Il faut sauver d’urgence la RTBF et RTL TVI

ConsoLoisirs

Par | Journaliste |
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Qu’à l’avenir, dans notre mouchoir de poche Wallonie Bruxelles, puissent les programmes des deux diffuseurs les plus puissants se diversifier davantage que ce qu’ils nous proposent régulièrement (capture d’écran du site Moustique).

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L’avenir n’est pas rose en terme de rentrées publicitaires, ni pour la RTBF, ni pour RTL TVI. Est-ce l’heure des grands chambardements? Quel sera l’inventivité et le courage de notre gouvernement PS-MR-Écolo? En point 2, la proposition de Consoloisirs. 

SOMMAIRE

1. Nous revenons vers vous bien plus tôt que prévu
2. Il faut sauver d’urgence la RTBF et RTL TVI
3. Dossier intéressant du CSA
4. Cette newsletter va paraître moins régulièrement
5. Deux cents kilos de documents à classer
6. Et «l’artiste qui a faim»

1. Nous revenons vers vous bien plus tôt que prévu

Cette newsletter arrive avec du retard? Il faudra s’y faire… En fait, nous pensions l’interrompre jusqu’en septembre 2020. Nous vous expliquons pourquoi au point 4.

Néanmoins, pendant le confinement, nous ne nous sommes pas tourné les pouces. Que du contraire. C’est-à-dire? Voir le point 5.

Alors pourquoi revenir vers vous si vite?
Parce que il nous apparaissait indispensable de vous proposer notre point 2.

Prenez soin de vous.

2. Il faut sauver d’urgence la RTBF et RTL TVI

La pandémie va forcer nos gouvernants à réinventer aussi notre monde médiatique. Les cartes devraient être rebattues en urgence car la crise du marché publicitaire est déjà terrible, et elle sera probablement de longue durée.

RTL TVI, qui n’a pas droit à une dotation, est menacée par la diminution de ses rentrées que lui procurent ses annonceurs. Si l’on n’y prend garde, elle pourrait devenir rapidement une chaîne privée sans grand intérêt, abandonnant l’essentiel de son ancrage informatif régional, ce qui constituerait un séisme en termes d’emplois. Pour autant qu’elle quitte le Grand-Duché du Luxembourg et se relocalise en Fédération Wallonie-Bruxelles, il faudrait lui fournir une forme d’oxygène. Nous proposons que ce soit en mettant très rapidement fin à cette sorte de concurrence déloyale où la RTBF, elle très largement subsidiée, chasse de plus en plus sur les programmes divertissants du privé.

D’un point de vue «liberté d’expression» tant capital dans ce secteur, il est indispensable que coexistent chez nous au moins deux diffuseurs généralistes, un privé et un public, à condition qu’ils proposent des programmes les plus différents possible pour que le public (re)dispose d’un vrai choix. Cet équilibre est fortement menacé.

Supprimer progressivement la publicité à la RTBF comme le veut l’actuelle feuille de route gouvernementale PS-MR-Écolo est probablement une mauvaise idée et ne peut plus être d’actualité. Si on veut ce «divorce» de type économique, c’est pour restaurer surtout le contenu des émissions du service public et cela exige une stratégie globale.
Faut-il continuer à financer sur le service public des émissions non indispensables, mais exigées pour développer les rentrées publicitaires qui n’auront plus cours?
Faut-il autant de chaînes? Faut-il émettre jour et nuit? Faut-il garder des émissions souvent onéreuses qui ne correspondent pas aux missions principales du service public? Si les programmes sont moins nombreux, ils pourraient être de meilleure qualité puisqu’ils pourront être réalisés avec davantage de personnel et de moyens.

La RTBF doit rechercher des annonceurs pour mettre à l’antenne leurs publicités, choisir des programmes pour attirer les cibles du public qui vont consommer rapidement les produits vantés, etc. Tout ceci lui coûte énormément et resterait en activité pendant plusieurs années si l’on ne faisait que diminuer progressivement cette présence publicitaire. Ce serait une stratégie économique désastreuse.

