Lumières terrestres (16)

Du Lac Noir au Monténégro, nous voici à Berck en Côte d’Opale. La lumière qui baigne sur ses paysages de bord de mer et sa campagne intérieure a attiré à partir des années 1880 un grand nombre d'artistes. En février 1911, Édouard Lévêque, peintre touquettois, écrivain, botaniste, invente l'appellation «Côte d'Opale». Il nommait ainsi le littoral entre Le Crotoy et Équihen-Plage, en hommage à sa lumière si particulière et changeante. Des historiens de l'art parlent alors d'une «école de peinture de la Côte d'Opale». Jusqu'en 1914, des dizaines d'artistes venus du monde entier choisissent de s'installer dans cette ville côtière, formant une sorte de colonie d'artistes appelée «École des peintres d'Étaples» ou en anglais Etaples Art Colony. En mars 1900, la galerie Georges Petit inaugure à Paris la première exposition consacrée à cette école, regroupée sous le nom de «Société nouvelle des peintres et sculpteurs». Cette période sera l’âge d’or de l’art sous toutes ses formes jusqu’à l’aube de la seconde guerre mondiale, où, sous le régime de Vichy, toute la côte ainsi que tout le Nord de la France ont été en "zone rouge", autrement dit, rattachés au commandement militaire allemand de Bruxelles. Entre 1941 et 1943, l'organisation Todt fait installer des casemates d'artillerie, une batterie côtière au cap Griz-Nez, le point du littoral français le plus proche de l'Angleterre et en amont de la baie de la Slack, des écluses pour inonder la vallée afin d'éviter l'atterrissage d'avions alliés. Aujourd’hui, le port de Boulogne-sur-Mer est le premier port de pêche de France mais aussi un important port de commerce. Quant à Calais, qui occupe la place de premier port d'Europe pour les échanges avec la Grande-Bretagne, a apparemment bien anticipé les conséquences d’après le Brexit. Sur le plan environnemental, cette région touristique, souffre déjà de l’élévation du niveau de la mer, de l’urbanisation et de la fragmentation écologique par les routes, la pollution lumineuse, la pollution d'origine urbaine, routière, agricole, portuaire et industrielle conjuguent leurs effets dégradants pour les milieux. Or, la côte d'Opale est un corridor biologique de migration aviaire de première importance pour l'Europe et la zone paléarctique nord occidentale est couverte par l’accord international sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA). C’est pourquoi le conservatoire du littoral veille sur cette très belle Côte d'Opale dont la météo capricieuse en ce mois d’avril 2018 nous a offert des lumières indomptables qui m'ont contraint à les saisir à la volée, dans cette nature aux courbes sauvages. Sans compter sur Eole, parfois colérique, jouant avec les nuages pour faire de l'ombre au tableau.