Sécurité armée

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Ils étaient plus de 2000 à manifester dans les rues de Bruxelles aux cris de "A bas le régime fasciste en Turquie", "Erdogan dictateur". Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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Le paquebot de la démocratie tangue et vire dangereusement à droite. L’équipage largue le ballast de nos valeurs pour privilégier une douteuse sécurité.

Les nouvelles se bousculent sur les écrans, les journaux, sur les réseaux sociaux : des enfants, des familles entières sont écrasées sous les bombes à Alep, comme ce fut déjà trois fois le cas à Gaza en Palestine occupée (en 2008-2009, 2012, 2014). Pourquoi les forces syriennes et russes feraient-elles autrement que ce qui a été toléré pour Israël, jamais puni pour ces violations de toutes les conventions internationales les plus sacrées et qui engagent les Etats signataires ?

Pire, cette puissance occupante et coupable de multiples crimes contre l’humanité devient le modèle sécuritaire vers qui se précipitent nos ministres européens chargés du contre –« terrorisme » et de la « sécurité » des populations. Bien entendu, aucune de ces éminentes personnes ne relève que ces techniques si perfectionnées de profilage, de surveillance, de détection, d’analyse des données ont été affinées grâce à la guerre perpétuelle que mènent des gouvernements israéliens successifs contre les résistants (évidemment qualifiés « terroristes ») palestiniens à une occupation illégale. Israël est devenu un des meilleurs vendeurs d’armes au monde, armes tellement efficaces puisqu’elles ont été testées sur une population palestinienne sans défense, ainsi que s’en vantent les marchands d’armes.

Voir à ce sujet : http://www.egaliteetreconciliation.fr/The-Lab-un-documentaire-edifiant-sur-le-marche-de-l-armement-israelien-39783.html

Militarisation des frontières

« Israël, le deuxième budget militaire de la région (Moyen-Orient) et 15e au monde, a vu ses dépenses diminuer de 3,3% à 16 milliards USD. L’aide militaire américaine à Israël s’élève actuellement à environ 3,1 milliards USD par an et est prévue d’augmenter à 3,8 milliards USD par an sur la période 2019-2028. », selon le Compendium 2016 du GRIP «  Dépenses militaires, production et transferts d’armes », signé Luc Mampaey et Christophe Stiernon, qui vient d’être publié ( http://www.grip.org/fr/node/2126 ).

Les auteurs notent en outre que les producteurs d’armes militaires se tournent vers le marché juteux du sécuritaire puisque les guerres contre des militaires se font de plus en plus contre des civils.

Ils constatent que les firmes qualifiées de « leaders du secteur » s’implantent solidement « sur les nouveaux marchés ouverts par les enjeux de sécurité nationale tels que la cybersécurité, la protection des infrastructures stratégiques, la sécurisation des flux industriels ou encore la surveillance des frontières, un domaine sur la voie d’une réelle « militarisation » impliquant notamment le recours à des drones d’origine militaire. »

Et l’on sait à quel point les frontières sont redevenues vitales aux yeux des gouvernements les plus de droite en Europe notamment (sans parler des projets insensés du nouveau président américain concernant la frontière avec le Mexique). Une politique sécuritaire et une communication de masse visent à diaboliser les migrants, les réfugiés politiques, les nomadismes forcés ou non par les guerres et les terrifiantes inégalités socio-économiques. Au nom de la lutte anti-terroriste, nos gouvernements s’arment, parfois en achetant les armes chez ceux qui sont en partie la cause des conflits (comme Israël et les Etats-Unis) ou en vendant des armes à ceux qui perpétuent des crimes de guerre comme l’Arabie Saoudite au Yémen et qui aident les terroristes de l’Etat islamique au nom de la défense du sunnisme contre le chiisme… Cette Arabie saoudite qui a largement financé le réseau de mosquées et de prédicateurs salafistes, ceux-là même qui ont endoctriné une partie de notre jeunesse pour la jeter dans le combat suicidaire de Daesh.

