Des sourires plutôt que des pruneaux

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Les vraies grandes puissances : Chine et Inde. Une rencontre apaisante. Photo © India's Press Information Bureau/Handout via REUTERS

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Mardi 24 avril

 Accolades, petits bisous, regards entendus, discours complémentaires, ambiance festive, dîners fastueux et, bien entendu, épouses complices rivalisant de tenues à faire pâlir les reines d’Hollywood et ravir les photographes de revues princières, voilà ce que l’on reçoit de la visite d’Emmanuel et Brigitte Macron aux Etats-Unis. Ce qu’il y a lieu de déceler par-delà ces images affriolantes, c’est chez le Français une volonté d’apprivoiser son alter ego étasunien en jouant copain-copain, tandis que l’autre est moins dupe qu’il n’y paraît et ne lâche apparemment rien. Comme Berlusconi dirigeait l’Italie, Trump gouverne son pays en hommes d’affaires. Eu égard aux aspects diplomatique et politique, c’est nul, mais au plan des rapports de force, c’est plutôt genre petit blanc-bec contre bon-papa rompu à la danse du scalp.

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 Il n’y a plus de nationalisme basque actif. L’ETA fit donc amende honorable plus qu’on ne l’aurait imaginé voici encore quelques années. Elle reconnaît sa «responsabilité directe » dans les actions violentes et demande pardon auprès des familles dont elle causa la douleur. Madrid salue la victoire de l’état de droit. La comparaison avec la Catalogne ne tient pas mais elle est pourtant présente en toile de fond.

Mercredi 25 avril

 Devant le Congrès à Washington, Emmanuel Macron avance deux ou trois positions qui paraissent fermes mais qui ne mangent pas de pain, qui conviennent aux démocrates, lesquels lui adressent plus d’une ovation debout ; et qui conviendront à la France puisqu’elles furent mises en œuvre sous le précédent quinquennat. Il s’agit plus particulièrement de deux accords pour lesquels Laurent Fabius joua un rôle capital : sur le Climat et sur le nucléaire iranien. Il insista aussi sur le fait que les Etats-Unis ne pouvaient pas se replier sur un nationalisme choisi, considérant que l’isolationnisme ne leur convenait guère. Il a estimé que les temps exigeaient un travail en commun et sous-entendu que les jours de printemps seraient plus agréables que ceux d’hiver mais toutefois plus frais que ceux de l’été, surtout la nuit. Bref, du concret, de l’audace et une volonté de s’épauler dans l’amitié comme dans le respect mutuel. Cet homme dynamique est un gagneur.

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 Depuis deux semaines, une polémique s’est installée autour de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Parmi les quatre personnalités qui devraient demain recevoir le titre de Docteur honoris causa figure le talentueux cinéaste Ken Loach, bientôt âgé de 82 ans, deux fois Palme d’or, soupçonné voire accusé par une grande partie de la communauté juive d’antisémitisme et de tendances négationnistes. La tension a pris une telle ampleur que le recteur fut obligé de demander un écrit à l’impétrant récusant ces accusations. Cela dû en coûter à l’un comme à l’autre. Le geste était à la limite de la politesse. On souhaite honorer une personnalité, on l’invite, et puis on lui demande un certificat de bonne vie et mœurs. Loach s’exécuta en une lettre claire dans laquelle il redit son dégoût de l’antisémitisme et son opposition à toute forme de racisme. Ces attitudes sont pour lui « méprisables », le soupçonner de les adopter est «grotesque ». La mise au point aurait dû arrêter la campagne de dénigrement. Celle-ci continue. On cherche à comprendre et l’on est bien obligé d’avancer un élément d’explication : Ken Loach est un ardent défenseur de la cause palestinienne.

