lutte en tant que victime des pourris et parce que Le Pen reste aussi radicale qu’avant. Qui gagnera ? Le sang neuf, à mon avis. Le besoin de changement.  Toutes ces fuites ont radicalisé l’électeur qui finit par croire que la politique est un rassemblement de pourris, alors autant élire du neuf. Nous savons, vous et moi, que beaucoup de politiques ne méritent pas ce déclassement en marge des nouveaux vertueux mais est-ce  en prônant une nouvelle gouvernance et plus de transparence que leur Politique regagnera ses lettres de noblesse ? J’ai plus qu’un doute.

Les affaires se multiplient et la transparence devient une nouvelle forme de radicalisme.
La technologie nous permet d’aller aux confins du cosmos. Des Liégeois remontent à des milliers d’années-lumière pour découvrir de nouvelles planètes. L’univers et son au-delà se révèlent. Puisqu’on arrive tous à tout savoir, la transparence s’érige en valeur alors qu’elle ne qualifie qu’un état. Une vitre, des lunettes, une bouteille, peuvent être transparentes. Pas un être humain. Un scanner complet permettra aux médecins de tout savoir sur son corps de la tête aux pieds, il ne sera pas transparent pour autant. La NSA peut suivre tout ce qu’il fait ou dit, la transparence ne sera pas encore au rendez-vous.  On l’invoque cependant de plus en plus pour certifier qu’il n’y a rien de mal à voir, que nous n’avons rien à cacher en tant qu’individu ou en tant qu’organisation. Je pense hélas que cette approche nous conduira tout droit dans un univers où le consensus mou  que décriaient Noam Chomski et Edward Herman, il y a 30 ans, l’emportera de nouveau. Tant pis pour le changement auquel aspirent les jeunes générations.

La transparence génère le consensus mou. Et pourtant, tout le monde la revendique.
En 2010, le FMI annonçait dans un rapport qu’il fallait accroître la transparence des politiques financières et monétaires. Au sein de la Fed, il y a un Federal Open Market Comitee qui est principalement responsable de la politique monétaire américaine. Ce comité a cédé aux pressions du congrès et doit transmettre progressivement le contenu de ses débats alors qu'avant il ne communiquait que les votes individuels et un résumé sommaire des décisions prises. En 2008, une étude a mesuré les niveaux de dissension entre les membres avant la transcription exhaustive obligatoire des débats et après. La conclusion est limpide : la transparence totale a conduit à nettement moins de dissension et plus de consensus…mou. La transparence c’est l’avortement des idées audacieuses qui se trouvent toujours en marge des systèmes. C’est par la marge que vient le changement pas par la masse. Tous les partis font de l’écologie mais ce sont de tout petit partis qui ont commencé.

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Qui veut de la transparence ?
Le parti pirate l'a exigée à Berlin, il y a 4 ans. Le public veut-il vraiment comprendre et participer à la politique ? À quoi sert la représentation populaire alors ? Et au sein d’institutions, tout le monde veut-il vraiment tout savoir ? Jamais. Ils ont trop peur de ne pas comprendre, de ne pas être à la hauteur. Ce qui compte, c’est de savoir qu’il y a moyen de savoir. C’est ce qui rend le quatrième pouvoir si important en démocratie. la dernière PUB du NewYork Times après son éviction de la pressromm de la Maison Brune en témoigne. Quant au Watergate ne doit rien à la transparence et tout à des enquêtes de deux journalistes têtus et amoureux de leur métier. 

Comment la transparence ferait-elle aimer la politique alors qu'elle est un tue l’amour ?
La politique, c’est l’art du vivre ensemble. Et le  vivre ensemble, tout le monde le pratique ne serait-ce qu’en famille, avec des hauts et des bas. Un couple peut vivre ensemble depuis des années en promettant de tout se dire, leur amour ne rendra pas l’autre transparent. Cette promesse qui les unit peut éclairer, éblouir, faire rayonner mais les rendre transparents, non ! La sexualité est-elle transparente ? Non. Le mot transparence utilisé comme il l’est aujourd’hui évoque la pornographie pour Alice de Ponchéville. Un tue-l’amour. Un tue la liberté. Laissons la transparence aux laveurs de vitres, pour eux, c’est un critère de qualité, un état à atteindre mais je crains qu'il n'y ait que pour eux que ce soit une valeur.  Et s'il faut être radical pour être  entendu, lu et élu en politique, pourquoi ne pas essayer d'être radicalement courageux et visionnaire.Parce que le leader n'est pas tant un chef qu'un créateur de direction. J'y reviendrai la semaine prochaine.

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