54 principes pour mieux respecter le public culturel

ConsoLoisirs

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Le 8 octobre 2019, une conférence-débat marque l’aboutissement de ces trois numéros de la revue «Repères» consacrés à un des thèmes parmi les plus chers de notre lettre Consoloisirs (lire le point 6).

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Deux sujets émargent dans notre newsletter d’octobre. Tout d’abord, l’aboutissement de plusieurs années d’une recherche de Roland de Bodt de «L’Observatoire des Politiques Culturelles». Elle propose, en près de deux cents pages, 54 principes pour mieux respecter le public culturel (lire le point 6).

Et revoilà la RTBF à la croisée des chemins. Va-t-elle basculer enfin vers davantage de service public?
Il y a, bien sûr, la décision du nouveau gouvernement d’entamer la diminution de la présence publicitaire qui agite le landernau médiatique, mais il faut surtout s’intéresser dans les semaines qui viennent à la constitution d’un nouveau conseil d’administration où pourront désormais voter deux personnes déléguées par Écolo et deux par le PTB. D’autre part, il faudra être particulièrement attentif à la nomination d’un nouvel administrateur général pour six ans... ou la reconduction de Jean-Paul Philippot pour un quatrième mandat (lire les points 1, 3, 4, 5, 11).

SOMMAIRE

1. «Philippot essaie constamment de décrédibiliser Hennebert»
2. Le 6 octobre, on fait dans la dentelle
3. C’est maintenant que cela va se jouer
4. Stop ou encore?
5. Réflexions à propos d’un élément du nouveau programme gouvernemental
6. Une étude détaille 54 principes pour mieux respecter le public culturel
7. Saccage du patrimoine RTBF: de Bla-Bla (en 2007) à Strip-Tease (en 2019)
8. Musée fermé = attraction touristique
9. Même tactique pour multiplier les pubs chez TF1 et RTL-TVi
10. Merci, les usagers culturels!
11. Une plainte «François de Brigode» déposée au CDJ

1. «Philippot essaie constamment de décrédibiliser Hennebert»

La newsletter Consoloisirs précédente (septembre 2019) n’est pas passée inaperçue.
En effet, de larges extraits de notre enquête sur l’arrivée de «The Voice Kids» à la RTBF ont été repris dans un article s’étendant sur quatre colonnes dans l’édition du 2 septembre 2019 de Sudpresse.

L’auteur de l’article, Sam Christophe, indique même que «(nos) arguments ne manquent pas de pertinence».

Mais cet article est important pour une autre raison: c’est la première fois depuis 2006 qu’un journaliste explique dans un organe important de la presse écrite comment le coordinateur de Consoloisirs est traité par la direction du service public RTBF: «Bernard Hennebert est un activiste qui a l’habitude de chercher des poux à la RTBF au point de devenir parfois un poil à gratter qui peut s’avérer très gênant pour la chaîne publique. Jean-Paul Philippot, l’administrateur général le déteste et il essaie constamment de le décrédibiliser».

À l’inverse de ses prédécesseurs, Jean-Paul Philippot a «interdit de conférence de presse» B.H depuis treize ans déjà, comme le révéla un journaliste dans l’édition de «Pan» du 4 octobre 2006.

Privé donc de ce droit à investiguer et à questionner à l’intérieur de la RTBF, B.H. ignorait jusqu’à ce jour que l’administrateur général tentait de le décrédibiliser constamment et qu’au moins un journaliste en était informé.

Il ne s’agit plus de Mr Philippot lui-même, mais, dans la même veine, B.H. détient des preuves de la façon dont son entourage tente d’intimider des journalistes qui font tout simplement leur travail: l’interviewer lorsqu’il publie un livre qui traite de la RTBF (et il en a publié quatre).

C’est à propos de l’un de ces livres de B.H. que Mr Philippot a osé intervenir concrètement dans le choix éditorial de son personnel, comme l’indique un autre extrait de cette interview parue dans «Pan» (04/19/2006).
B.H. explique: «(Il) a même fait annuler une interview déjà montée au sujet de mon dernier bouquin. Les deux seules fois où j’ai pu parler de ce bouquin qui traite de la réappropriation de la RTBF par ses usagers, c’est dans «Zoom arrière», où l’invité, Henry Ingberg, a choisi librement de me convier. Et l’autre, c’est dans «La Pensée et les Hommes», émission concédée dans laquelle la direction ne peut intervenir. Par contre, au moins à deux reprises, Philippot ou son entourage ont engueulé journalistes ou rédacteur en chef qui avaient fait passer des articles dans la presse écrite sur mon travail. C’est de l’intimidation».