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 Quand le président est absent, son gouvernement devient transparent. Un an après sa formation, il comporte encore beaucoup de ministres inconnus, compétents peut-être, dans leur branche, mais loin, très loin de l’opinion. Le défi qu’ils ont à relever ne consistera pas seulement à bien gérer leur département ; encore faudra-t-il qu’ils remportent les élections lorsque celles-ci arriveront. Pour cela, il faudra faire de la politique, c’est-à-dire « être peuple avec le peuple » comme disait Jean-Jacques Rousseau. Celles et ceux qui ne savent pas ce que cela veut dire n’ont qu’à se remémorer la joute Balladur-Chirac de 1995.

Jeudi 26 avril

 Á peine avait-il pris congé du couple Macron en route pour Paris que Donald Trump réitéra devant la presse - et cette fois brutalement – sa volonté de remettre en question deux accords fondamentaux signés par Obama, qui demandèrent des centaines d’heures de négociations, et que le président français était venu défendre : celui sur le climat et celui sur le nucléaire iranien. Du bluff ? Ne sont-ce que des menaces ? Les papouilles n’auraient-elles servi à rien? On le saura très vite. Beaucoup d’observateurs se posent la question : Trump est-il un imbécile ou un génie ? Peut-être est-il les deux à la fois…

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 Pascal Boniface, qui dirige l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), avait eu l’occasion de critiquer certaines attitudes belliqueuses du gouvernement israélien. Invité à donner des conférences dans ce pays, il s’est fait tabasser à son arrivée à l’aéroport de Tel-Aviv. Il appelait à l’aide auprès de la police et des services de sécurité. La police était là, les services de sécurité aussi ; ils ne sont pas intervenus, ils contemplaient la scène en riant. On attend que les grandes voix juives protestent, s’indignent, se manifestent, réagissent… Surtout celles qui étaient occupées à dénigrer Ken Loach à Bruxelles.

Vendredi 27 avril

 Le maître de la Corée du Nord, Kim Jong-un, et le président de la Corée du Sud, Moon Jae-in, ont imité Trump et Macron. Ils ont marché la main dans la main sur la ligne de démarcation. Si l’événement est historique, c’est par sa rareté. Parler de réunification est cependant tout à fait frivole. Ce n’est même pas mettre la charrue avant les bœufs. Ceux-ci, pour l’heure, sont à l’étable et la charrue au garage. Soyons simplement satisfaits que ces deux-là s’envoient des sourires plutôt que des pruneaux.

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 Après les prises de becs avec Bourdin et Plenel, après les boursouflures campagnardes avec Pernault, Macron aborde la littérature en dialoguant avec Michel Crépu et Alexandre Duval-Stalla dans la NRF. Colette, Giono, sa grand-mère, Camus… Et bien entendu Stendhal avant tous les autres. Jupiter se prendrait bien aussi pour Julien Sorel quand il se dit l’émanation du romanesque des Français. C’est sympathique, mais ça sent un peu trop le Lagarde et Michard.

Samedi 28 avril

 Le New York Times est tombé sous le charme de Macron. Une bonne raison de plus pour qu’il se méfie de lui-même.

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 Rimbaud a chanté les voyelles. Aucun philologue n’a encore souligné la responsabilité des consonnes. Depuis le déplacement d’r d’Henri de Pourtalès, il y aurait pourtant de quoi remplir un almanach. Petit exercice au vol et en vrac :

Souvent, se laisser bercer

Revient à se laisser berner…

Souvent ce qui est fascinant

Est également fascisant

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 28 avril 1928. Le con d’Irène paraît sans mention d’éditeur et d’auteur. Celui-ci adhérerait quatre ans plus tard au Parti communiste, abandonnant ainsi le mouvement surréaliste.

Dimanche 29 avril

 Que les deux Corées se réconcilient, c’est bien. Mais que la Chine et l’Inde procèdent à des rapprochements positifs au point que leur chef d’État se rencontrent et se concertent, c’est mieux, beaucoup mieux. Mais de ce contact, les médias ne parlent pas beaucoup. Rien de spectaculaire donc pas médiatique. Post-scriptum et nota bene réunis : Corée du Nord (26) + Corée du Sud (52) = 78 millions d’habitants. Chine (1400) + Inde (1300) = 2,700 milliards d’habitants.

