Levons-nous contre toutes les guerres !

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Le Forum Social Mondial 2024 s'est tenu en février à Katmandou au Népal. Des milliers de paricipant.e.s veulent un autre monde que celui qui nous est imposé.

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Les citoyens du monde sont outrés - et le font de plus en plus savoir - devant le spectacle atroce d’une planète déchirée par des guerres cruelles, sanglantes, absurdes, que les mécanismes de négociations prévus par les instances internationales auraient pu empêcher. Mais le jeu des grandes puissances alliées aux intérêts des marchands d’armes, des vendeurs d’énergie fossile, des entreprises de construction et autres, empêche les options de paix et de développement harmonieux.

Tout récemment, le Forum Social Mondial qui s’est tenu à Katmandou rassemblait 50.000 participant.e.s de plus de 90 pays. Ils ont échangé « des stratégies pour faire face aux multiples crises mondiales, des catastrophes climatiques au capitalisme débridé, en passant par les inégalités, l'injustice sociale, les guerres et les conflits », raconte Isabel Ortiz, directrice du Programme mondial pour la justice sociale à l'Initiative de for Policy Dialogue de l'Université Columbia et ancienne directrice de l'Organisation internationale du Travail (OIT) et de l'UNICEF.

Isabel Ortiz souligne ce qui lui apparaît comme les points importants de ce rassemblement qui ne débouche pas sur des conclusions ou des mots d’ordre mondiaux mais des mobilisations citoyennes librement choisies par les participants.

Contre les guerres et l’extrême-droite

Sans surprise, la dénonciation du génocide à Gaza, la demande d'un cessez-le-feu immédiat et de la création d'un État libre de Palestine apparaissent comme des priorités. De même que le refus de la militarisation et des guerres. Il faut réduire les dépenses militaires et le pouvoir, promouvoir la paix et la démocratie, insiste Isabel Ortiz. Or, « Les dépenses de défense augmentent alors que les politiques d'austérité réduisent les dépenses sociales, cette tendance doit être inversée. »

Ces positions des altermondialistes soulignent l’absurdité des guerres faites en notre nom sans qu’aucun citoyen ne soit consulté. Le fossé s’élargit de plus en plus entre nos dirigeants européens et étatsuniens alors que se profilent des élections cruciales pour notre avenir.

Comment cela est-il devenu possible ? Isabel Ortiz constate qu’il nous faut nous organiser contre la montée de l'extrême droite : « les gouvernements d'extrême droite du monde entier ont érodé la démocratie, les droits de l'homme et la société civile. Des rapports ont été faits sur la censure, la répression, les abus de justice, les raids injustifiés et l'emprisonnement injuste de citoyens progressistes, par les gouvernements de Modi en Inde, Duterte aux Philippines, Orban en Hongrie, Duda en Pologne, Al-Sissi en Égypte, Trump aux États-Unis, Bolsonaro au Brésil, entre autres. »

On pourrait ajouter à cette liste les défenseurs des droits humains et de la paix qui ont été emprisonnés ou muselés en Russie, en Ukraine sous prétexte de patriotisme en temps de guerre.

Et souligner l’emprisonnement totalement injustifié de Julian Assange, en Grande-Bretagne, parce qu’il a eu le tort de révéler les atteintes aux droits humains et au droit international commis par les forces étatsuniennes lors des guerres d’Irak et d’Afghanistan, notamment.

Contre les inégalités et les politiques d’austérité

Isabel Ortiz résume les autres combats débattus au FSM et notamment « Lutter contre les inégalités pour contrer la concentration excessive du pouvoir et de la richesse entre les mains d'une petite élite. L'inégalité est le résultat de choix politiques et économiques délibérés, et elle peut être inversée pour construire un monde juste, égalitaire et durable. »

Pour cela, il faut « Mettre fin à l'austérité, à la dette illégitime et aux politiques économiques néolibérales qui ont laissé tomber les citoyens de manière retentissante. Ces politiques dépassées, imposées par les institutions financières internationales (IFI) comme le FMI et la Banque mondiale par l'intermédiaire des ministères des Finances et du G20, profitent principalement aux entreprises et aux investisseurs des États-Unis et dans quelques pays du Nord, ce qui entraîne des dommages réels et durables à la vie des gens ordinaires. Il existe des politiques économiques alternatives, telles que l'imposition adéquate des riches millionnaires et des entreprises, qui peuvent financer la prospérité des personnes et de la planète. »

