USA-Russie : la guerre des propagandes

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Devant la Gare Centrale à Bruxelles, les appels à la paix ont retenti à nouveau. Photo © Gabrielle Lefèvre

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Une courageuse petite manifestation devant la Gare centrale à Bruxelles, ce samedi 5 février 2022, nous ramenait subitement dans le passé : depuis 1979 jusque fin de années 80, des foules innombrables (bien plus que pour le climat ou l’anti vaccination, nous étions près de 400.000 en 1983…) bloquaient tout le centre de Bruxelles. C’était l’époque de la guerre froide, des missiles qui s’échelonnaient aux Etats-Unis et sur les frontières européennes et soviétiques.

C’était le temps de notre jeunesse, celle de populations terrorisées par la menace de l’un ou l’autre fou furieux qui appuierait sur le bouton rouge, déclenchant le cataclysme qui pourrait détruire la terre entière. On avait déjà eu un petit aperçu de cette catastrophe avec le désastre causé par les deux bombes nucléaires made in USA lancées sur des populations japonaises et désarmées, à Hiroshima et Nagasaki. Un crime de guerre et un crime contre l’humanité jamais jugé, cela dit. Et jamais les Etats-Unis n’ont proféré la moindre repentance vis-à-vis des centaines de milliers de victimes survivantes et torturées par les radiations.

Mais les Etats-Unis sont classés parmi les champions de la propagande politique. Ils sont en effet bien entraînés grâce à des armées de publicitaires et de scientifiques qui ont accompli des progrès gigantesques en techniques de communication, de fabrication d’images et de sentiments qui modifient notre comportement afin d’acheter, assimiler sans cesse le rêve américain, le way of life américain. Un modèle basé sur la compétition et l’ultralibéralisme prédateur qui s’est mondialisé à l’insu de notre plein gré, entraînant l’Europe dans ce mirage liberticide.  

Un modèle qui a profité de l’image noire de l’URSS en période stalinienne de purges et de massacres de populations et d’opposants envoyés au goulag, pour imposer celle d’un « monde libre », colonisateur, prédateur au profit des Occidentaux seulement. Un « monde libre » qui s’est efforcer de minimiser l’absurde et terriblement meurtrière guerre contre le Vietnam, au nom de la lutte contre le communisme.

De la complicité entre Occidentaux, on en arrive aux périodes de grandes tensions entre Etats-Unis et Europe. Souvenez-vous, il y a peu, six ans à peine, nous nous mobilisions contre les traités transatlantiques qui allaient détruire petit à petit notre économie européenne basée sur des négociations entre travailleurs et patrons avec l’arbitrage de l’Etat, notre sécurité sociale basée sur la solidarité, sur la mutualisation de l’argent afin de secourir les plus démunis et leur conserver leur dignité d’êtres humains ; tous mécanismes contraires aux lois du marché à l’américaine où c’est la charité publique qui vient en aide aux déclassés, aux exclus du système. Voyez l’ère Trump et son obsession de détruire toute velléité de politique sociale.

Plus de 40 ans après la guerre froide, nous revoilà devant un nouveau jeu de dupes emmené par l’Otan dirigé par les Etats-Unis, contre la Russie de Poutine. Les dupés étant les Européens à qui les médias dominants et le personnel politique infligent une propagande basée sur l’ignorance de l’histoire réelle de nos relations avec la Russie. Pour connaître la réalité historique, lisez donc Le Monde Diplomatique daté de février 2022, un média crédible, libre de toutes pressions politiques car il appartient à ses lecteurs et à des journalistes fiers de leur indépendance.

On y explique clairement comment l’OTAN, au mépris de toutes les promesses faites lors de la fin de l’empire soviétique, a multiplié des bases et des missiles nucléaires à proximité de la frontière russe dans divers pays ex-soviétiques dont plusieurs sont devenus membres de l’Europe. Des membres qui se sentent plus américains qu’européens, cependant. Des pays où prospèrent une pensée d’extrême droite, un nationalisme excluant toute mixité de population et de religion, où la justice est mise sous tutelle du pouvoir exécutif, où les femmes perdent leur droit à disposer d’elles-mêmes, où les réfugiés des guerres américaines sont pourchassés au-delà de frontières hérissées de barbelés, gardées par des soldats et des miliciens lourdement armés.

Sous la pression des Etats-Unis qui veulent redessiner le monde à l’aune de leurs propres intérêts économiques et militaires, les Européens ont affaibli les relations économiques qu’ils avaient avec la Russie et notamment l’alliance énergétique essentielle pour notre alimentation en gaz naturel, indispensable actuellement dans le processus de notre transition vers des énergies plus durables.

En filigrane de l’affaire ukrainienne, il y a le jeu des Etats-Unis qui veulent couper l’Europe d’un de ses principaux fournisseurs énergétiques afin de nous vendre du gaz de schiste, véritable scandale environnemental et bien plus cher. D’où notre crise d’approvisionnement en gaz, en plein hiver.  Mais l’autre ambition, bien plus importante, consiste à remettre les Etats-Unis comme première puissance mondiale face à la Chine et à la Russie en même temps. L’Europe n’étant plus qu’un satellite des USA au lieu de devenir une quatrième puissance permettant d’équilibrer les tensions actuelles. Une ambition qui nous empêche d’imaginer un monde multipolaire avec l’arrivée de puissances africaine, latino-américaine, indienne… coexistant dans la paix des Nations Unies. Un espoir de paix sans cesse brisé par les Etats-Unis.

Qu’en est-il de la petite Belgique dans ce jeu de dupes ? Les Etats-Unis et l’OTAN nous obligent à acheter des avions de combat transporteurs de bombes nucléaires, les fameux F-35 déjà obsolètes et terriblement coûteux, et à augmenter notre budget de la Défense. Alors que nous avons désespérément besoin de cet argent pour les besoins sociaux de nos populations, surtout celles qui ont été meurtries par les dramatiques inondations de l’été dernier, premier signe des catastrophes qui nous attendent si on ne freine pas plus vite le changement climatique dû à nos activités polluantes.  

La seule dépense vraiment essentielle que nous devrions faire dans le cadre militaire, est la cyberdéfense. Là est le véritable avenir de notre capacité de défense. Une guerre conventionnelle avec les nouvelles armes nucléaires, chimiques et bactériologiques serait destructrice au-delà de ce qu’on peut imaginer.  Une cyberguerre peut mettre un pays à genoux sans verser une goutte de sang et tuer toute opposition en paralysant l’économie, les soins de santé, les transports, les échanges internationaux…

Voilà ce dont nous discutions lors de cette manif contre la guerre en Ukraine, contre les armes nucléaires, pour la paix… Nous étions peu nombreux mais porteurs de la mémoire des luttes passées.  

La pensée pacifiste n’est pas morte. Nos représentants politiques l’entendront-elle ?

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