À école de merde, avenir de merde

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Par | Journaliste |
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Des plus petits...

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«Vous ne voulez pas du progrès? Vous aurez les révolutions!». Ainsi parlait Victor Hugo en conclusion de son célèbre discours à l’Assemblée nationale lors du débat sur la loi Falloux régissant l’école.

Des millions de pages ont été noircies à propos de l’école, sans que le progrès ne se dessine réellement. Il faut dire que les débats s’articulent, en général, sur les aspects structurels ou organisationnels: les querelles de réseaux, les bâtiments, la remédiation, le redoublement, le financement, la carte scolaire en France ou le décret inscriptions en Belgique, l’admissibilité des signes distinctifs d’obédience religieuse, etc. On se flagelle ou s’esbaudit chaque année lors de la parution des résultats de l’étude PISA, censée dire quels sont les pays ou régions qui ont l’enseignement le plus performant. Selon les critères de l’OCDE, faut-il le préciser, dont le but n’est pas précisément l’épanouissement et l’autonomisation des enfants... Hélas, trois fois hélas, le débat vraiment intéressant reste pudiquement caché au fond d’un casier du préau dont on a perdu la clé. Lequel, dites-vous, haletant? Celui du projet pédagogique, celui des programmes, celui des objectifs poursuivis par l’enseignement.

Dynamiter les programmes

Les programmes que l’on propose à nos enfants aujourd’hui ne semblent évoluer qu’en fonction des demandes du «marché du travail». Comme si l’on pouvait prédire ce que sera ce marché quand les élèves sortiront de l’école... De qui se moque-t-on? Forme-t-on des citoyens ou des robots ?

On pourrait passer du temps à relever tout ce qui cloche dans l’enseignement actuel, où l’on s’obstine encore à enseigner l’histoire selon une vision politique (rois, présidents, empires, guerres) alors qu’une approche basée sur la culture et les idées, par exemple, donne une bien meilleure vision de l’évolution de la civilisation. En écoutant parler les jeunes et moins jeunes, on peut se demander dans quelle mesure le cours de français tel qu’il est enseigné ne constitue pas une énorme perte de temps. Les mathématiques ont leur utilité: elles permettent à des professeurs mal payés d’arrondir leurs fins de mois en donnant des cours particuliers à des élèves déboussolés par le décalage entre la matière du cours et l’usage auquel il est destiné dans la «vraie vie». Et le reste à l’avenant.

Or qu’en est-il de l’éducation à l’autonomie, à la réflexion, à la pensée, à l’audace, à l’histoire des grandes idées, à la philosophie, à l’art?

Qu’attend-on pour introduire un cours d’éducation aux médias, indispensable si l’on veut que nos enfants sachent repérer les sources fiables, décoder la désinformation, la propagande, la publicité, afin de développer l’esprit critique et l’analyse personnelle?

Qu’attend-on pour lancer un cours sur le développement soutenable (ou durable), expliquant l’importance de la complémentarité des trois piliers économique, environnemental et social pour que les élèves y puisent une nouvelle conception du sens de la vie sur terre et de la notion de bonheur?

Qu’attend-on pour enseigner les bases de l’économie, qui régit notre société de A à Z, afin de donner aux enfants des clés pour comprendre les enjeux qui les attendent?

Qu’attend-on pour éduquer à la chose politique, à la vie sexuelle et affective, à la philosophie, pour former des citoyens responsables de leurs actes, de leurs choix, respectueux des autres et d’eux-mêmes et accessibles aux notions et concepts qui sous-tendent la pensée humaine?

Qu’attend-on pour enseigner aux enfants que la nourriture est une composante à part entière de la culture et commencer par valoriser celle que l’on sert dans les cantines scolaires?

Qu’attend-on, enfin, pour supprimer les cotations et classements et mettre les élèves en situation de coopération plutôt que de concurrence ?

Petits soldats du salariat

Rien, ou pas grand-chose de tout cela ne figure dans les programmes de réforme actuels, ou alors, juste en évocation. En réalité, tout est fait comme s’il était voulu que les enfants restent cadrés dans un univers formaté où le savoir ne sert qu’à alimenter la machine à fabriquer des employés dociles. La citation d’Hugo ne fait que préfigurer ce que mettront plus tard en œuvre Ferrer, Montessori, Freinet et Decroly. Des visionnaires, que nos très conservateurs responsables de l’enseignement obligatoire ignorent superbement du haut du doctrinal «programme» traditionnel auquel ils s’accrochent comme des naufragés à un éclat de mât. Un fluctuat qui ne fait qu’anticiper l’inéluctable mergitur des générations futures face aux défis qui les attendent.

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