À la vue de deux actualités de cet automne 2019 – la fin de la carrière politique de l’ancien ministre de l’audiovisuel Richard Miller (MR) et la réélection de Jean-Marc Nollet à la co-présidence du parti Écolo – je me permets de vous offrir un autre extrait de cet article paru dans «Pan»:
B.H.: «(...) Je constate qu’aucun des présidents des quatre grands partis ne détaillent jamais leur politique audiovisuelle (...) Je crois qu’ils ont très peur d’en parler, et qu’ils ont envie d’aller dans le sens des chaînes, car elles ne se privent pas de les sanctionner médiatiquement. Richard Miller, par exemple, a été interdit d’interview pendant six mois sur RTL-TVi pour avoir favorisé l’implantation d’AB3, et Jean-Marc Nollet a été censuré un mois à la RTBF quand il a prôné que l’argent de la revente des actions Canal+ détenues par la RTBF, achetées avec l’argent de la Communauté française, ne retourne pas directement à la RTBF, mais à la Communauté qui aurait décidé de son affectation. Tous les gens, «politiques» ou non, qui ont besoin de passer à la télé ne peuvent se permettre des débats trop concrets à propos de nos médias!».

2. Le 6 octobre, on fait dans la dentelle

Des dentelles portées par Beyoncé ou Nicole Kidman? Découvrez cette exposition.

Le musée qui la propose organise le dimanche 6 octobre 2019 la Fête de la gratuité «du premier dimanche» de 10H00 à 17H00. Il s’agit du Musée Mode & Dentelle.

Découvrez le programme taillé pour la circonstance.

N’oubliez pas que, ce jour-là, d’autres musées gérés par la ville de Bruxelles sont aussi gratuits: la Maison du Roi, la Garde Robe de Manneken-Pis, etc.

Sur le site d’Arts & Publics, voici la liste des 150 musées belges gratuits chaque premier dimanche en Wallonie et à Bruxelles.

Une newsletter mensuelle spécifique vous met au courant des différentes nouveautés de cette gratuité. Inscription: info@artsetpublics.be

3. C’est maintenant que cela va se jouer

Au conseil d’administration de la RTBF en exercice actuellement, ont droit de vote uniquement les représentants du PS, du MR et du CDH.

Avec les résultats des récentes élections, le grand chambardement est possible puisque ces différents partis perdent des plumes mais surtout Écolo et le PTB pourront enfin voter, et ils auront chacun deux représentants pour le faire.

Voici le rôle de ce conseil d’administration et les photos (+ appartenance politique) de ses membres qui arrivent actuellement à la fin de leurs mandats (constatez qu’il y a actuellement bien un représentant d’Écolo mais qu’il est qualifié d’observateur, c’est-à-dire qu’il n’a pas le droit de voter).

Les directions des partis délèguent leurs représentants. Le choix de ceux-ci fait suite à un processus plus ou moins approfondi. Par exemple, à Écolo, les administrateurs de la RTBF sont désignés par un Conseil de gestion, qui réunit 15 militants, sur base d’un rapport rédigé par un comité de sélection après audition des candidats, l’appel à candidatures étant envoyé à tous les membres du parti.

Ensuite, il faudra voir si les nouveaux arrivants, d’Écolo et du PTB, voudront vraiment impulser une évolution pour rendre ses lettres de noblesse au service public.

Beaucoup dépendra du sort qui sera également réservé à l’administrateur général par la nouvelle majorité. L’actuel arrive en fin de mandat. S’il se représente, sera-t-il à nouveau désigné? Qui seront les autres candidats? (voir le point 4 de cette newsletter)

Ce sont donc des mois capitaux que va vivre la RTBF mais les médias écrits, les militants de base dans les partis et le public en auront-ils conscience?
Les télés locales ou RTL-TVi se tairont-ils par pseudo esprit de confraternité, mais en privant du même coup le public de ce débat de fond (quelle RTBF va-t-on construire, avec quels moyens, et pour qui?), puisqu’il est fort probable que la RTBF, juge et partie, n’en parlera que lorsque les dés seront jetés? Évitera-t-on qu’ils soient pipés?

