« Quand la mer monte » …

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Samedi 8 août

 La vie politique italienne devrait bientôt être dispensée de Matteo Salvini. Ce diable de Zorro en carton-pâte a dissous la Ligue du Nord pour la remplacer par un nouveau parti, la Lega per Salvini Premier. Même Bolsonaro, Erdogan ou Poutine n’auraient pas osé. Disons plutôt qu’ils n’auraient pas voulu. La mégalomanie n’est pas une caractéristique propice à l’affichage en autocélébration. Salvini va l’apprendre à ses dépens.   

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 Un conseil de Julien Gracq : « Pourquoi proscrirais-je les répétitions de mots puisque c’est la contorsion de la périphrase destinée à les éviter qui m’est à moi désagréable ? Vous voulez dire ‘Il pleut’ ? Dites ‘Il pleut’, même pour une seconde averse. » Combien de correcteurs de dissertations seraient-ils en désaccord avec cet avis s’ils ne savent pas que c’est celui du maître ?

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 Brigitte Bardot énonce ses dernières volontés : que ses animaux soient bien soignés (beaucoup de précisions pour chacune des espèces à protéger), que La Madrague devienne un musée ; mais d’abord, que les funérailles soient organisées dans l’intimité pour surtout ne pas être suivie « par une foule de connards ». Ceux-ci ont tous compris. Enfin… On verra le jour venu…

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 En Europe et aux États-Unis, le taux d’incidence de la maladie d’Alzheimer a chuté de 13 % au cours de cette dernière décennie. Pourquoi ? On ne sait pas.

Dimanche 9 août

La canicule plombe l’Europe et pousse les amateurs de bains en mer à se ficher des règles sanitaires. Hier, les caméras qui montraient les derniers kilomètres de Milan-San Remo offraient au regard des images de la magnifique Riviera bondée. Les plages françaises et espagnoles présentent le même spectacle, tout comme en Allemagne et au sud du Royaume-Uni. Partout, les consignes sont répétées, surveillées, rappelées tandis que les sanctions demeurent mesurées. Le littoral belge est quant à lui en état de siège. On a l’impression qu’un cordon de gendarmerie s’est étalé d’un bout à l’autre des digues. Hier, à Blankenberge, une immense bagarre a éclaté dans le sable au départ d’un groupe dont la couleur de peau n’était pas due qu’au bronzage. La bourgmestre (parti nationaliste flamand) a d’abord expliqué que le problème, c’était la marée haute. Quand celle-ci se produisait, la plage rétrécissait et les distances physiques ne pouvaient plus être respectées. Ensuite, elle demanda de supprimer ce dimanche les trains en provenance de Bruxelles. Comme ces souhaits-là ne semblaient pas trouver d’écho, elle a décidé d’interdire le tourisme d’un jour. Seules seront admises aujourd’hui les personnes désirant rester plusieurs jours dans la station. Aux dernières nouvelles, la Première ministre n’a toujours pas décidé de supprimer la marée haute.  

 Le bourgmestre de Knokke-Le Zoute , la station des rupins, a embrayé. Le tourisme d’un jour est interdit dans sa ville.

 Ainsi, en constatant les similitudes entre les plages populaires et les plages des gens aisés, on découvre la caractéristique inévitable qui revêtira les conséquences et les atteintes collatérales du Covid quand disparaîtront les beaux jours : un accroissement des différences communautaires et un renforcement des inégalités sociales.

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On ne sait pas. Le conditionnel règne toujours sur les informations quotidiennes. Pire : le « si… » a de plus en plus laissé la place au « Peut-être… » Est-ce là le devoir d’informer ? En mal de copies ou de sujets, le JDD utilise à son tour l’agaçante ficelle :

  • Svetlana Tikhanovskaïa, la concurrente biélorusse de Loukachenko, n’aurait pas recouvré son appartement hier soir. On ne sait pas où elle est. Serait-elle arrêtée par la police du dictateur ?
  • Le roi Juan Carlos est en exil. On ne sait pas si la reine Sophie le rejoindra ou si elle préfèrera rester à Madrid auprès de son fils et de sa famille.
  • Il est prévu qu’Hafez al-Assad, fils de Bachar, lui succède en 2035 (Est-il possible de traiter d’une information plus dépendante du « peut-être ?... ») . Élevé dans une école Montessori de la banlieue de Damas, il étudia ensuite à Hong Kong en 2016 et à Rio en 2017 avant la Roumanie où il fut classé 486e sur 615. C’est probablement à cause de ses piètres résultats que ses parents hésitèrent à l’inscrire dans le prestigieux institut suisse Le Rosey, qui n’héberge que des enfants de famille très riche, et en capacité de s’élever dans la hiérarchie des personnes éclairées. Bah ! Pour gouverner en 2035, il lui faudra seulement être en parfaite harmonie avec le chef des armées, connaître les derniers rudiments de la torture, et être bien à l’aise quant à la pratique de la corruption. 

