Alleluia ! La COP28[1], qui s’est ouverte ce jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis sera, selon ses organisateurs, la plus importante depuis la COP21 de Paris, en 2015. C’est en tout cas ce qu’affirme le chef de l’agence ONU Climat, Simon Stiell[2]. Qu’est-ce à dire ?

Le bilan de la session parisienne hypermédiatisée de 2015 fut un accord ratifié par près de 200 pays, qui se sont engagés à faire une priorité de la réduction des combustibles fossiles afin de limiter le réchauffement à 1,5° par rapport au début de l’ère industrielle (1850). On est loin du compte : les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté chaque année depuis, alors que nous venons de connaître, en 2023, l’année la plus chaude depuis le début des mesures climatiques. Le temps est venu, plus que jamais, d’inciter encore davantage les pays à passer la vitesse supérieure sur la transition énergétique. L’outil de cet élan vertueux? La COP28.

Survie du vivant

La dernière COP en date, portant le N° 27, s’est déroulée l’an dernier à Charm el-Cheikh (Egypte), et prit des allures de marchands du temple. Pas moins de 630 lobbyistes pétroliers y avaient été accrédités, parmi lesquels une armada de commerciaux venus tapiner de plantureux contrats de gaz et d’or noir. Oui, c’est dingue mais ça existe : une méga réunion organisée pour réduire le recours aux énergies fossiles est squattée par ceux qui en font un juteux business. Voilà le monde dans lequel nous vivons. Un monde sans foi ni loi, où la parole d’une poignée de négationnistes a le même écho que les travaux de milliers de scientifiques. Et ce, alors qu’il est largement démontré qu’à la base, ceux qui nient la réalité du changement climatique et la nécessité de réduire les gaz à effet de serre pour la survie du vivant sur la planète, sont largement subventionnés par les compagnies pétrolières à coup de dizaines de millions de dollars.[3] & [4]

Désert vert

Pour marquer le coup après ce fiasco, les Nations Unies, qui parrainent la grand-messe COP, ont ourdi un plan imparable : organiser la 28e édition au cœur même du système qu’elle est censée combattre. Bienvenue aux Emirats, haut lieu de l’extraction pétrolière, et honneur à l’hôte de ces lieux : le Sultan Ahmed Al Jaber, ministre émirati de l’Industrie et patron de la toute-puissante compagnie pétrolière nationale Adnoc – la 16e plus grande du monde. Dubaï a dépensé sans compter pour accueillir la 28e conférence des Nations Unies sur le changement climatique, on se demande bien pourquoi. Même le pape va s'y coller! Ajoutons qu’Al Jaber, sultan du désert, n’est pas né de la dernière pluie : bien placé pour savoir que l’or noir n’est pas éternel, il est déjà à la tête d’une importante société d’énergies renouvelables, Madsar, qui construit depuis 15 ans une "ville verte" dans le désert émirati. Climatisée ? Pour le quotidien économique français «Les Echos», qui excelle dans la litote, «"Il y a des inquiétudes sur sa capacité à différencier les intérêts de la présidence (de la COP) de ceux d'Adnoc", explique Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat. Les accusations récentes de la BBC et du Center for Climate Reporting ne rassureront pas ceux qui crient au scandale - même si elles ont été démenties par ses porte-parole : Sultan Al Jaber aurait voulu profiter de rencontres avec des gouvernements étrangers organisées au nom de la COP28 pour engager des discussions d'affaires.[5]» Pas possible?

Allô, Greta ?

La coupe du monde de foot climatisée au Qatar (6000 morts), les Jeux Olympiques d’hiver sur neige artificielle en Arabie saoudite par 45° à l'ombre et ces braves autocrates en keffieh invités aux instances d’application des Droits humains : peut-on imaginer qu’au-delà de la simple corruption, il n’y ait pas, là derrière, des accords pour sécuriser l’approvisionnement en hydrocarbures pour les décennies à venir?

Les militants pour le climat, les citoyens conscientisés ne fût-ce qu’un peu, les politiques qui en ont fait leur cheval de bataille, les associations, ONG et autres stars de la cause (allô, Greta Thunberg, Jean-Marc Jancovici, John Kerry et tutti quanti ?) n’ont-ils pas le devoir d’imaginer une contre-COP citoyenne et de la lancer toutes affaires cessantes pour ramener le débat à ses véritables objectifs ? Les élus du Peuple sont-ils définitivement déconnectés de la réalité des faits, des constats pourtant irréfutables? La puissance des élites capitalistes et des multinationales sans morale est-elle telle que RIEN ne puisse entraver leur marche victorieuse vers la fin du vivant sur terre ? Beaucoup d’entre nous ne vivront pas assez longtemps pour le savoir. Puissent les jeunes générations trouver la force de défendre leur avenir sans transiger, sans se laisser corrompre, sans vendre leur âme à ceux qu’indiffèrent les misères du monde du moment qu’ils palpent leurs dividendes. Au diable les COP corrompues et polluantes. Place à Adenike Oladosu, Raeesah Noor-Mahomed, Gabriel Klaasen, Yero Sarr, Ahmed Elhadj Taieb, Remy Zahiga, Dixon Bahandagira, Winnie Cheche, Fatna Ikrame El Fanne, Evelyn Acham, Vanessa Nakate, Anisa Bek Derna, ces activistes africains qui subissent les aléas climatiques sans y avoir contribué.[6]

À elles, à eux et leur coupole Fridays for Future les clés des décisions à prendre pour un avenir décarboné. Leur avenir. Celui de nos enfants et de leurs enfants. Maintenant.

[1]COP : Conferences of the Parties

[2]En fait : Secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC)

[3]Lire à ce sujet : https://www.entreleslignes.be/humeurs/journaliste-punk/vert-j%E2%80%99esp%C3%A8re-mieux-je-veux

[4]Lire aussi ""Big Oil pas content", danshttps://www.entreleslignes.be/humeurs/journaliste-punk/climat-pauvres-de-nous

[5]https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/magnat-du-petrole-et-president-de-la-cop28-sultan-al-jaber-lhomme-aux-deux-visages-2038055

[6]https://www.greenpeace.org/africa/fr/les-blogs/49372/10-jeunes-activistes-africains-pour-le-climat-qui-changent-le-visage-de-la-planete/