Pas de marche blanche pour la chair noire

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Surtout ne rien dire, ne rien voir, ne rien entendre. Dormez tranquilles et ne réveillez pas votre conscience. Amen.

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Invité aux Experts sur BX1 la semaine dernière, j’ai découvert, dans les sujets programmés, cette affaire de « prostituées » nigérianes mineures opérant à Saint-Josse-ten-Noode. Pour me préparer à commenter ce sujet, cap sur la Grande Presse pour m’instruire à ce propos. Et c’est, sémantiquement parlant, stupéfiant.

Voyez plutôt : « Des jeunes filles, parfois des mineures, qui viennent du Nigéria se prostituent dans les rues de Bruxelles pour parfois moins de cinq euros » (RTBF).  « Se » prostituent ? Ah bon ? « Se prostituer », c’est un peu comme « se masturber » : c’est un choix. Pas mieux sur 7sur7.be : « C'est le Moyen Âge: jamais notre pays n'avait compté sur son sol autant d'adolescentes nigérianes prostituées, et qui plus est dans des conditions des plus innommables ». Il y aurait donc des conditions moins innommables pour la prostitution d’adolescentes. Bon sang mais c’est bien sûr !

Cérémonie vaudou

La DH annonce pour sa part que « Une centaine de mineures vendent leur corps pour moins de 5 euros à St-Josse », avant de raconter par le menu la façon dont ces malheureuses sont enlevées et soumises au diktat des réseaux mafieux par d’alléchantes pratiques de sorcellerie. Si on lit bien, « elles vendent leur corps », comme le boucher vend sa viande. Elles seraient donc volontaires, là encore ? La très bien pensante Libre Belgique, elle, se retranche derrière la presse flamande : « La police fédérale tire la sonnette d'alarme quant à l'afflux de femmes nigérianes dans le milieu de la prostitution en Belgique, rapportent Het Nieuwsblad et De Standaard. Elles sont plusieurs centaines en Belgique et notamment à Bruxelles (Saint-Josse principalement), selon la police. Les filles sont aussi de plus en plus jeunes. Elles ont entre 14 et 16 ans selon les deux quotidiens. » Du factuel bien pudique. « Opération anti-prostitution à Bruxelles : des filles recrutées au Nigéria par une proxénète qui leur fait subir une cérémonie vaudou », titre RTL-TVi. Waw, aguichant ! Guy Theyskens, porte-parole de la police fédérale, dénonce dans le même JT les « traitements particulièrement cruels » qu’ont subis ces filles. Sans blague !? Le reste est à l’avenant.

Catastrophe nucléaire

Interrogé par les deux quotidiens flamands cités ci-dessus, Franz-Manuel Vandelook, spécialiste de la police fédérale en matière de prostitution nigériane (ça existe), se dit stupéfait. « En vingt ans, jamais personne ne s'est intéressé à la problématique grandissante des adolescentes nigérianes - de plus en plus jeunes - résidant illégalement en Belgique pour se prostituer », s’étonne-t-il. « Il s'agit d'esclavage et d'exploitation. » Futé, le gars ! Et d’ajouter, quand même et enfin : « S'il s'agissait de gamines européennes, ce serait une catastrophe nucléaire! » Oui, mais voilà : il s’agit de gamines africaines, donc tout le monde s’en fout. Pas de marche blanche pour la chair noire.

Au-delà de ce concours de litotes, et passé le choc du sensationnalisme, soyons clairs : aux yeux de la loi, là où toute la presse parle de prostitution et de proxénétisme, nous sommes face à un cas de viol organisé sur mineure, dont certaines ont à peine 11 ans. Car, oui, il se trouve à Bruxelles des gens qui n’hésitent pas à violer une enfant contre un billet de 5 euros. Ce type de comportement est décrit à l'article 201 du code pénal comme un crime passible, aux Assises, d’une peine allant de 6 mois à 15 ans de prison en fonction des circonstances. Quant à ce qu’on appelle pudiquement des proxénètes, ils sont coupables de traite d’enfants, d’organisation de malfaiteurs, de détournements de mineure et de viol pédophile en bande organisée. Je n’ose pas imaginer dans les combien d’années de prison ça va chercher.

Je sais tout mais je ne fais rien

Cette situation à la fois dramatique et criminelle semble avoir échappé à l’attention de l’ensemble de la presse qui s’attarde sur la question de la prostitution plutôt que celle du réseau pédophile. Comprenne qui pourra. Il en va de même pour les autorités qui ne semblent pas saisir l'ampleur du problème (car, si elles savaient, elles agiraient - n'est-ce pas?).

Zoé Genot, conseillère communale à Saint-Josse, a eu le cran de dire à l’antenne, lors de l’émission de BX1, de quoi il s’agissait réellement. Elle a aussi souligné l’aveuglement volontaire du bourgmestre, Emir Kir, qui est parfaitement informé et ne donne pas ordre à la police d’intervenir. Quant au ministre Madrane, alerté par Child Focus dès le mois de mai, il admet (DH, 10/05/2017) qu’il existe des réseaux d’exploitation structurés et organisés, mais que, étant donné qu’ils maintiennent les jeunes hors de l’espace visible, « on entre dans toute la complexité de la lutte contre les réseaux d’exploitation ». Ah, Monsieur le ministre, on n’a pas dit que c’était facile ! Mais est-ce une raison pour renoncer ? Ils doivent trembler, les réseaux d’exploitation de mineurs ! Or, c’est un devoir citoyen d’agir contre cette forme de criminalité qui tue l’enfance et perpétue la volonté de domination de l’homme blanc sur le peuple noir. Les quelques associations qui se préoccupent du problème n’ont pas les moyens d’agir efficacement et leurs subventions sont sans cesse remises en question.

Il faut se rendre à l’évidence : si les autorités savent mais ne font rien, elles se rendent complices. Est-il temps qu’une association se porte partie civile contre celles-ci pour complicité de crimes, de proxénétisme et de réseau pédophile?

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