Ces changements du CA sont annoncés dans la presse, principalement parce que celle-ci prend peur en découvrant que l’extrême-droite va faire son entrée dans la direction de l’équivalent néerlandophone de la RTBF, la VRT.

Ce qui se passe à la VRT devrait effectivement nous alerter pour un avenir plus ou moins lointain de la RTBF. Il est grand temps que l’on remette en débat la façon de composer le conseil d’administration. Depuis longtemps déjà, beaucoup de téléspectateurs ou d’auditeurs ne supportent plus une RTBF «dirigée que par les partis politiques».

D’autres solutions existent. Lors de la récente préparation d’un nouveau contrat de la RTBF, aux parlementaires, lors de leur audition publique, le collectif «La RTBF nous appartient» avait revendiqué, en vain «une évolution significative de la composition du conseil d’administration: que 50% de sa composition rassemble enfin des représentants de la société civile selon des règles à préciser qui ne réintroduisent pas un partage politique».

Pas inintéressant de relire dans la presse, en 2014, l’annonce de la composition du CA qui va s’achever très prochainement.

4. Stop ou encore?

Très bientôt, nous allons savoir si le monde politique va permettre à Jean-Paul Philippot d’égaler la durée de son mandat d’administrateur général de la RTBF (2002-?) avec celui de feu Robert Wangermée (1960-1984). Un signal important de comment va se comporter durant ces prochaines années le nouveau gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Jean-Paul Philippot, dont le troisième mandat s’achèvera en février 2019, détaille à Frédéric Brebant s’il va être candidat à un quatrième à la fin d’un article paru dans Trends-Tendances le 29 août 2019: «La procédure est celle-ci: le CA doit désigner quatre experts indépendants et extérieurs à l’entreprise qui vont procéder à l’évaluation du travail de mon mandat. Cet acte-là n’a pas encore été posé. Il le sera au mois de septembre. Ces quatre experts, que je ne connais pas, vont remettre l’évaluation de mon travail au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Si leur évaluation est positive, le gouvernement a alors la faculté de me reconduire. Il peut. Il n’est pas obligé. C’est dans ce laps de temps que je dois déclarer ma candidature à un nouveau mandat. À ce moment-là, le gouvernement a la possibilité soit d’enclencher ma reconduction, soit d’ouvrir le poste à d’autres candidats. Donc, je ne peux pas vous répondre maintenant».

Cela se précise. À Amsterdam, une quinzaine de jours plus tard, Pierre-François Lovens a interviewé Jean-Paul Philippot pour un article paru dans La Libre du 14 septembre 2019, à propos de son possible rempilement. Réponse de celui qui souhaite sans doute continuer: «J’ai dit à mon CA que j’envisageais de continuer si les conditions étaient réunies».

On est curieux de découvrir si le public aura, via la presse, le droit de connaître les noms et profils des quatre experts. Et pourquoi pas permettre à tous les citoyens de découvrir en détail leurs conclusions?

5. Réflexions à propos d’un élément du nouveau programme gouvernemental

La RTBF est une matière traitée désormais par la ministre Bénédicte Linard (Écolo) du nouveau gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Écolo, PS et MR).

Voici, à propos de la publicité à la RTBF, le programme précis qu’elle devra développer:
«(...) Renforcer les mesures de limitation de la publicité à la RTBF: en radio en commençant par la tranche matinale de La Première; en télévision en préservant l’intégrité des œuvres; en renforçant une éthique publicitaire via l’interdiction de la publicité pour les jeux et paris, les alcools forts et les médicaments sur l’ensemble des supports. Réduire le volume des communications commerciales diffusées sur les supports linéaires de la RTBF (...)».

Il s’agit donc bien d’un début d’application du programme présenté lors de sa campagne électorale par le parti Écolo: la suppression totale de la publicité à la RTBF en dix ans. La façon de le concrétiser était aussi verbalisée par les verts: supprimer 10% de publicité, chaque année, année après année.

