Noyer l’poisson dans l’pétrole

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Un joyeux Noël en mer, avec son et lumières ? Non. Le champ pétrolifère de Bạch Hổ, au large du Viêtnam.
CC Domaine public/Wikipedia

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C’est un succès. Pensez donc : à la COP27, l’an dernier en Égypte, il n’y avait que 630 lobbyistes représentant les intérêts commerciaux des énergies fossiles, à se taper l’incruste auprès des congressistes venus débattre des solutions au réchauffement climatique, pour y conclure de juteux contrats pétroliers et gaziers. À la COP28 qui vient de prendre fin à Dubaï, aux émirats Arabes unis (EAU), ils étaient 2500 à profiter de l’aubaine. Ça vous a quand même une autre gueule, non ?

Enfoncés ces Égyptiens, même pas membres de l’Opep ! Une Opep qui, à Dubaï, a fait main basse sur les débats pour ne plus les lâcher. Pas question, par exemple, d’évoquer dans le document final les « énergies fossiles » surtout si c’est pour en réduire l’usage. Comme ces dernières comptent pour 80% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, on mesure facilement l’avancée éventuelle de cette COP vers une diminution du réchauffement climatique. Précisons quand même – soyons sport - qu’un accord a été signé par 116 pays afin de tripler les capacités d’énergies renouvelables dans le monde, à l'horizon 2030, mais sans toucher au précieux pétrole, au gaz même pas hilarant ni bien sûr au bon vieux charbon.

Mais attention : on n’en néglige pas les GES pour autant ! Les pays producteurs et consommateurs ont la solution : ces GES, on va les enterrer. Comme ça, ils n’iront plus ni polluer ni réchauffer notre atmosphère. Suffisait d’y penser. Et promis juré : jamais ils ne s’échapperont de leur prison souterraine, comme un vulgaire volcan, non non[1]. Continuez à pétroler bonnes gens, la science s’occupe de tout. N’est-ce pas merveilleux ? On va vers des lendemains fossiles qui chantent, et qu’on ne vienne plus nous emmerder avec l’objectif des fameux 1,5% d’augmentation de la température terrestre à ne surtout pas dépasser, sous peine de catastrophe climatique.

Catas à gogo

Je vous le dis mais surtout, ne le répétez à personne : les 1,5%, c’est déjà de l’histoire ancienne mais le Sultan Al Jaber, hôte de la COP 28, s’est bien gardé de vous faire savoir que la réalité se situe plutôt vers les 2°, voire même les 3° à la fin du siècle. Autant dire que quelques beaux désastres climatiques se profilent à l’horizon, pour le plus grand bonheur de nos enfants. Qui ose le leur dire ? Greta ? Oui, si elle n’est pas réduite au silence d’ici-là. Mais, demandez-vous, on peut quand même espérer un sursaut lors des prochaines COP ? Ce sont les Nations Unies, quand même ! Alors, quelles sont les perspectives offertes par l’agence de l’ONU pour le climat ? Respirez un bon coup (tant que vous le pouvez) : la COP 29, en 2024, a déjà choisi son petit cocon : ce sera l’Azerbaïdjan, une sympathique démocratie dont l’activité liée aux hydrocarbures représente 36% du PIB et 90 % des recettes d’exportation. Joie dans les foyers !

Cette captation de l’avenir de la vie sur terre par les producteurs d’or noir ne saurait durer. En 2025, la COP 30 va sûrement s’exporter dans un pays qui lutte vraiment contre le réchauffement climatique ; les Îles Marshall, par exemple, jadis théâtre d’essais nucléaires américains, dont la montée du niveau des mers s’apprête à engloutir les terres sans rémission. Elles partagent cet avenir funeste avec d’autres territoires dont les noms font rêver comme les Maldives, si prisées des riches vacanciers[2], et les archipels de Tuvalu, de Nauru, de Tokelau et de Kiribati. Ce dernier, trop souvent envahi par l’eau salée et ne pouvant plus rien produire de végétal sur un tel sol, a déjà acheté des terres arables aux Fidji voisines pour nourrir sa population[3].

Mais oui mais non

Parenthèse sur le cas des îles Marshall, menacées de disparition à relativement court terme : le principal revenu de cet archipel est le pavillon dit « de complaisance » accordé à des milliers de navires de commerce[4], ces derniers constituant l’une des principales sources mondiales de pollution de l’air et d’émission de GES. Le pays contribue donc à sa propre destruction contre laquelle il lutte activement. On marche sur la tête, je vous dis !

Revenons à nos COP. Après cette trilogie de conférences internationales fortement imbibées de pétrole et sentant le gaz à plein nez, on s’attend logiquement à ce que la COP 30 soit organisée dans un pays bien positionné dans la lutte contre le changement climatique. Bingo ! Les Émirats n’ont laissé à personne le soin de décider où les prochaines COP se dérouleront. Après l’Azerbaïdjan, ce sera… le Brésil ! Un Brésil où le pétrole représente 11 % des exportations, pour une valeur de quelque 24 milliards de dollars. Gageons que ce bon Lula sacrifiera cette ressource sur l’autel de la lutte contre le réchauffement ? Les paris sont tout verts…


[1] https://www.ouest-france.fr/environnement/cop21/la-capture-et-l-enfouissement-du-carbone-fausse-solution-selon-l-ecologiste-marie-toussaint-ed93b6aa-6104-11ed-9269-b91b4bfaa036

[2] Ceux que la charia ne dérange pas…

[3] https://www.lemonde.fr/planete/article/2014/06/14/face-a-l-elevation-du-pacifique-kiribati-achete-20km2-de-terre-refuge-aux-fidji_4438266_3244.html

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[4] Les îles Marshall sont le second État pavillon du monde en termes de tonnage, et le deuxième en termes d’unités, avec 3244 navires (chiffres de 2017).

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