Car les plans de sauvetage doivent aller très vite, osons le challenge qu’il n’y ait plus ni publicité, ni sponsoring, ni placement de produits sur le service public dès le 1er janvier 2021. Ce que nous vivons actuellement montre combien la Fédération Wallonie-Bruxelles a besoin d’un service public de l’audiovisuel plus approprié aux épreuves à venir: le réchauffement climatique, peut-être d’autres pandémies.

Dans cette situation nouvelle, la RTBF serait invitée à se séparer de sa régie publicitaire qui est actuellement perçue par plusieurs acteurs de notre monde médiatique comme «une distorsion de la concurrence».

D’autre part, la RTBF ne participerait plus, bien logiquement, au financement du CIM, organisme qui sert principalement à fixer les tarifications publicitaires. Donc plus d’audimat (c’est-à-dire le nombre de personne branchées sur un programme) qui la met en compétition quotidienne surtout avec les acteurs privés, ce qui lui permettrait d’affiner son «qualimat» (études déjà existantes et à améliorer, financées par la RTBF pour découvrir combien d’usagers suivent ses émissions et s’ils les apprécient), et en finir avec une concurrence malsaine qui ne fait que mettre des bâtons dans les roues de l’application de ses missions prioritaires essentielles au «bien vivre» et au redéploiement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

En Suisse, la votation No Billag du 4 mars 2018 demandait la privatisation de la SSR (Société suisse de radiodiffusion et de télévision) dont la dotation coûte proportionnellement beaucoup plus cher aux habitants que celle de la RTBF chez nous. C’est un soutien inattendu et impressionnant de 71,6% des votants qui s’y sont opposés, démontrant que même si le service public a un coût, beaucoup de citoyens y sont terriblement attachés et sont prêts à faire des efforts financiers pour qu’il se développe. Ce qui pour certains pouvait paraître être une utopie se concrétise donc aujourd’hui dans une autre communauté francophone en Europe. Gilles Marchand, directeur général de la SSR, déclara même: «(…) Nous nous sommes longtemps auto légitimé par nos performances: une émission qui a un fort taux d’écoute sera bien programmée et mieux financée. Or, la part de marché n’a plus aucun sens dans un secteur aussi atomisé, il faut évaluer autrement la pertinences de nos offres: des programmes très regardés ne suscitent aucune adhésion affective alors que d’autres peu vus, sont porteurs de sens et bons pour l’image (…)» (L’Obs, 28 juin 2018).

Le personnel de la RTBF est prêt à pareil tournant: pendant la pandémie, il s’est montré souvent inventif et novateur avec, par exemple, la mise à l’antenne du nouveau magazine #Investigation, l’écriture d’un roman-feuilleton initiée par Entrez sans frapper ou ce Jardin Extraordinaire qui demandait aux téléspectateurs d’envoyer des vidéos animalières tournées dans leurs jardins.

Si, pour la culture dont elle a également la charge, la ministre des médias Bénédicte Linard voulait, avant de prendre ses décisions, entendre et dialoguer avec tous les acteurs pour coconstruire, il nous semble que, pour tracer l’avenir de nos médias, ce n’est pas le cas jusqu’à présent, du moins pour leurs usagers.
Est bien prévu un audit du marché publicitaire mais le public aura-t-il son mot à dire? Pourquoi ne pas élargir cette recherche, comme le proposait le programme électoral de DéFi, à cette thématique majeure: quelle RTBF sans publicité?
Voilà de quoi concrétiser ce que la ministre Ecolo déclarait récemment: «La crise a mis en exergue une fragilité du secteur, essentiellement sa dépendance à la publicité. Nous devons rendre le monde médiatique plus résilient. Et certaines choses deviennent possibles aujourd’hui pour le reconstruire» (Le Soir, 2 mai 2020).

3. Dossier intéressant du CSA

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel publie un dossier très détaillé des médias belges francophones de toute taille (de Radio Panik à la RTBF) sur leur situation face à la crise sanitaire du Covid 19. Instructif...

4. Cette newsletter va paraître moins régulièrement

Nous suspendons provisoirement la fréquence mensuelle de cette newsletter mensuelle «Consoloisirs» ainsi que de l’émission de radio qui constitue son prolongement sonore. Nous reviendrons de temps en temps, quand l’actualité nous y oblige, comme c’est le cas avec la présente missive.