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 Le Parisien – Aujourd’hui La France propose un dossier sur le travail de Brigitte Macron qui possède un véritable cabinet à l’Élysée tandis que Le Figaro, traitant aussi de la vie quotidienne au palais, précise qu’Emmanuel et Brigitte prennent eux-mêmes en charge leurs menues dépenses de ménage, depuis le dentifrice jusqu’aux croquettes du chien Nemo. Un contraste classique, une information méprisable. On avait déjà eu, dans ce type d’annonce dédaigneuse, Charles de Gaulle réglant les notes d’électricité pour ses appartements privés. Mais en ce temps-là, le Général pouvait aussi compter sur son monsieur Afrique, Jacques Foccart, qui ramenait régulièrement de ses voyages des valises de billets afin d’honorer les menues dépenses du parti des godillots. Jusqu’à présent, on n’a pas encore découvert un monsieur Afrique de renom autour de Macron. De généreux donateurs bien français figurent cependant sur une liste d’attente. Lorsque viendra le temps des gestes de reconnaissance…

Lundi 30 avril

 Au moment où l’Union européenne entame la difficile préparation de son budget pour l’an prochain, tandis que des dépenses nouvelles doivent être prévues et que l’apport du Royaume-Uni disparaîtra, Le Soir propose à ses lecteurs une éclairante pyramide des contributeurs. Les six pays fondateurs figurent bien entendu parmi les pays qui contribuent plus qu’ils ne perçoivent et c’est l’Allemagne qui tient la corde. Parmi les pays qui perçoivent plus qu’ils ne contribuent se trouvent notamment tous les pays d’Europe centrale. La Pologne est de très loin le membre le plus choyé. La Hongrie est aussi parmi les mieux rétribués. En conclusion, il est donc possible d’affirmer sans crainte de se tromper que ces deux États bluffent quand ils critiquent violemment le fonctionnement de l’Union : ils en bénéficient plus que tous les autres membres. Moralité : les mieux nantis sont les plus antis. Là aussi. 

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 Gros tracas en Macronie. Le chêne, issu des terres françaises où les soldats étatsuniens étaient venus combattre, et que Donald et Emmanuel avaient planté  dans la pelouse de la Maison-Blanche à grands renforts de photographes et devant leur épouse admirative, le chêne donc, a déjà été déplanté. Ricanements dans la presse hexagonale (on s’attend à ce que Le Canard enchaîné trouve un bon jeu de mots  en troquant « chêne » pour « chaîne ». Branlebas au palais de l’Élysée. Une explication arrive du Nouveau Monde : l’arbre aurait été déplanté « pour des raisons phytosanitaires ». Le symbole de l’amitié entre Papa Donald et son fiston serait donc en mauvaise santé ?... Á moins que l’on ait appris au président Trump ce que le mot « gland » signifiait dans le parler populaire français…

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 Il parle bien Raphaël Enthoven. Tous les matins, à 8 h 37, Patrick Cohen annonce son billet. Deux minutes de commentaires et de réflexion pour aboutir au Fin mot de l’info. C’est instructif et charmant. L’esprit se régale. Quand on l’écoute en prenant paisiblement un bon petit déjeuner, on peut lui accorder une attention soutenue, souvent bien nécessaire, et méditer le propos durant les instants qui suivent, voire même une partie de la matinée. Au volant, dans les embouteillages, ou au boulot qui vient d’être entamé, c’est moins facile. Alors le philosophe a eu la bonne idée de publier ses chroniques (Morales provisoires, éd. de l’Observatoire). Un ouvrage qui devrait être remboursé par la sécurité sociale.

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