Autant la presse avait, hélas, été fort discrète concernant cette thématique (les programmes de chaque parti par rapport à la publicité de la RTBF) pendant la campagne électorale, maintenant que la décision est prise par le gouvernement Écolo-PS-MR d’entamer sa diminution, beaucoup s’agitent, craignant bien sûr un manque à gagner financier pour le service public ou une diminution de son personnel.

D’autre part, l’expression, pour la télévision, «préserver l’intégrité des œuvres» est traduite par beaucoup comme étant la volonté de mettre fin à la possibilité de couper la diffusion des films par la publicité (et des séries? et des documentaires?).
C’est une interprétation, et il peut y en avoir d’autres, de ce texte libellé d’une façon plutôt vague dans cette déclaration gouvernementale.

OK, bien entendu, pour la fin des diffusions de films, de fictions et de documentaires coupés par des tunnels publicitaires. Mais ce texte peut également indiquer que le gouvernement pourra mettre fin au placement de produit car mettre en évidence des marques contre financement dans des œuvres audiovisuelles peut nuire à leur intégrité autant que des coupures publicitaires.
Interdire à la RTBF les placements de produit n’est ni illégal (l’Europe permet d’y recourir, mais n’y oblige pas), ni un exploit impossible puisque cela a déjà été le cas. Dans Le Soir du 12 septembre 2019, Jean-François Munster rappelle: «On se souvient qu’à la fin 2012, Jean-Marc Nollet – déjà ! – avait fait le forcing à la dernière minute pour introduire dans le contrat de gestion 2013-2017 l’interdiction du placement de produits. Il avait obtenu gain de cause mais suite aux élections régionales de 2014 et à l’éviction d’Écolo du gouvernement, un avenant au contrat de gestion réautorisant la RTBF à faire appel au placement de produit avait été signé par celle-ci et le gouvernement».
N’oublions pas que le placement de produit confisque au public la possibilité de zapper et constatons que la promesse d’avertir clairement le téléspectateur de sa présence à chaque utilisation est très mal appliquée. Qui sait aujourd’hui ce que veut dire le sigle PP? Rien n’interdisait de l’indiquer en toutes lettres.

Plus d’infos sur le placement de produit à la RTBF.

Le nouveau choix de réduire la présence publicitaire n’est pas motivé. À nous donc de deviner dans quel(s) but(s) cette mesure a été décidée. Dans une note que j’avais fait parvenir, fin juin 2019, aux négociateurs PS et Écolo quand ils avaient fait appel aux réflexions de la société civile, je m’étais autorisé à décrire, selon moi, quelles sont les trois raisons principales pour lesquelles il fallait s’orienter le plus rapidement possible vers la suppression totale de la publicité (et du sponsoring? Évitons la faute commise par Nicolas Sarkozy à propos de France Télévisions où, après 20H, le sponsoring a pris la place de la publicité):

1: Supprimer la publicité parce qu’elle gêne l’écoute (en radio) ou la vision (en télévision). J’appellerai ceci la «suppression populaire».

2: Supprimer la publicité parce que les directions des chaînes sont influencées dans leur travail de programmation par les annonceurs.
Ceux-ci aiment davantage certains types de programmes (notamment le divertissement au sens le plus large), pour certains publics (par exemple, les jeunes car ils changent plus rapidement que les plus âgés leur comportement de consommateurs de produits ou de services vantés par les publicités) et selon certains horaires. Lorsque Jean-Paul Philippot est entré en fonction, une semaine de prime sur La Une était composée de 5 soirées d’information et de social (au sens très large) et de 2 soirées de divertissement. Aujourd’hui, ces proportions au cours d’une semaine ont été inversées. C’est ce que ressent fortement le public et nombre d’experts qui dénoncent une «RTLisation» de notre service public.
J’appellerai ceci la «suppression influence programmes».

3: Supprimer la publicité car nombre de ses spots seront rapidement à proscrire si on veut lutter sérieusement contre le réchauffement climatique. La publicité contribue à créer beaucoup de faux besoins énergivores.
D’autre part, le public (les parents, par exemple, par rapport à l’éducation de leurs enfants) qui veut s’impliquer dans ce combat vital a besoin, dans son paysage audiovisuel, d’au moins une chaîne généraliste radio et TV (La Trois n’est pas une chaîne généraliste) sans tentations publicitaires.
On revendique le pluralisme et la diversité dans les matières culturelles. C’est de cela qu’il s’agit ici aussi. Que ceux qui ne veulent pas de publicité ne soient pas obligés de ranger à la cave leur poste. Eux aussi, paient des impôts et ont droits à suivre des programmes régulièrement.
J’appellerai ceci la «suppression empêcher la prolifération de faux besoins».

