La banane et le gabelou (fable express)

Journaliste punk

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Y a bon Banania.

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Pour une belle dépêche d’agence, c’est une belle dépêche d’agence ! « Saisie record dans le port d'Anvers: 7 tonnes de cocaïne retrouvées... entre des bananes », qu’elle titre ! La belle affaire : il est communément admis que la cocaïne qui entre en Europe, bon an mal an, représente entre 500 et 600 tonnes. Ce qui fait quand même 1,5 tonne par jour, dimanches et jours fériés compris. Alors, sept tonnes, hein… Pas de quoi s’esbaudir ni, pour les douanes, s’enorgueillir de cette prise « record ». On leur rappellera, histoire de les dégriser, que 7 tonnes saisies, c’est encore, au bas mot, 493 tonnes qui leur passent sous le nez.

Ports de (bonne) pêche

Mais commençons par le commencement : si vous tapez la syntaxe « cocaïne + bananes » dans un moteur de recherche, vous constaterez que cette filière banane est on ne peut plus banale, si j’ose dire. On ne compte plus les saisies effectuées dans des containers bananiers, à tel point qu’on peut se demander pourquoi les gabelous ne contrôlent pas chaque nouvelle cargaison entrant dans un port européen (Anvers, Le Havre et Rotterdam semblent détenir la palme). Ce serait certainement rentable.

Ensuite, toujours histoire de défriser la moustache des douaniers : toute saisie de drogue résulte d’une dénonciation, en général anonyme. Cela m’a été confirmé par le chef de la brigade des stups de la Martinique, au large de laquelle passe la « ligne bananes » bien connue de toutes les polices. Que les containers soient truffés de poudre ou non. Mais qui dénonce qui ? Il y a deux sources : la première est celle d’un règlement de comptes entre gens du milieu, soit dans le cadre d’une guerre des gangs, soit dans celui d’un renversement d’alliance ou de chef. La seconde est celle des politesses des polices : tu m’aides sur ce fugitif, je te signale une cargaison de stups. Les flics savent très bien que la coke passe devant leurs côtes, mais ils n’agissent que sur dénonciation, histoire de ne pas perdre de temps et de rentabiliser un personnel anémique. De temps à autre on s’en fait un, de quoi montrer aux gens qu’on bosse, non mais.

Coke-barres

Revenons à la dépêche Belga où l’on peut lire ce paragraphe comique : « Une enquête a été ouverte pour déterminer la provenance et la destination exacte de la marchandise. La valeur de la cargaison n'a pas été précisée. » Je n’ai pas l’habitude de jouer les indics, mais là, je peux tuyauter les pandores perplexes : pour connaître la provenance et la destination d’un container, il suffit de lire le code-barres qui s’y trouve. Ah, il fallait y penser ! Quant à la valeur de la marchandise, c’est simple : la coke s’échange actuellement aux alentours de 50 euros le gramme, donc 50.000 le kilo, multiplié par 7000, ce qui nous donne (attendez, je calcule), voilà, 350 millions d’euros. On dit merci qui ?

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Moralité : les cocaïnomanes n’ont aucun souci à se faire pour leur approvisionnement, malgré l’étourdissant coup de filet réussi par les douaniers anversois. Encore bravo, et merci.

Pour cacher une tonne, c'est fastidieux, mais ça crée de l'emploi.

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