La Palestine résiste, Israël dans l’impasse

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Le 1er juin 2023, un père et son fils ont été touchés par des balles tirées par des soldats israéliens dans le village de Nabi Saleh au nord-ouest de Ramallah. Le petit Mohamed, 2 ans et demi, est mort. Photo : Manal Tamimi; infos: https://www.france-palestine.org/Un-enfant-de-deux-ans-et-demi-meurt-d-u...

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Mustafa Barghouti est médecin, fondateur de l’ONG Palestinian Medical relief Society, active en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza où les soins médicaux de première ligne sont essentiels vu la violence des attaques et répressions israéliennes. Il a aussi fondé Health (Development, Information and Policy Institute), une alliance de 90 organisations communautaires palestiniennes. Mais c’est en homme politique, fondateur de l’Initiative Globale Palestinienne, qu’il nous décrit au scalpel l’impasse israélienne.

« La solution à deux Etats est agonisante », dit-il d’emblée. « Pas morte mais presque et cela à cause du silence du monde. Il y a un Etat de fait, Israël, créé par l'ONU et construit sur l’apartheid, plus personne ne peut le nier. » Il suffit de constater que ce gouvernement fasciste s’accapare de 80 % des ressources d’eau dans les territoires occupés, privant ainsi les Palestiniens d’eau pour vivre et cultiver leur terre, leur interdisant l’usage des routes rapides réservées aux Israéliens ce qui rend pénible l’accès à leurs villages et leurs terres. De plus, la colonisation illégale s’accélère en Palestine occupée: ce gouvernement d’extrême-droite annonce une septantaine de nouvelles colonies et légalise tous les postes avancés des colons surarmés et ultraviolents. Malheureusement, en Israël même, ceux qui s'opposent au colonialisme et à l'accaparement des terres ne sont qu'une infime minorité. L’ambition du gouvernement actuel est de chasser tous les Palestiniens vivant encore sur leurs territoires, résume Mustafa Barghouti.

« Depuis 1948 au moment de la création d’Israël, les Palestiniens vivaient sur 82 % des terres. A présent, il ne leur en reste que 18 % . Tout a été volé par la force, des lois iniques, les agressions permanentes destinées à terroriser les Palestiniens. Il nous est même interdit de construire des hôpitaux et centres de santé, des écoles. Les Israéliens démolissent les écoles existantes même celles construites avec l’argent de l’Union européenne… Qui ne réagit pas. S'agissant d'Israël, l’Europe n’a pas de bâtons, rien que des carottes ! », constate le conférencier, amer.

Un Etat démocratique avec égalité totale des droits

« La seule alternative est un Etat démocratique avec égalité totale des droits à la terre dans la Palestine historique. Les politiques palestiniens doivent changer de stratégie et exiger le démantèlement de l’apartheid. Cette occupation est un cancer qui dévore Israël de l’intérieur », dit le médecin. « Occupation signifie colons qui se basent sur un régime d’apartheid et donc sur un Etat fasciste », résume Mustafa Barghouti qui dresse le portrait glaçant des principaux ministres fascistes de l’actuel gouvernement de Netanyahu, félicité pourtant par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ; celle-ci devrait pourtant appliquer la même politique de sanctions envers Israël, coupable de crimes contre l’humanité, à l’instar de la Russie en guerre avec l’Ukraine.

« Car il faut voir les centaines de colons lourdement armés qui se précipitent contre des villageois palestiniens, brûlent leurs villages parfois avec des femmes et des enfants emprisonnés dans leur maison en feu… On a même vu un petit garçon capturé par ces criminels qui lui ont versé de l’essence dans la bouche et l’ont brûlé vif. Ces actions terroristes se déroulent sous les yeux de l’armée israélienne qui ne bouge pas, ne sauve pas les civils désarmés ! »

Les six piliers de la résistance

Le monde occidental et européen en particulier a sanctionné Poutine pour son invasion et des crimes commis par ses troupes ; mais il ne bouge pas lorsque le gouvernement israélien applique une politique d’épuration ethnique, des pogroms, et de nombreuses violations incontestées du droit international. « Pourtant, la seule réponse à ce terrorisme d’État, ce sont les sanctions. », martèle le conférencier en tournée européenne pour plaider la cause de ce peuple si durement opprimé.

