Une ignorance abyssale

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Avant d'empêcher les gens de parler, il faudrait peut-être se renseigner si ce qu'il va dire est ce qu'on imagine... Photo d'Elie Barnavi Creative Commons / Wikipédia

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L'interminable conflit israélo-palestinien - interminable dans tous les sens du mot - s'exporte un peu partout dans les universités des endroits dans le monde où dire son opinion, fût-elle excessive et sommaire, ne pose aucun problème fondamental. Ici et là, on entend dire que c'est une résurgence de mai 68, particulièrement dans les universités américaines. Il y a bien entendu un peu de ça - les facultés ont toujours été des lieux de contestation presque par nature - mais peut-on faire remarquer que les différences sautent aux yeux. En 1968, les étudiants américains réclamaient certes la paix au Vietnam, mais pour des raisons qui n'étaient pas extérieures à leur personne: ils risquaient de devoir y aller se battre. Certains - comme un futur président, Bill Clinton - préférèrent l'exil (cela lui fut reproché, mauvais patriote!) et d'autres portaient un brassard noir sur leur uniforme pour protester contre un conflit qu'ils dénonçaient. En Europe, la revendication majeure des étudiants étaient plutôt plus de liberté de parole qu'autre chose, même si bien sûr les indignations géopolitiques étaient là pour alimenter le sentiment que la jeunesse make love not war n'était pas assez écoutée.

La ressemblance formelle, n'empêche, est saisissante. Auditoires occupés, banderoles gigantesques, slogans répétés jusqu'à l'envi. Mais où est passé le célèbre il est interdit d'interdire? Je comprends parfaitement que la guerre qu'Israël mène est sans issue et démesurée, agaçant même puis fâchant carrément des alliés supposément indéfectibles. Je comprends combien injuste et insupportable est le sort des deux millions de personnes agglomérées dans la bande de Gaza, qu'on déplace comme du bétail à chaque décision du commandement militaire et politique israélien. Mais les mots ont un sens et user de génocide n'est pas approprié; mais la liberté d'expression est essentielle et ne peut se limiter à qui est plus ou moins de votre avis. Et de la même manière qu'assimiler tout musulman à un terroriste potentiel, faire porter à toute personne d'origine juive ou se réclamant de l'être la responsabilité de la politique israélienne est plus que simpliste: dangereux. C'est là aussi le premier pas vers la déshumanisation qui aboutit si facilement au génocide, le vrai, celui du genre solution finale.

Comme il a raison, Elie Barnavi, qui a toujours lutté pour une paix juste et qui s'est toujours soucié du peuple palestinien, étant de ceux qui en Israël et dans le monde militent pour la création d'un état palestinien, de parler d'ignorance abyssale quand il voit qu'on veut l'empêcher de parler à l'Université libre de Bruxelles, le présentant comme un affidé de Netanyahou. Talleyrand disait que ce qui est excessif est insignifiant. Parfois, ce qui est excessif, au contraire, est très signifiant. Ce n'est ni sur l'ignorance ni sur la haine qu'il faut baser l'avenir; c'est sur le savoir et le respect de l'autre. Le choix est permanent entre un totalitarisme qui se voudrait à visage humain et dont les indignations, fondées ou non, s'appuient sur des croyances plutôt que des analyses, et un humanisme qui tient en compte tous les aspects d'un problème, attitude certes moins confortable mais qui autorise les vraies dénonciations.

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<p><strong>Occupation du mouvement Free Palestine sur le campus du Solbosch depuis ce mardi 7 mai. <em>Photo Jean Frédéric Hanssens</em></strong></p><p><strong>Occupation du mouvement Free Palestine sur le campus du Solbosch depuis ce mardi 7 mai. <em>Photo Jean Frédéric Hanssens</em></strong></p><p><strong>Occupation du mouvement Free Palestine sur le campus du Solbosch depuis ce mardi 7 mai. <em>Photo Jean Frédéric Hanssens</em></strong></p><p><strong>A l’appel de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB), un rassemblement était organisé ce vendredi à 17h30 devant les bureaux du rectorat.</strong> <em><strong>Photo Jean Frédéric Hanssens</strong></em></p><p><strong>A l’appel de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB), un rassemblement était organisé ce vendredi à 17h30 devant les bureaux du rectorat.</strong> <em><strong>Photo Jean Frédéric Hanssens</strong></em></p><p><strong>A l’appel de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB), un rassemblement était organisé ce vendredi à 17h30 devant les bureaux du rectorat.</strong> <em><strong>Photo Jean Frédéric Hanssens</strong></em></p>
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