L’industrie des armes se réjouit

L’Union européenne a complètement failli à ses devoirs de sauvegarde des valeurs des droits humains. Les auteurs du Compendium soulignent : « Le programme « Horizon 2020 » pour la recherche et l’innovation de l’Union européenne prévoit en effet, sur un budget total de 77,6 milliards d’euros destinés à la recherche non nucléaire, une enveloppe de 3,8 milliards d’euros pour le domaine de la « sécurité » sous le titre «secure societies ».

Dans ce contexte, les industries de l’armement se frottent les mains ! Leur cynisme n’a pas de bornes, ainsi que le prouve cet extrait du Compendium : « Énumérant les principaux conflits et menaces – tensions en mers de Chine du Sud et de l’Est, Corée du Nord, Ukraine et Russie, l’État islamique et Moyen-Orient, ainsi que les attaques terroristes à Paris (le rapport est antérieur à ceux de Bruxelles) – les analystes de Deloitte notent que « pour les entreprises de la défense, ceci représente une opportunité de vendre plus d’équipement et de systèmes d’armes » et que, par conséquent, « un retour à la croissance » est à anticiper » (Deloitte, 2016 Global aerospace and defense sector outlook – Poised for a rebound, janvier 2016, p. 11.)

Deloitte est une firme de consultance qu’aiment beaucoup certains de nos ministres et qui est très influente au niveau européen, ainsi qu’elle l’écrit sur son site :

https://www2.deloitte.com/be/en/pages/risk/articles/2016-european-funding-cyber-security.html

“Since years, Deloitte is at the core of the European cyber security policy developments and preparatory activities, actively assisting the community of national and governmental cyber security stakeholders, the European Commission and the European Union Agency for Network and Information Security (ENISA)”

La tragédie turque

Nous voilà bien protégés… Même si le droit international est violé et surtout, l’éthique des relations internationales. Mais que signifie encore ce mot, éthique, à la lumière des événements tragiques qui se succèdent en Turquie ? Des dizaines de milliers d’enseignants, de journalistes, de fonctionnaires, d’écrivains, de militaires arrêtés et emprisonnés sans la moindre justification plausible. Un pays bâillonné, muselé, où règne la terreur comme au temps de Staline ou de la révolution culturelle chinoise. Et cela à nos portes européennes. Un  dictateur s’est installé, profitant du chaos syrien et irakien et de la politique lâche de l’Union européenne qui ne veut pas voir venir sur son sol les réfugiés de ces guerres terribles. Le président Erdogan est protégé par nos leaders européens (et surtout ceux de la droite extrême comme Viktor Orban en Hongrie) et payé par eux pour éviter l’afflux de ces familles désespérées sur notre sol.

Ce même président en profite pour reprendre la guerre contre la population kurde dont il veut mater dans le sang les velléités indépendantistes. Alors même que les combattants kurdes sont les plus courageux dans la lutte armée contre Daesch en Syrie et en Irak. Aidés en cela par les Etats-Unis, les Kurdes devenaient dangereux pour l’autoritaire président turc qui s’est rapproché à la fois de la Russie et … d’Israël qui disposeent d’une représentation à l’OTAN dont la Turquie est membre. L’enjeu commun à ces deux pays que tout devrait diviser : l’exploitation de gigantesques réserves de gaz naturel en Méditerranée orientale.

Jeudi, quelques centaines de Kurdes, mais aussi des Alévis, des Arméniens, des Assyriens  manifestaient dans les rues de Bruxelles afin de rappeler les Européens à leur devoir de défendre les droits humains et les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes.

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Pendant ce temps, des dizaines de Turcs fuyant la répression, se réfugient en Belgique et demandent l’asile politique. Nul doute qu’ils seront qualifiés de « terroristes » par le président Erdogan. On espère que la Belgique les accueillera dans le respect du droit international et du droit humanitaire. A moins que notre système sécuritaire "made in Tel Aviv" ne les repousse hors frontières !

Le choix du rond-point Schuman où s'est terminé la manifestation a été choisi pour dénoncer "l'attitude faible et peureuse des États membres face à Erdogan" Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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