« Nous, Palestiniens, nous résistons. La jeune génération est déterminée à rester en Palestine et se battre pour ses droits. Voici les six piliers sur lequels édifier un Etat démocratique : la résistance ; le BDS (boycott – désinvestissement – sanctions) ; l’unité interne à la politique palestinienne avec l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) comme légitime représentant ; unifier la lutte des Palestiniens en territoires occupés et de la diaspora ; une plus forte solidarité internationale ; un travail avec tous les groupes, y compris juifs, contre l’apartheid. »

Mustafa Barghouti appelle à un mouvement international anti-apartheid, rappelle la nécessité des sanctions et des pressions de tous sur Israël, notamment des pays arabes dont les populations n’approuvent pas les accords dits d’Abraham imposés par les Etats-Unis afin de rétablir les relations diplomatiques entre eux et Israël. « Nous voulons que les pays arabes boycottent ce gouvernement fasciste », insiste-t-il. «La fin de l’occupation, le droit au retour de tous les Palestiniens partout en Israël et la fin de l’apartheid sont les trois conditions pour qu’existe un Etat démocratique où le droit à l’autodétermination doit être reconnu aux Palestiniens aussi et pas seulement aux Juifs. Et qu’on ne me traite pas d’antisémite en disant cela, je suis sémite moi-même, comme tous les Palestiniens ! »

La culture comme arme de résistance

Parmi les nombreux moyens de résistance développés par la population palestinienne, il y a l’arme de la culture, fort bien illustrée par le film « Al Fanfardjâti », la fanfare des « enfant phares » qui transforment leur colère en notes de résistance, une production de NoTélé, réalisé par Chantal Notté et Maxime Soyez. Pour témoigner des diverses facettes de la résistance, Présence et Action Culturelles (PAC) avait réuni la photographe Véronique Vercheval qui, inlassablement depuis 2002, nous montre le peuple de Palestine tel qu’il est, tel qu’il vit : « ces enfants sont nos enfants », dit-elle. Il y avait aussi le chef d’orchestre Eloi Baudimont qui avait accompagné les organisateurs de cette fanfare, un type de musique inconnu en Palestine. Il s’est dit frappé de la diversité musicale qui passe à la radio palestinienne, y compris des chants et musiques traditionnelles que les enfants connaissent par coeur. Ces jeunes musiciens ont rapidement appris les codes de la fanfare sur des instruments musicaux inhabituels pour eux.

Dominique Surleau, animatrice au PAC, nous parla de la Palestinian Circus School, déjà bien connue chez nous grâce aux diverses représentations qui ont eu lieu lors de l’opération « Asseoir l’espoir » et qui suscita une belle solidarité entre Belges et Palestiniens. Là aussi, la répression a frappé puisque le responsable est arrêté et emprisonné par les autorités israéliennes, sans le moindre jugement et sans recours possible et interdit de quitter le territoire. L’objectif de l’occupant est bien de priver les enfants et les jeunes d’accéder à ces activités culturelles qui émancipent, qui donnent de l’espoir d’édifier un espace de paix, de solidarité et de culture. Il vise aussi à empêcher les témoignages sur l’emprisonnement non seulement d’adultes mais aussi de quantité d’enfants, de jeunes pas encore majeurs, au mépris de toutes les lois internationales protégeant les droits fondamentaux des humains.

« Vivre en Palestine, c’est résister » nous dit Dominique Surleau. « L’école du cirque, pour des dizaines de jeunes, est une façon de survivre, de garder espoir, de résister pacifiquement. La culture est une forme d’éducation à l’estime de soi, elle rend les êtres humains créatifs aussi bien dans les villages que dans les villes et les camps de réfugiés. Cela permet aux enfants de sortir des frontières… »

- Conférence du docteur M. Barghouti sur la situation en Palestine, organisée par « Hope for Palestinian Students », l’Institut Marcel Liebman, l’Association Belgo-Palestinienne. Le 28 juin 2023 à l’ULB.

- Matin du PAC. « La culture comme arme de résistance en Palestine ». A Bruxelles le 26 juin 2023. www.pac-g.be A lire : « Culture et Résistance » « Asseoir l’espoir. 10 ans de coopération culturelle et solidaire avec la Palestinian Circus School ». Avec de nombreux articles de militants et artistes palestiniens, illustrés par les photographies de Véronique Vercheval. Mai 2018. Disponible au PAC.

- Pour bien comprendre : « Palestiniens et Israéliens. Dire l’histoire. Déconstruire mythes et préjugés. Entrevoir demain. », un livre de l’historien Michel Staszewski qui vient de paraître aux Editions du Cerisier. Il y décrit clairement l’histoire du processus d’accaparement presque total des terres palestiniennes par les gouvernenments successifs israéliens, la diabolisation des résistants qualifiés de « terroristes », les complicités des pays européens et de Etats-Unis dans ce vol des terres et dans le non-respect systématique du droit international et des résolutions des Nations Unies. L’impasse est totale actuellement. Et l’on comprend bien pourquoi, à la lecture de ce livre très éclairant. www.editions-du-cerisier.be

- Sur les colonies: https://plateforme-palestine.org/Colonies-les-chiffres-cles-2023

Sur la culture comme résistance, lire aussi :

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Mustafa Barghouti, lors de sa conférence à l'ULB, le 28 juin 2023. Photo G.L.

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