Le parti gagnant de Mohamed

Humeurs d'un alterpubliciste

Par | Penseur libre |
le

Le combat Élite Pros en moins de 64kg entre Mohamed El Marcouchi (Marco) et Olah Pal. Marco sera déclaré vainqueur à la troisième reprise. Reportage photographique © Jean-Frédéric Hanssens

commentaires 0 Partager
Lecture 7 min.

Il est marocain. Il est musulman. Il était gamin de rue à Molenbeek où il traînait sur un fil avec la possibilité de tomber du mauvais côté. Il a choisi l’autre.
À l’époque, il dit de lui qu’il était « bagarreur mais timide». Fallait pas le chercher, quoi. À 16 ans il rencontre un coach dans une salle qui lui donne des gants et le fait taper sur un sac  de frappe. Il cogne bien, le coach le fait monter sur le ring. Il ne le quittera plus. Depuis, la boxe c’est sa vie. Aujourd’hui, il est 40éme boxeur mondial super-léger, Champion d’Afrique depuis le 8 avril 2017 et il s’entraîne pour gagner le championnat du monde, le 17 novembre 2018, au Heysel.

Gagner, ça le botte. Depuis qu’il est passé pro, il y a eu 21 combats et 20 victoires. Il a 29 ans et deux enfants et une jeune femme qui ne veut pas qu’il arrête si près du but. Il a essayé de rouler sa bosse dans l’Eldorado de la Boxe: les États-Unis. Il y restera quatre ans sous contrat. Il en est revenu.
« L’Amérique c’est comme l’Afrique », nous dit-il, « si t’as du fric, t’as pas de problème, si t’en as pas, t’es dans la merde » et il nous raconte ce qu’a coûté l’hospitalisation de son jeune fils et ce qu’il a enduré pour ne pas se faire traiter d’ossama. Aujourd’hui, il est chez nous et se sent chez lui. Son sport l’a fait grandir et à son tour, il veut faire grandir d’autres jeunes.

Ce samedi 28 avril, le musée d'Ixelles (fermé pour travaux jusqu'en 2021) accueillait un évènement assez inhabituel dans ses locaux : "The night of the untouchableboxe" (1). Pour l'occasion, un ring de boxe --celui qui a quand même accueilli  Mohammed Ali il y a 30 ans-- ,entouré d'un jury et de chaises occupées par des supporters joyeux  et bruyants  trônait au milieu de cette belle salle habituellement décorée d'œuvres d'art. Insolite ! Mais quelle ambiance. Un public diversifié, hommes, femmes de toutes nationalités, jeunes et moins jeunes (comme nous) réunis pour un même spectacle dans une atmosphère bon enfant.

Vers 21h30, arrivée de Mohammed Marco El Marcouchi, notre star en question, qui nous a expliqué son parcours deux jours auparavant devant une salade de tomates (régime strict avant le combat, pas question de prendre un gramme).

En apparence serein, il nous salue avec  sa gentillesse naturelle et son sourire chaleureux.
Nous le suivons dans les vestiaires pour prendre la température avant de monter sur le ring. Tandis que les coachs préparent mentalement les boxeurs, les soigneurs les préparent physiquement : massage des doigts, protection des mains et du visage etc....
La tension de nos sportifs est palpable avant les combats : certains sont extérieurement d'un calme olympien, d'autres stressent et se défoulent en boxant dans les murs.
Retour dans la salle. Après les démos et les combats amateur dont deux combats féminins, eh oui, même si la boxe est un sport considéré comme essentiellement masculin, les femmes commencent à s'imposer et cela promet un bel avenir pour la boxe au féminin.
La salle s'échauffe ! Bientôt les combats ELITE AMATEUR.
L'ambiance monte, chacun soutient ses favoris.
Suivent les combats ELITE PRO et là, c'est le délire chez les supporters.
Je ne vais pas commenter les combats, il y a des règles strictes et je suis novice en la matière. Je peux juste vous dire que cela ne laisse pas indifférent et qu'il est difficile de rester de marbre.
D'ailleurs mon voisin, qui me prenait pour une spécialiste, m'a interpellée plusieurs fois "il sait encaisser les coups hein? "
"t'as vu son coup du droit" et j'en passe. (je ne l'ai pas contrarié)
Effectivement, mais moi ce que j'ai retenu de tout cela, c'est la maitrise de soi, le fairplay, les accolades sur le ring, les gestes amicaux entre chaque reprise. Et même si certains font un peu de cinéma, j'ai ressenti à chaque combat le respect pour son adversaire, une discipline qui canalise l'agressivité et qui aide à maitriser ses passions.
Je m'attendais à un public un peu violent, agressif et bien non. Les supporters des matchs de football devraient en prendre de la graine.
Mohamed El Marcouchi (Marco) a remporté son combat à la troisième reprise (sur 6) à la grande joie de ses supporters, de sa femme qui l'a toujours encouragé et de leurs deux beaux enfants.
Après cette première expérience, j'attends avec impatience les championnats mondiaux d 17 novembre au Palais 12 du Heysel et si cela vous dit, venez nous rejoindre, vous ne le regretterez pas : ambiance, sensations, émotions, dépaysement garantis.

Son parti gagnant ? Le parti-pris de la boxe.
Un sport qui n’existe et ne vit que grâce au réseau d’amateurs amis et bénévoles qui animent sa pratique. Un sport qui demande beaucoup d’entraînement alors qu’on ne peut en vivre. Un sport qui force la concentration, sinon tu morfles. Un sport de contact avec les gants mais de contact permanent avec l’équipe et le coach qui le guident sur le bord du ring. Un sport d’équipe, en fait. Un sport qui est hélas un peu attardé en Belgique à cause d’une fédération peut-être un peu trop conservatrice. Mais les femmes s’y intéressent, de plus en plus malgré la fédé. Et un sport qui se féminise est un sport qui prospère. Lui, il y croit. Il croit dans la boxe éducative. Cela n’existe pas encore chez nous. Mais Mohammed incarne tout ce qu’elle peut apporter de bien à un jeune qui n’est pas né avec un stick de hockey dans les mains ni une cuillère en or dans la bouche ni de l’or dans les mains...quoi que.
Nous vous tiendrons au courant. Merci Mohammed.

Christine Scrève et Patrick Willemarck

(1) Organisé par Untouchable brussels promotion en partenariat avec Esquive Ixelloise et Emergence XL.

Untouchable brussels promotion est une initiative de Bea Diallo, multiple champion du monde de boxe et échevin d'Ixelles.
C'est un projet social soutenant les jeunes en leur offrant de s'exprimer dans des spectacles et organisations de qualité, en leur donnant l'opportunité de progresser et de s'épanouir dans une structure qui promeut les valeurs de respect, fairplay et dépassement de soi.


Le Musée d'Ixelles au milieu duquel trône le ring qui a accueilli Mohamed Ali, il y a 30 ans.


Mohamed El Marcouchi et son préparateur.


Massages et concentration maximale avant le combat.


En pleine concentration malgré le brouhaha ambiant.


En face de Marco, Olah Pal


Son coach ce soir n'est autre que Béa Diallo


Un combat de pros aux coups rapides et précis

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !


Marco remporte le combat à la troisième reprise sur décision médicale et sous le regard très enthousiaste d'un de ses fils.


Marco remettra ses trophées à ses deux fils. Reportage photographique © Jean-Frédéric Hanssens

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte