Thom Thom, un manifeste collagiste.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Le Mur Oberkampf pendant le confinement est revenu à sa destination originelle, un panneau d’affichage. Un panneau vide. Dès le déconfinement, Le Mur a invité Thom Thom. Un drôle de nom me direz-vous pour un artiste singulier qui réinvente, après d’autres, un art de l’affiche original.

L’affiche est à la fois le matériau de son projet artistique et la finalité ultime. Un peu obscur voire sibyllin ? J’en conviens. Développons donc. Thom Thom sélectionne des affiches qui seront, « travaillées », des œuvres d’art ressemblant à des affiches. Chacun aura compris que le premier temps de la démarche est le recueil du matériau. En fonction de l’image que Thom Thom veut créer, l’artiste choisit avec grand soin des affiches. Des affiches publicitaires, des affiches de cinéma, pas d’exclusive, le choix est guidé par les images des susdites affiches et du « lettrage ». Photographies et typographies certes montrent et disent mais elles témoignent également d’une forme de culture, d’une période historique, de modes passées. Bref, les affiches sont à leur manière des « témoins de leur temps ». Le second temps est un méticuleux et long « travail » des images. Thom Thom (je l’avais montré dans un article paru voilà plusieurs années)[1] découpent un savant moucharabieh, complexe comme les fils de soie d’une toile d’araignée qui a deux fonctions, il cache et il montre. Autrement dit, des fragments d’affiches apparaissent dans les vides découpés par l’artiste. L’œuvre est formée de l’ensemble composé par les affiches « de fond » et du réseau réticulaire.

L’artiste a « travaillé » deux affiches représentant un sarcophage égyptien et un portrait d’une très jolie femme posant avec sophistication devant l’objectif du photographe. Les « affiches réticulées » des sarcophages ont été collées aux deux extrémités du « mur ». Le portrait de femme forme le motif central. Entre les deux sarcophages et le portrait, du vide.

Thom Thom a invité des amis collagistes parisiens à venir pendant 12 jours coller des affiches dans les espaces libérés. Pendant 12 jours, Thom Thom est au pied de son mur pour accueillir ses potes et coller leurs prods. Le douzième jour, Thom Thom a prévu de décoller l’œuvre, de la découper en plusieurs morceaux pour les vendre.

Thom Thom qui a créé la structure de base devient, en quelque sorte, un maître d’œuvre qui colle (le plus souvent en concertation) les collages de ses amis collagistes.

Nous remarquons qu’à l’encadrement des sarcophages correspond un collage symétrique des œuvres par rapport au motif central du portrait. Les tigres de Mosko (Mosko, grand pochoiriste devant l’éternel, a, pour l’occasion peint ses pochoirs sur des affiches découpées), les tigres inversés, font pendant au portrait de Thom Thom. Ils découpent l’espace en trois parties, leur hauteur rythmant l’ensemble de la composition (alternance grand / moyen/grand/moyen/grand). Le collage de Paddy renforme l’axe central ajoutant au regard de la très jolie femme, un autre regard de femme qui non seulement regarde le regardeur mais photographie les photographes. Une mise en abîme pour les happy few. Les deux portraits de FKDL (celui de Joséphine Baker, si je ne m’abuse !), bien que collés à des hauteurs différentes concourent à la perception globale d’une composition symétrique.

Ce qui est plus ou moins vrai ! Certains collages sont uniques et un intrus, un pochoir, s’est même glissé dans l’œuvre ! La symétrie et surtout l’encadrement par les Toutankhamon organisent l’œuvre globale lui donnant une relative cohérence spatiale. En fait, les amis de Thom Thom ont apporté des pierres à l’édifice. Parfois de petites pierres, comme celles de 13 Bis, parfois une déclinaison en diptyque, comme les deux collages de Marquise.

Foin des symétries, filles de la géométrie, l’asymétrie voire le désordre perturbe la belle ordonnance de base. C’est dans ce désordre que le regard cherche dans la superposition des collages des trésors. La dysharmonie des couleurs renforce ce caractère.

Au-dessus du collage, a été écrite (collée !) une longue phrase : « Nous devrions avoir moins peur des dommages collatéraux de l’activisme sur nos vies que du patriarcat. » Une phrase qui vient en résonance avec l’actuelle activité des revendications féministes.

Je vous entends me demander quel est le rapport entre cette phrase et l’œuvre ? Vous m’entendrez répondre : aucun. Et ce ne sont pas les portraits féminins qui nous donnent une clé pour saisir la relation entre une phrase comprise comme la légende de l’œuvre. Sauf que l’œuvre est une brillante défense et illustration du collagisme et que la phrase est écrite en collant une à une les lettres comme le font depuis septembre des groupes féministes. Ces groupes d’horizons différents ont collé plus de 400 phrases de cette manière pour lutter contre le « féminicide ».

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