Cette troisième raison ne semble pas avoir été prédominante dans le choix des priorités. La RTBF devrait pourtant constituer l’un des outils majeurs favorisant une évolution des mentalités et des façons de vivre, indispensables pour contrer les menaces climatiques qui se rapprochent. Le gouvernement oserait-il se passer de cet outil?

À Pierre-François Lovens pour La Libre du 14 septembre 2019, Jean-Paul Philippot explique, à propos du nouveau programme gouvernemental, que «(son) paragraphe sur la publicité fait partie d’un tout et nous discuterons, le moment venu, de ce tout avec la ministre. Nous sommes aussi une entreprise autonome, avec un contrat de gestion».

Comme ces mesures concernant les publicités annoncées par le gouvernement ne sont pas mentionnées dans le nouveau contrat de gestion de la RTBF dont l’application a démarré le 1er janvier 2019, il devra effectivement y avoir négociation sur cette volonté du gouvernement entre celui-ci et la RTBF.
Et cela risque sans doute de coûter cher à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pourquoi? Mais parce que, jusqu’à présent, personne n’indique que le manque à gagner pour la RTBF d’une diminution de la présence publicitaire pourrait être notamment compensé par la suppression des programmes souvent coûteux et préférés des publicitaires, mais qui ne correspondent pas à des priorités pour un service public.

Sur ce thème précis, il y a un peu plus de onze ans, Marc Moulin écrivait notamment ceci dans Télémoustique:

«(...) Les Gens Raisonnables disent que ce n'est pas raisonnable de vouloir supprimer la publicité sur les radios-télés de service public.
Franchement, si nous ne sommes pas capables de faire une chose aussi facile que ça, je ne vois pas très bien comment nous allons faire des choses compliquées: sauver la planète de l'extinction des espèces, du réchauffement et du désastre climatiques, préserver l'énergie et l'eau potable, lutter contre la faim, la mort, la maladie, enrayer la violence, le terrorisme et la criminalité en col blanc.
Les Gens Raisonnables pensent que c'est irréaliste de supprimer des programmes de télé et de radio qui promeuvent l'amoncellement exponentiel des déchets et la consommation à outrance, donc l'épidémie de diabète et d'obésité qui envahit et tue le monde.
Parce que les Gens Raisonnables pensent que la télé publique n'appartient pas à la collectivité. Pour Eux, la télé publique appartient au lobby médiatico-publicitaire (...)»
(extrait de sa chronique Humoeurs publiée le 16 avril 2008).

Une proposition qui vient d’être faite par DéFi au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles devrait intéresser notre nouveau gouvernement: le parti amarante suggère, dans un premier temps, la réalisation d’une étude en vue de supprimer à terme la publicité à la RTBF, à l’instar de plusieurs chaînes publiques en Europe: «Cette proposition n’apparait nullement dans la déclaration actuelle. Pour rappel, les rentrées de la RTBF sont composées à 21% par la publicité. Une réflexion plus globale sur la problématique des publicités – ainsi que sur l’éthique publicitaire – mériterait d’avoir lieu. En outre, il serait pertinent d’interroger le futur gouvernement sur l’objectif recherché par l’audit exhaustif du marché publicitaire belge francophone, et sur la finalité de celui-ci (...)».

Pareille enquête permettrait de contrebalancer enfin le contenu hallucinant d’une autre sur un thème analogue réalisée par la société «Deloitte» en 2011 et dont le cahier des charges préparé à l’époque par le cabinet de la ministre Fadila Laanan fut conçu, selon son directeur de cabinet adjoint, pour «fermer des portes». L’analyse de la suppression de la publicité à la RTBF, la recherche de son manque à gagner et de financements alternatifs devaient se faire avec «un périmètre d’activités inchangées», ce qui ne permettait donc pas de faire des économies notamment grâce à la réduction (pas la suppression) d’émissions de divertissement devenues trop présentes sur le service public. Pour charger la barque, l’enquête prévoyait le financement de la production de programmes nouveaux à diffuser à la place du «vide» à l’antenne provoqué par l’absence de tunnels publicitaires (en TV, 257 minutes par jour, et en radio, 1.314 minutes), comme si une politique de rediffusion aurait été inintéressante pour occuper ces espaces libérés...