*

 On trouve quand même (encore) des informations utiles dans le JDD. Ainsi, ce tableau des féminicides en Turquie depuis dix ans, dont la courbe ressemble à celle du Covid au mois de mars.

Lundi 10 août  

 C’est parti ! En Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern a lancé sa campagne. Les sondages lui sont très favorables. Son adversaire principale est Judith Collins, du parti national conservateur. Encore un endroit où ceux qui ne perçoivent plus de différence entre la droite et la gauche seront démentis.

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 Lorsqu’un dictateur participe à une élection présidentielle, il doit obtenir au minimum 96 à 97 %. Parce qu’il est dictateur. Hier, Loukachenko a tout juste franchi la barre des 80 % pour accomplir un 6e mandat en tant que président de Biélorussie. C’est un score beaucoup trop faible. Parce qu’il est dictateur, et que tous les assesseurs des bureaux de vote et l’immense majorité des dépouilleurs lui sont dévoués. La suite de l’histoire de ce 6e mandat s’écrira dans les rues de Minsk.

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 Encore un centenaire oublié : celui de Daniel Cordier, collectionneur et marchand d’art, mais surtout secrétaire de Jean Moulin, à l’influence duquel il passa de la droite à la gauche, contrairement à tant d’autres carriéristes.

… Et un autre, celui du Traité de Sèvres, un oubli que l’on aurait pu admettre puisqu’il ne fut jamais ratifié par Mustafa Kemal, occupé à détrôner Mehmed VI, mais qui résonne dans l’actualité puisque, régissant l’avenir de certains territoires de l’empire ottoman déchiré, il précisa notamment que la Société des Nations (SDN) mandatait la France de « moderniser et développer » le Liban.

Mardi 11 août

Svetlana Tikhanovskaïa, l‘opposante qui défia Loukachenko, a fui la Biélorussie pour se réfugier en Lituanie. Ce sont les termes du communiqué diffusé par le ministre lituanien des Affaires étrangères qui ajoute, se voulant rassurant, qu’elle est « en sécurité ». Aurait-elle donc été menacée ? Cette petite déstabilisation du pouvoir biélorusse n’est pas pour déplaire à Vladimir Poutine. Mais si on le voit souriant, ce n’est pas en pensant à son voisin ; c’est pour annoncer que la Russie a créé un vaccin anti-Covid. S’il dit vrai, on comprend que ça puisse le réjouir…

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 Le pâle rédacteur en chef du journal Le Soir aura dû constater que des informations bâties sur le constat « On ne sait pas » n’honoraient pas son statut. Il a choisi, 7 mois jour pour jour après l’annonce par la Chine de l’existence d’un virus inconnu, de relater par jalons l’évolution du monde et surtout les changements survenus pendant un semestre bizarre, chargé d’inquiétudes. Tableau chronologique à l’appui, le journal offre, en ses six premières pages, des repères que la mémoire pourrait déjà délaisser : les camions militaires italiens transformés en corbillards afin de transporter les cercueils à Bergame ; les célèbres places publiques totalement désertes (Bruxelles, Paris, Venise…) ; la querelle des masques ; les chiffres et leurs courbes ; le club des grandes gueules, arroseurs arrosés (Bolsonaro, Johnson, Trump….) ; les vraies suppositions et les faux conflits (Chine-États-Unis) ; les sommes astronomiques dégagées ça et là, et en particulier à l’échelle européenne, etc. Autant de thèmes qui deviendront chapitres en fin d’année, lorsque sera venue l’heure de la rétrospective.

