« Le rêve », Hopare, rue des Maronites, Paris XXème, juillet 2014

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Rue des Maronites, une petite rue perpendiculaire au boulevard de Belleville, une belle résidence de standing. Les copropriétaires de la résidence désespèrent de ce grand mur jouxtant l’entrée du parking. Ils ont alors la bonne idée de solliciter, en juillet 2014, 5 street artists pour réaliser une immense fresque. Seyb, Alex, Brok, Maniak et Hopare se partagent alors le mur et décident en accord avec les résidents de décliner un thème : celui du rêve.

J’avoue que lorsque j’ai découvert la fresque d’Hopare, j’ai cru voir une réminiscence de « La planète des singes », le film de Franklin J.Schaffner, plus précisément, le plan final. Un  superbe plan du film qui reste dans toutes les mémoires parce qu’il change la signification de la fiction. Le spectateur découvre que la planète sur laquelle le rapport homme-singe est inversé est notre bonne vieille Terre, dans un lointain futur apocalyptique. Seule la tête couronnée de la statue de la liberté d’Ellis Island, symbole des Etats-Unis, ruinée, émergeant du sable de la plage, transforme le film d’aventures en un film de science-fiction.

Bref, dans la fresque,  je retrouvai la tête de femme penchée et, autour de sa tête, des motifs décoratifs qui évoquaient la couronne de Bartholdi. La prégnance de l’image de la statue de la liberté est devenue à ce point iconique et forte dans mes souvenirs qu’une interprétation s’imposa à mon esprit : la fresque est une parabole de la puissance nord-américaine, impériale certes mais ayant des pieds d’argile. Pourtant, il eut suffi de mettre en lien les autres fresques du mur pour comprendre qu’elles étaient des illustrations de rêves.

 La fresque d’Hopare est un portrait de femmes. Un rêve de femme ou une femme de rêve. Le portrait d’une facture particulière. La ligne domine. Des lignes qui se coupent, qui se croisent de manière abstraite. Les espaces délimités par la ligne noire sont colorés de couleurs différentes mais en harmonie. A y bien regarder, en comparant les surfaces, celle du visage et celle des espaces abstraits, la part de l’abstrait domine. Curieux portrait hétérodoxe dans lequel le réalisme est étroitement marié à l’abstraction. Les motifs décoratifs sont nombreux et répétés apportant graphiquement des ruptures par rapport à la géométrie des lignes. Le trait noir très présent évoque le plomb des vitraux. Les diverses harmonies colorées dans lesquelles s’opposent avec délicatesse les couleurs froides et les plus chaudes donnent à l’œuvre une grande unité chromatique.

« Le rêve » d’Hopare est un exemple du travail d’Alexandre Monteiro, aka Hopare. Cette œuvre de 2014, illustre la démarche de l’artiste. Son identité esthétique est caractérisée par le trait. Dans une interview de mai 2013, invité à définir son style, il disait : « Un style abstrait et graphique. Je considère mon style pur et aiguisé, comme un diamant, avec une recherche du trait parfait ». Le trait, encore et toujours le trait. Pour décrire ses portraits, il employait dans la même entrevue de bien jolis mots : « Pour mes portraits, j’essaie de donner l’impression que je les ai réalisés avec de fins « rubans de soie » délimités par des « fils de nylon » noirs avec un maximum de détails ».

« Le rêve » reste encore aujourd’hui le manifeste de l’art d’Hopare. C’est assurément le street artist français le plus sensible à la beauté du trait qui parvient à imposer l’abstraction dans un art urbain traditionnellement attaché à la représentation. Il s’illustre dans l’art du portrait, des visages traversés de réseaux de lignes, d’une géométrisation de l’espace, d’une exaltation du trait noir fragmentant les visages et les corps, faisant chanter les couleurs.

 

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