Il faudra bien de la détermination à la nouvelle ministre Linard et à son cabinet pour favoriser un renouvellement de cap profond de la RTBF avec bien entendu le soutien du CA (renouvellé) de celle-ci.
Ce n’est pas impossible puisqu’en Suisse, ce type de mutation s’est enclenché pour la SSR (société suisse de radiodiffusion et de télévision) suite à la votation du 4 mars 2018. Gilles Marchand, le directeur général de la SSR, interviewé par L’Obs du 28 juin 2018, présentait ainsi ses projets:
«(...) Nous devons changer notre attitude à l’égard du public, organiser, avec lui, un dialogue beaucoup plus régulier. C’est là que réside l’avenir du service public, sinon il risque une sérieuse crise de légitimité. Nous devons mettre l’entreprise au milieu de la place du village, être un sujet de commentaires, de critiques, d’engagement aussi (...). Le service public s’est longtemps auto légitimé par ses performances: une émission qui a un fort taux d’écoute sera bien programmée et mieux financée. Or, la part de marché n’a plus aucun sens dans un secteur aussi atomisé, il faut évaluer autrement la pertinence de nos offres. Des programmes très regardés ne suscitent aucune adhésion affective alors que d’autres, peu vus, sont porteurs de sens et bons pour l’image (...)».

6. Une étude détaille 54 principes pour mieux respecter le public culturel

Voici une rencontre essentielle pour ceux qui lisent régulièrement notre newsletter.

Elle se déroulera le mardi 8 octobre 2019 de 12H00 à 14H00 à la Bibliothèque Espace 27 septembre, boulevard Léopold II, 44, 1080 Bruxelles (métro Ribaucourt).
Entrée gratuite mais vous munir de votre carte d’identité.
Des sandwiches et boissons sont prévus en fonction des inscriptions enregistrées.
Confirmez votre présence pour le 3 octobre 2019 au plus tard en vous inscrivant uniquement via l’adresse participationculturelle@cfwb.be
Les participants qui le souhaitent recevront un exemplaire des trois volumes de la revue «Repères» (8, 9 et 10), soit près de 200 pages, publiés par l'Observatoire des politiques culturelles.

La thématique de cette Rencontre-Culture sera «Quelles libertés culturelles et quels droits des usagers de la culture en Fédération Wallonie-Bruxelles ?».
Seront abordées les implications législatives d'une telle orientation avec des questions concrètes: de quoi et de qui parle-t-on, quels sont ces droits, qui est concerné/visé (pouvoirs publics, opérateurs, usagers), etc.

Avec deux grandes têtes de chapitre: les obligations de l’organisateur en terme d’information à fournir à l’usager avant qu’il n’achète une prestation culturelle.
Deux exemple sous forme de questions. Peut-on se faire rembourser un livre qui est présenté sur sa couverture comme une autobiographie, alors qu’il s’agit d’un roman? Que se passe-t-il si la promotion d’un spectacle de comédie musicale n’indique pas si les chanteurs sont accompagnés par un orchestre ou des bandes sonores?

D’autre part, les obligations pour respecter l’usager après que celui-ci s’est approprié une production culturelle (livre, DVD, CD, etc.) ou qu’il est entré dans une salle de spectacle, un musée, une bibliothèque, que l’entrée soit libre ou payante.
Il sera aussi, bien entendu, question des devoirs du public. Faut-il légiférer dans ces matières, pourquoi et comment?

Pourquoi ce débat aujourd’hui? L’Observatoire des Politiques Culturelles a consacré trois volumes de sa revue «Repères» (numéros 8, 9 et 10) aux résultats d’une recherche documentaire qui porte sur les libertés culturelles et les droits des usagers culturels.