Dans cette ligne de justice sociale, le FSM recommande de « garantir les services publics, la sécurité sociale universelle ou la protection sociale, et les droits du travail pour tous, y compris les travailleurs informels et les migrants, au lieu de la tendance actuelle à l'austérité qui consiste à privatiser ou à corporatiser les services publics, à réduire les prestations sociales et à déréglementer le marché du travail. »

Les paysans, au centre des luttes

Un bel exemple de lutte sociale internationale est celle des paysans, souligne Isabel Ortiz. « La Via Campesina est aujourd'hui le plus grand mouvement avec deux cents millions de paysans qui luttent pour la sécurité alimentaire, contre l'agrobusiness et les OGM. Il est très actif, a des alliances avec des syndicats, des mouvements de peuples indigènes et c'est un bon modèle pour d'autres mouvements. »

Les protestations des agriculteurs européens vont - en partie - dans ce sens. Cependant, certains défendent un modèle d’agrobusiness incompatible avec la protection de l’environnement, de la biodiversité et l’évolution climatique. Or, le public européen a bien dû constater que nos dirigeants à la Commission européenne ont choisi la voie industrielle, le rétablissement de l’usage des pesticides même les plus dangereux et la protection des intérêts des multinationales de la production et de la distribution des produits alimentaires avant ceux des petits paysans et des consommateurs.

Les participants au FSM se sont penchés sur la Justice climatique : plusieurs sessions ont porté sur les catastrophes climatiques, le soutien des institutions financières internationales aux combustibles fossiles, les transitions justes, l'habitat et le développement durable, énumère Isabel Ortiz.

Sans les femmes, rien n’est possible

De nombreuses femmes portent le mouvement alter-mondialiste depuis ses débuts. Le FSM de Katmandou n’échappe pas à cette tendance. Les participant.e.s ont convenu une fois de plus qu’il fallait « réparer les violations des droits humains pour les femmes, les Dalits (les « intouchables ») et les castes inférieures, les LGBT, les personnes handicapées et les différentes ethnies ; exiger la promulgation et la mise en œuvre de politiques et de stratégies inclusives pour éliminer les disparités de classe, de caste, de genre et de race. », résume Isabel Ortiz. Ainsi, le Forum féministe 2024 s'est concentré sur « l'élimination des obstacles systémiques qui entravent les droits des femmes, du patriarcat aux politiques macroéconomiques, par le biais d'une action féministe transformatrice qui mène au changement. »

La conclusion d’Isabel Ortiz est aussi une mise en garde : « Le manque de volonté des élites politiques et économiques du monde de résoudre les multiples crises actuelles alimente le mécontentement des citoyens et la désillusion à l'égard des partis conventionnels. Partout, les gens perdent confiance dans les gouvernements, les institutions et les systèmes économiques et politiques. Les gouvernements et les dirigeants du monde feraient bien d'écouter et d'agir en fonction des idées émanant du Forum social mondial. »

Quant à nous, citoyens de Belgique et d’Europe, levons-nous contre toutes les guerres, qu’elles soient armées, économiques, culturelles, lancées ces dernières années contre les intérêts des peuples, des démocraties. Les instruments de paix existent. Par nos votes, nos manifestations, des pétitions, des occupations, des articles de presse et autres moyens pacifiques, obligeons nos décideurs politiques à s’en emparer.

https://www.cadtm.org/El-Foro-Social-Mundial-el-contrapeso-al-Foro-Economico-Mundial

Ce qu’est le Forum Social Mondial

Le FSM a été créé en 2001 pour faire contrepoids à l'élitisme du Forum économique mondial (FEM). Le WEF, fondé et présidé par une fondation du secteur financier privé, favorise l'influence du monde de l'entreprise auprès des gouvernements à la station de ski de luxe de Davos (Suisse).

En revanche, le FSM a été créé comme une arène pour la pensée alternative, où l'avant-garde populaire et sociale pouvait se faire entendre, remettant en question l'idée néolibérale selon laquelle « il n'y a pas d'alternative » (TINA) ; au lieu de cela, affirmant qu'« un autre monde est possible » fondé sur la paix, les droits de l'homme, la démocratie réelle, l'équité et la justice.

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Alors que Davos est la réunion des 1%, les personnes les plus riches de la planète, Katmandou est la réunion du reste d'entre nous.

- Une analyse critique et très approfondie des inégalités du système économique mondial est présente sur le site du CADTM, et notamment les articles d’Eric Toussaint sur la Banque Mondiale. A lire au moment où l’Organisation Mondiale du Commerce est en crise profonde et où le mouvement des BRICS s’affirme de plus en plus. https://www.cadtm.org/Leadership-des-Etats-Unis-sur-la-Banque-mondiale

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