Pendant cette période de (dé)confinement, les acteurs et les producteurs de culture sont particulièrement fragilisés et il faut absolument les soutenir. Consoloisirs a d’ailleurs signé le «Manifeste pour soutenir les travailleurs et travailleuses de la culture» diffusé par Le Soir.

Solidarité donc prioritaire avec les artistes. Mais n’oublions pas que Consoloisirs axe son travail habituellement non pas sur le soutien aux artistes, mais bien sur la défense des droits du public, des usagers de la culture, ce qui est complémentaire, et bien différent.
Dans la crise actuelle, quasi personne n’envisage les problèmes à soulever sous ce point de vue. Consoloisirs y reste vigilant. On y reviendra plus tard avec une réflexion sur le non remboursement des tickets des trois festivals de Werchter.

Depuis plusieurs années, l’évolution de la culture et des médias qui était à suivre quotidiennement ne nous donna pas la possibilité de classer pendant tant d’années notre documentation «papier» accumulée. Or, vous le savez sans doute, Consoloisirs vient de terminer la scénarisation d’une importante exposition qui permettra de détailler ses observations, ses revendications et ses combats déjà gagnés. Il s’agit d’un projet majeur pour nous.
Pour rédiger le catalogue-livre qui sera beaucoup plus étayé que l’exposition elle-même, il nous fallait disposer de cette documentation. Le confinement nous a permis de nous lancer dans ce nouveau défi (voir le point suivant, le point 5).

5. Deux cents kilos de documents à classer

Depuis une bonne trentaine d’années, nous nous sommes spécialisés dans les droits du public culturel. Comment les usagers résistent quand on ne les respecte pas? Quelles victoires engrangées? Comment l’industrie culturelle préfère souvent l’argent à la déontologie…
Dans ce domaine, nous agissions et n’avions guère le temps de classer notre docu. Mais alors, impossible de transmettre aux autres les résultats de ces recherches?

Et voilà le confinement. Cloîtrés chez nous, et pensant dès le départ que cela allait durer longtemps, nous nous sommes dit: c’est imprévu et inespéré, limitons fortement momentanément les actions et nous aurons plusieurs mois pour tout classer.
Après près de deux mois de confinement, nous sommes à peu près à la moitié de ce travail.
Nous estimons que nous avons environ 30.000 documents à regarder attentivement pour découvrir laquelle des 150 cases du classement nous devons leur attribuer.

Cela fera au final environ 200 kilos de documents classés.
Actuellement, 25 premiers classeurs sont prêts, remplis chacun comme un œuf. Soit environ 1/4 du travail. Pendant ce travail de préparation, après analyse, nous ne sélectionnons pas environ un document sur deux. Vive les sacs jaunes!

Nous classons aussi de courts documents sonores, à valeur historique sans doute.
Il faut absolument les sauver pour les générations actuelles, et futures! Nous en avons déjà publié six (durée: environ de 3 à 8 minutes par document). Dick Annegarn et Jacques Martin, François Béranger et le Ministre de la Défense nationale Paul Vanden Boeynants, Lou Deprijck, William Sheller, Michel Lancelot, François Ruffin. Les voici.

Un seul exemple de nos re-découvertes en cours de rangement? Notre première pétition comme visiteur d’un musée. En 1987, une rétrospective Gustave Klimt à Bruxelles est annoncée «ouverte le 1er novembre». Beaucoup de visiteurs vinrent des quatre coins de la Belgique pour la découvrir. Les portes sont fermées. Il y a eu une faute dans la communication et celle-ci annonçait aussi que le 11 novembre l’exposition sera accessible mais, renseignement pris auprès des organisateurs, c’était également une erreur. Dès le 2 novembre, lancement d’une pétition pour exiger que le 11 novembre, les organisateurs reviennent sur leur décision et ouvrent bien. La revendication sera finalement entendue et le public ne trouvera pas porte close, ce second jour de congé de novembre.

La Fonderie a créé un site internet intitulé «L’intimement confinement» où le public propose des photos d’objets qui l’on marqué. Consoloisirs a participé à cette initiative en proposant trois photos de ce rangement de notre documentation.