Mercredi 12 août

(François Hollande a 66 ans. Á cet âge-là, de Gaulle était toujours occupé à traverser le désert tandis que Mitterrand n’était encore qu’au début de son premier septennat)

 

 Il l’a choisie ! Joe Biden a pris son temps pour désigner sa potentielle vice-présidente. Ce sera Kamala Harris, sénatrice de Californie, ancienne procureure, autrefois haute fonctionnaire de qualité reconnue comme telle. Les médias saluent cette décision. Le New York Times et le Washington Post utilisent carrément les mêmes adjectifs : « énergique », « historique », « sûre ». Pour l’heure, la seule réaction vraiment négative est celle de Trump, relayée par la chaîne qui le soutient. Ce serait, souligne-t-on, la première fois qu’une femme accéderait à la vice-présidence. Elle est d’origine africaine. Des commentateurs osent aller plus loin : Biden aura 78 ans lorsqu’il prêtera serment, s’il est élu. Sa santé pourrait le lâcher en cours de mandat et l’heure de Kamala pourrait sonner… Sans envisager un problème vital pour Biden, on peut simplement noter qu’il ne s’engage que pour un mandat et que donc, dans cinq ans, sa succession sera ouverte… Dans ces cas-là, la personne qui occupe la vice-présidence acquiert un statut de favorite si le quinquennat fut apprécié… Á la fin du quinquennat, Kamala aura 60 ans…

 Bon.

 Mais d’abord, l’impératif est de battre Trump.

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 La Manche et la Mer du Nord forment le couloir maritime le plus fréquenté du monde. De plus en plus de migrants parviennent à l’emprunter sur des embarcations de fortune et atteignent les côtes anglaises. Boris Johnson en est fort irrité. Il envisage de rendre la Manche « impraticable » Qu’est-ce que cela veut dire ? Peut-être voudrait-il l’assécher…

Jeudi 13 août   

 Le vaccin baptisé Spoutnik V divulgué par Vladimir Poutine est-il vraiment efficace ? Les lobbys pharmaceutiques occidentaux se comportent envers l’annonce comme hier face au docteur Raoult. La presse occidentale est quasiment muette eu égard à une information qui devrait revêtir un caractère crucial… Grâce à Courrier international, on a connaissance d’un commentaire issu du journal économique russe Vedomosto. Créé en 1999, né d’une collaboration avec le Financial Times et le Wall Street Journal, cet organe se veut, autant que faire se peut, critique à l’égard du pouvoir. D’après Vedomosto, 2000 personnes, essentiellement des militaires, ont été vaccinées hier, après un test concluant qui avait été réalisé sur 76 volontaires. Si les essais sont positifs, tous les citoyens russes qui le souhaiteront pourront se faire vacciner gratuitement. Les commandes affluent. La déclaration de Poutine ne peut pas être une annonce de charlatan ; cela le ridiculiserait. Elle aura en tout cas eu le mérite d’accélérer encore la course aux remèdes. On apprend que la Chine est occupée à tester un vaccin en Indonésie, qu’un laboratoire suédois et un autre, du Royaume-Uni, ont déjà franchi la phase II du processus de recherche. Et l’Europe ? Il serait désolant qu’elle soit à la traîne dans cette poursuite-là…

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 Le choix des sujets à traiter est rude, dans les rédactions. Spoutnik V. est certes important mais Michelle Obama décrit et commente sa propre expérience de la ménopause. Comme le faisait remarquer Balzac aux journalistes : « Choisir, c’est l’éclair de l’intelligence. » 

Vendredi 14 août

 L’inoxydable Netanyahou réussit un coup historique en nouant des relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis. Jusqu’à présent, seules la Jordanie et l’Égypte entretenaient des contacts officiels avec Israël. Á première vue, on ne peut que se réjouir de constater de nouvelles avancées vers la paix. En fait, cette manœuvre occulte encore un peu plus le problème palestinien qui apparaît désormais secondaire aux yeux de certains pays arabes. Ce nouveau traité sera signé dans trois semaines à la Maison Blanche. Trump va sûrement le médiatiser à outrance. Pas sûr que son électorat y sera sensible. Quant à Netanyahou, il peut renoncer à l’engagement délicat d’envahir la Cisjordanie qu’il avait inclus dans son programme électoral, cet abandon étant une des conditions de l’accord.

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 L’économie britannique s’effondre. Le Produit intérieur brut (PIB) a perdu 22 % de sa valeur et en cinq mois, on compte 700.000 chômeurs de plus. Est-ce dû au virus, au Brexit ou à la manière de gouverner de Boris Johnson ? Un peu des trois mon général !

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 C’est sur les photos où il prend la pose du penseur que Trump paraît le plus bête.

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- "Quand la mer monte": https://www.youtube.com/watch?v=QK0Uczvxzyc

 

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