Les sosies

Voici un homme qui ressemble à tous les autres. Dans la rue, ses sosies habillés comme lui, les cheveux bien peignés, costume et cravate le saluent avec enthousiasme.

- Tu as l’air en forme. Comment vont tes parents ? Et la santé ? Il se sent extrêmement bien en pleine reconnaissance. C’est si bon et rassurant d’être comme tout le monde. Quand il a un furoncle purulent sur le nez, il le montre aux autres qui en portent aussi, au même endroit, pour leur montrer qu’il leur ressemble en tous points. Il sait que personne ne lui fera du mal puisqu’il ressemble aux autres. Ils forment une famille soudée et unie. Il se sent bien jusqu’au jour où les autres assassinent un homme à coups de couteau, un homme pas comme eux. Il ignore les raisons de cet assassinat mais s’ils l’ont fait, c’est qu’il le fallait. Il a pleine confiance dans les autres qui sont comme lui. Evidemment, à présent, lui qui n’a tué personne ne ressemble plus aux autres.

On parle dans son dos et on le montre du doigt. Il n’est plus comme les autres et n’est plus protégé. Il se cache dans les souterrains de la ville, dans les caves et les égouts pour échapper à la vindicte de ses anciens sosies qui le traquent, il en est sûr. Même moi, son créateur, j’ignore où il se terre jusqu’au jour où on frappe à ma porte. C’est lui. J’ai à peine ouvert la porte qu’il m’assène plusieurs coups de couteaux mortels. Je m’écroule devant lui : « Je suis désolé mais il le fallait », me dit-il.

- Je comprends, je lui réponds dans un dernier râle.