Résistance chilienne, d’Allende à aujourd’hui

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Un aperçu de la passionnante exposition d’affiches de la résistance chilienne, à la Cité Miroir à Liège. Photo © G.L.

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En quoi les événements tragiques survenus il y a 50 ans nous servent-ils encore de boussole pour analyser la marche chaotique de notre monde actuel ?

Ce qu’il s’est passé le 11 septembre 1973 à Santiago, à savoir un coup d’État militaire soutenu par les Etats-Unis et qui s’est soldé par la mort du président élu Salvador Allende consacrait dans le sang et la terreur un partage du monde entre « communistes » et gens de gauche de diverses sensibilités et l’ultralibéralisme qui se mondialisait sous la houlette des Etats-Unis avec l’Europe à sa traîne. Sous couvert de lutte idéologique entre ces deux systèmes de pensée, il y avait une âpre bataille économique sur les ressources naturelles des pays d’Amérique Latine, et plus précisément le cuivre que le Chili recelait en grande abondance, mais qui était exploité par de grandes firmes américaines.

L’histoire de l’Unité Populaire chilienne est donc exemplaire surtout si on la replace dans le contexte d’un monde où de nombreux pays tentaient de se débarrasser du joug colonial, où la guerre froide était effectivement très « chaude », où les sociétés se divisaient entre communistes, socialistes, chrétiens de gauche, allant de l’extrême-gauche au centre-gauche et partis de droite allant du centre à l’extrême-droite.

Le Chili avait déjà entamé un parcours vers plus de démocratie politique, de représentativité des paysans, des autochtones, d’autonomie économique sous la présidence du démocrate-chrétien Eduardo Frei. Arrivé au pouvoir, le président Allende a poursuivi ce parcours rassembleur sous le signe de la gauche progressiste et en toute légalité politique. Le succès de cette Unité populaire et la nationalisation du cuivre a provoqué la réaction du pouvoir US qui a déstabilisé le pays en finançant des grèves de secteurs stratégiques comme celle des camionneurs et en influençant discrètement des hauts-gradés de l’armée chilienne, dont le général Augusto Pinochet qui écarta les militaires loyaux au président et couvrit le coup d’État, plongeant le pays dans une terreur ressemblant à celle qu’a fait régner Staline en URSS.

Rappelons aussi qu’à cette époque, l’âme damnée de la présidence US était Henry Kissinger, dont le but principal était d’empêcher que dans le reste du monde et singulièrement en Europe (après le Vietnam, voir notre article de la semaine passée) des gouvernements de gauche ne viennent au pouvoir. Selon lui, des « unités populaires » et autres alliances de gauche ne pouvaient pas voir le jour en Italie, en France, par exemple. Et l’on se souvient des attentats d’extrême-droite qui ont ensanglanté l’Italie, et des déstabilisations diverses qui ont même frappé la Belgique dans les années 1980. Pendant ce temps, l’Amérique latine comptait plusieurs dictatures militaires, toutes les forces de gauche étaient réprimées, décimées, la culture même était frappée puisque des écrivains, des poètes comme l’immense Pablo Neruda, des musiciens, des peintres étaient abattus.

La culture était et est restée une arme de combat démocratique, un outil de résistance aussi.

La résistance s’affiche

C’est ce que nous pouvons découvrir à la Cité Miroir, à Liège grâce à l’exposition « Chili. La résistance s’affiche ».

Car après le coup d’État, des milliers de Chiliens et autres réfugiés de divers pays latino-américains sont arrivés en Europe et singulièrement en Belgique, accueillis par plusieurs associations et mouvements de solidarité, dont principalement Oxfam, la FGTB, l’ULB et des centaines de familles belges qui ont hébergé des réfugiés. Ces Chiliens ainsi aidés ont pu s’intégrer dans notre pays tout en poursuivant des combats de résistance contre la dictature chilienne.

Ces combats sont illustrés par des affiches fortes, chatoyantes provenant de la collection d’un réfugié chilien célèbre installé à Liège, le général Poblete, resté fidèle jusqu’au bout au président Allende. Cette exposition est complétée par des œuvres picturales d’artistes chiliens et par des témoignages vidéo. Ainsi, il est possible de retracer ce moment exceptionnel de notre histoire commune que furent l’Unité populaire et les diverses luttes pour l’émancipation des peuples. À mettre en perspective avec l’évolution du Chili, pays divisé politiquement, qui vit toujours sous le joug d’une constitution imposée par le dictateur Pinochet et où le projet de nouvelle Constitution élaborée sous la présidence de Gabriel Boric, un jeune progressiste, a été rejeté en 2022.

Allende 50

Le 11 septembre 2023 sera célébré le 50e anniversaire du coup d’État au Chili. La diaspora chilienne, nombreuse en Belgique, se mobilise pour créer nombre d’événements mémoriels, principalement à Bruxelles. Expositions, conférences, concerts, films… Le programme est vaste, on vous en reparlera. Un moment fort aura lieu à l’ULB lors de la rentrée académique le 18 septembre. Afin que plus de jeunes découvrent ces multiples formes de résistance et, peut-être, s’en inspirent pour les combats actuels visant plus de justice sociale, de solidarité afin de sauver notre planète et notre humanité.

- Exposition « Chili. La résistance s’affiche ». du 7 juin au 10 septembre 2023 à la Cité Miroir à Liège. www.citemiroir.be

- À voir et à revoir : l’exceptionnel reportage du journaliste Josy Dubié et son interview de Salvador Allende peu avant sa mort.

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