Enfin, une pensée fort émue pour Philippe Grombeer, décédé durant cette période de confinement. Il était l’ancien animateur de la Ferme V. Il mit en place et anima pendant longtemps le centre culturel des Halles de Schaerbeek. C’est lui aussi qui créa le Théâtre des Doms à Avignon. Il fut l’invité fil rouge de notre émission de radio, le 16 décembre dernier. Nous vous conseillons de l’écouter.

6. Et «l’artiste qui a faim»

Petit rappel sans doute utile: c’est le budget de la culture (voté par le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles) qui finance chaque année la dotation de la RTBF. Celle-ci ampute ce budget proprement culturel d’environ 38%, et ceci, sans compter de nombreuses aides indirectes complémentaires.

Le 15 mai 2020, pour répondre à l’actualité dramatique de la majorité de nos artistes, le conseil d’administration de la RTBF a approuvé un nouveau Plan Culture à 14,4 millions (dont déjà 5,3 millions déjà affectés à des programmes existants…).

Son nouveau président, Baptiste Erkes (Ecolo), le présente ainsi sur les réseaux sociaux:
«Ce plan est ambitieux comme doit être la réponse à la situation inédite que nous connaissons et qui continue de conditionner notre futur.
Avec ce plan de relance, la RTBF démontre qu’elle a le savoir-faire, les compétences internes pour inventer un autre possible, qu’elle est prête à jouer pleinement son rôle d’acteur économique mais aussi fédérateur entre les citoyen.ne.s de la FWB.
Le monde culturel mais également le tissu d’entreprises de l’audiovisuel en FWB sont des partenaires naturels du média de service public et à ce titre, il est essentiel de les accompagner pendant ces mois difficiles.
Un média public n’est pas une institution d’aide économique, mais la RTBF est déterminée à mettre en œuvre toutes les initiatives possibles qui pourront aider nos partenaires à traverser ces mois difficiles».

Voici ce plan présenté par la RTBF elle-même.

Sur la toile, beaucoup de créateurs réagissent. Sur leurs profils respectifs, deux metteurs en scène et directeurs de salle parmi les plus connus (Philippe Sireuil et Michael Delaunoy) ont relayé de façon fort positive l’analyse proposée par un autre travailleur culturel, Guillaume Istace (M.D.: « … le nouveau plan de la RTBF pour soutenir la culture, annoncé avec tambours et trompettes dans un discours d'auto-célébration dont notre média de service public a le secret»):

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G.I: « (…) Prenons ce projet point par point, du point de vue de l’artiste qui a faim…

  • Des concerts confinés: Chouette, nos chanteurs belges vont faire des concerts à la RTBF, en espérant que ces concerts soient l’occasion de voir les artistes qu’on n’a pas l’habitude de voir ou qu’on connait moins (genre PAS Angèle, Romeo Elvis). Je ne sais pas pourquoi j’ai l’impression que je rêve un peu trop…
  • 10 captations supplémentaires: Chouette. Au fait, les droits seront-ils payés aux auteurs et aux artistes interprètes pour leur diffusion sur auvio?
  • La minute Culture: Il s’agit de promouvoir la culture pendant une minute chaque jour. Super! Mais: 1: C’est en fait une mission qui devrait être remplie par la RTBF en temps normal. 2: Quand on parle d’aider la culture, on parle d’apport financiers directe dans les poches des artistes. Où est l’apport financier pour les artistes?
  • La recommandation du libraire: Chouette une émission sur les livres! Pourquoi uniquement en temps de Corona? Quel apport direct pour les artistes?
  • Et dieu créa Franquin: un feuilleton radio. Ici se pose la question des podcasts. La RTBF se targue d’aider les auteurs radio (et les comédiens qui y jouent) en lançant des podcasts. Sachant que la RTBF prélève 100.000 euros sur le budget du Fonds d’aide à la création radio pour financer ces podcast et que ce fonds d’aide (qui est l'équivalent du CAPT) est très maigre (350.000 euros pour l’aide aux projets), c’est un peu comme si le théâtre National allait puiser directement dans le budget du CCAPT pour aider les artistes.
  • Un petit shoot de philo: Une minute consacrée à la philo, ça ne mange pas de pain. Le rapport avec l’aide aux artistes?
  • Le plus beau des villages wallons. Le rapport avec l’aide aux artistes?Camping car: le rapport avec l’aide aux artistes? (…)».

 

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