Sillages sonores de "Macadam Virages" au Mac's

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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Gauthier souffle dans son harmonica et Denis Gielen garde une trace de ce moment intense des 20 ans du Mac's et de l'exposition Les Fabriques du Rêve et leur usage", réalisée par Laurent Busine. Photos © Marcel Leroy

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Avec Michel on parle de voyager au Mexique quand des sons étranges émis par une tôle pendue à une arcade d'une grande salle du Mac's nous font comprendre que l'étrange errance à laquelle nous convient Gauthier Leroy et Frédéric Le Junter commence sans crier gare. Les gens se rassemblent autour des artistes vêtus de costumes marbrés comme de la boue sur la neige et l'histoire commence. Le titre de cette escapade dans un univers parallèle nourri des mille réminescences de tant de souvenirs mêlés, de fragments de films, de vinyles patinés, du vent sur l'écume des jours, des sirènes des usines dans les nuits, de cargos en partance et de motos en vrille, annoncent la couleur de "Macadam Virages".

 

"Macadam" parce que l'asphalte grumeleux fait chanter la gomme des pneus sur les routes quand passent les coureurs du Tour de France?" Et Virages" parce que la ligne droite se perd quelque part alors que les lacets font monter le taux d'adrénaline? Pensez comme vous voudrez mais si vous étiez là, adossé à une paroi de la vaste salle, regard fixé sur les deux types tout entier emportés par leur récit, vous  interrogeriez ces formes muiltiples en vous disant que l'expérience, en ce lieu, en cette soirée du 17 février 2023, serait difficile à raconter en raison de ses variations d'aurore boréale, on chercherait à dire qu'il y avait des lumières, un grand paysage, des mouvements et ces sons venus d'on ne sait où, étranges mais familiers, pourtant. Un permis d'échapper un moment au chaos du monde et pourtant la musique de ce soir en charrie les échos...

Gauthier Leroy, plasticien, serre son harmonica entre ses mains comme un trésor, à la fin de ce set d'une heure qui file en une seconde hyper-dense. Frédéric Le Junter, musicien, est aussi poète, chanteur, sculpteur, mécano. Tous deux viennent du Nord-Pas-de-Calais. Gauthier de la région de Valenciennes et Frédéric de Dunkerque. En duo, ils poussent leur recherche de toutes leurs forces vers quelque chose d'indéfinissable. Entre la danse, la musique, la comédie, le récit de voyage, la sculpture, le sacré, la joie et le sentiment fort d'une quête d'humanité, le tout emballé d'un humour communicatif.

Vous voyez un peu plus clair? Sur le sol, des dizaines d'instruments tracent comme un jeu de piste menant à la scène. Les concertistes commencent par une sorte de mélopée tirée de tas de bruits additionnés, émis par des machines ou mieux,des sculptures en mouvements. Gauthier gratte un sorte de fragment de tapis avec une râpe douce et un micro dilate le son feutré qui fait penser à des pas dans une ruelle. Frédéric passe la main sur une tôle et s'étirent des chocs au ralenti qui semblent remonter des profondeurs de nos pensées.    

Alors qu'ils exécutent une chorégraphie d'installation en installation, on scrute des casseroles sur lesquelles ils frappent des coups de fourchette. Un bol tombe sur le sol. Bruit sec. Des ailettes tournent comme un moulin pour faire cliqueter des crécelles reliées à des amplis. Ceci juste pour tenter de dire la technique mise en oeuvre. Le Junter bosse jour et nuit dans un hangar pour construire ses machines. Avec Gauthier ils pensent tout haut sans se lasser jamais et se mettent au boulot pour matéraliser avec leurs mécanos une rêverie nomade. De ces engins qui ne valent plus rien - ressorts, tuyaux, baguettes de bois, sabots, chaînes, boulons, ventilateurs -, ils usent pour courir aux trousses des images qu'ils ont en tête. Le public, lui, retient son souffle.

Au bout de la balade, sur la scène, Gauthier dessine avec  son harmonica et Frédéric dompte une guitare bricolée qui hulule comme le blizzard. D'une voix grave, dans le maelstroëm sonore, il ajuste les sonorités "macadam" et "virages", précipite des poussières de hauts fourneaux dans le ciel étoilé, lance des bateaux sur les fleuves, fait valser des images de blues, d'errance, de dérive. Reste, entêtante,  cette mélopée qui tient de la rumeur des hautes villes et du no man's land de nos espérances de clarté après le long hiver. 

 

-Le 10 mars à 20h, prochain événement des 20 ans: conférence de Georges Didi-Huberman, sur le thème "Eros, aura, regard". 

www.mac-s.be

  

 

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Pour Gauthier Leroy et Frédéric Le Junter, aux confins de la musique, de la sculpture, de la danse, le concert vécu au Grand-Hornu concrétise une quête de rêve partagé (Photo Marcel Leroy)

Les instruments de musique, il les inventent au détour du quotidien, avec des pièces hétéroclites et une imagination nourrie de longues dérives et tramée par une aptitude à la mécanique, à l'électronique, au bricolage et une irrésistible attirance pour les chemins de traverse.(Photo Marcel Leroy)

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