Carpe Diem même en confinement

À table avec l'Ogre

Par | Journaliste |
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Il y a des jours où même l'Ogre a envie de ne pas faire la cuisine. Reportage photo © J. Rebuffat

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Il faut avoir avec la nourriture un rapport sain, c'est-à-dire manger ni trop ni trop peu, des produits de qualité et bien les préparer. La fermeture des restaurants – une véritable catastrophe pour les gourmands et les curieux ainsi que pour le secteur économique – a forcé beaucoup d'Européens à se rappeler qu'ils pouvaient faire la cuisine eux-mêmes. Très bien. Évidemment, certains restaurants (ils ne sont pas tellement nombreux, en réalité) ont organisé un service traiteur et de livraison à domicile. D'autres vous ont demandé de préréserver vos futures visites en payant des arrhes comme au bon vieux temps. Moi, vous me connaissez? La cuisine, je l'aime chez moi et chez les autres. Donc si ce n'est pas une corvée de nourrir ma couvée, un petit extra, de temps en temps, n'est pas le malvenu. Autant vous le dire, celui que je vous suggère ressort du spécial copinage. Vers le milieu des années 90, rue Royale à Bruxelles, tout près de la colonne du Congrès où le soldat inconnu sous sa flamme doit se sentir bien seul à l'heure où j'écris ces lignes et où l'on fête le 75ème anniversaire de la capitulation nazie, bref non loin du journal qui avait l'immense bonheur de me compter en ses rangs, s'est ouvert un faux café qui était un vrai restaurant. Le décor était celui d'un caboulot bruxellois banal, avec des chaises banales, des tables banales et un bar banal – au point qu'entre nous, nous l'avions surnommé l'Est-Allemand, c'est vous dire s'il paraissait gai de l'extérieur, le Petit Carme. Toutefois, il s'y trouvait deux choses intéressantes, une fresque coloniale gigantesque sur le mur de droite en entrant, d'une part, et de l'autre, celle qui finalement nous intéressait le plus, une assiette de qualité et pas chère du tout. Le patron, Didier, officiait seul dans une minuscule cuisine où chaque jour de la semaine, il mitonnait une demi-douzaine de plats, pas plus, écrits à la craie sur une ardoise (là c'était plus parisien qu'allemand), que l'on arrosait qui de bière (Didier était là aux aurores, des fonctionnaires des environs s'en jetaient déjà une derrière la cravate avant le bureau) qui d'une bouteille d'un vin de Loire délicieux et original. C'est bien simple, on se serait cru à la table des Tontons flingueurs: il y a de la pomme là-dedans. Eh oui, il arrive que les vignes des bords ligériens laissent parmi leurs arômes poindre celle du fruit cher à Jacques Chirac (lequel, de notoriété publique, préférait la bière au vin).

Mais si la nostalgie n'est plus ce qu'elle était, quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre voici quelques mois que le Didier en question, après avoir erré de ci de là, se décidait enfin à remettre ça sous la forme d'un traiteur qui, bonheur, n'est pas loin de mon castel ucclois! Carpe Diem, que cela s'appelle, et cela résume parfaitement la philosophie culinaire des lieux, fidèle à ce qu'elle fut voici vingt-cinq ans: des plats dont le prix descend le plus souvent sous les dix euros et que – luxe suprême, il livre lui-même à domicile les lundis et jeudis matin. Comme cette renaissance est évidemment marquée par la crise dont on a déjà parlé, eh bien moi c'est mon petit coup de pouce d'aujourd'hui à une profession désastrée, je vous file le tuyau, qui sera valable encore à la phase 6b du déconfinement, quand j'aurai eu l'occasion de visiter son magasin (aux heures d'ouverture assez maigres).

Voici quelques exemples des plats proposés (ils changent constamment, j'ai même eu récemment un cassoulet italien assez marrant)

Rognon de veau grillé petits légumes

Kefta d'agneau avec de la semoule façon libanaise

Lasagne au hachis et aux légumes et en tête, un boulet à la liégeoise pas mal réinterprété.

On remarquera la présentation, soignée et écologique. Cela vous arrive tiède, réchauffez doucement, misérables! Ou surgelez pour plus tard, c'est du frais, je vous dis.

Bref c'est bon. Pas de la gastronomie étincelante, de la cuisine digeste et bien faite, avec de temps à autre ce petit grain d'originalité qui fait sentir que le chef aime son métier et prendre des risques mesurés pour se déconfiner parfois du classicisme ambiant qu'il maîtrise parfaitement.

Bon appétit et large soif! (Il ne sert plus de bière pression avec ses plats.)

Carpe Diem, Dieweg, 6, à B-1180 Uccle (Calevoet)

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