Cette étude réalisée par Roland de Bodt rend accessibles les références internationales, fédérales et communautaires en ces matières. Elle est établie dans l'hypothèse d'une éventuelle adoption du référentiel des libertés et des droits culturels pour les politiques culturelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Concrètement, les travaux pourraient inspirer une actualisation de l’affiche en 15 points concrets qui précise les droits du public culturel en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Celle-ci a été publiée en 2006. La voici.

Le chercheur détaillera les résultats de ses travaux au cours de cette rencontre-débat.

Je suis un peu, voire beaucoup, juge et partie dans cette aventure. J’ai en effet rencontré de très nombreuses fois le chercheur au cours de ces trois dernières années. Il a mené à bien de façon remarquable son travail. Sa manière d’aborder son sujet est unique et je pense même que c’est une sorte de «première» mondiale. Venez donc découvrir avec son initiateur cette avancée culturelle majeure.

Dans l’étude, 54 principes ont été relevés. Ne prenons qu’un exemple: le 11ème principe indique «Les libertés culturelles ne peuvent être soumises à discrimination. Ni l’information, ni les tarifs, ni les systèmes de réductions proposées, ni les conditions d’accès matérielles ou immatérielles ne peuvent présenter un caractère discriminatoire ou être utilisés à des fins discriminatoires». En fonction de ce principe, il faudra donc contraindre notre gouvernement fédéral à changer les horaires d’ouverture des Musées Meunier et Wiertz. Pourquoi? Voir dans cette newsletter, le point 8.

Parmi les secteurs de la culture, les Centres Culturels jouent un rôle précurseur dans la traduction en actes des droits culturels et ce, depuis 2013, avec l’arrivée de leur «nouveau» décret qui leur a confié la mission de contribuer à l'exercice des droits culturels par tous et pour tous, dans une perspective d'égalité et d'émancipation. La mise en œuvre concrète d’une telle mission appelle de ces opérateurs de nouvelles logiques et dynamiques dans leurs actions, mais aussi la mobilisation de nouvelles ressources et compétences dans leurs équipes.
Liesbeth Vandersteene, directrice de l’ASTRAC (Réseau des professionnels en Centres culturels) dressera un premier tableau provisoire de la façon dont les droits culturels ont mobilisé les équipes de ce secteur ces dernières années.

N’hésitez pas ! Les numéros 8, 9 et 10 de la revue «Repères» peuvent être téléchargés gratuitement sur le site de l'Observatoire des politiques culturelles.

7. Saccage du patrimoine RTBF: de Bla-Bla (en 2007) à Strip-Tease (en 2019)

Le 7 septembre 2019, un article sur le site de la RTBF fête les 25 ans de la naissance de Bla-Bla. C’est une sorte d’aveu: ce programme quotidien pour les enfants fut bien l’un des joyaux du service public puisque celui-ci s’en souvient un quart de siècle plus tard.

Mais il y a aussi une sorte d’amnésie ertébéenne car cet article qui raconte tout de l’histoire de ce petit héros omet d’indiquer la date son décès ainsi que les détails de son agonie voulue par la direction de la RTBF animée par Jean-Paul Philippot.

Voici cet article de commémoration, bien instructif par ailleurs.

Rétablissons la vérité. Le devoir de mémoire est quasi inexistant dans l’audiovisuel, lorsqu’il remet en question son fonctionnement autoritaire. Comment donc la direction de la RTBF a éliminé Bla-Bla et saccagé l’équipe particulièrement efficace, imaginative et peu dispendieuse qui l’animait? En faisait évoluer les heures de programmation de l’émission.
L’un des actes les plus cyniques qu’un diffuseur puisse commettre consiste à dépenser des budgets conséquents pour produire une émission de qualité et programmer celle-ci à un horaire dont il sait pertinemment bien que le public potentiel est dans l’impossibilité matérielle de la regarder. Cet acte odieux de la direction de la RTBF et comment, à l’époque, ministre et parlementaires y ont réagi sont fort instructifs et ils sont commentés dans cette carte blanche parue dans la Libre.

D’autres éléments concernant cette sombre affaire sont synthétisés dans cet article.

Il ne faudrait pas oublier que cet exemple n’est pas isolé: la liste est longue, en ce qui concerne le saccage ou la récupération du patrimoine de la RTBF, de l’arrêt de «La Semaine Infernale» en 2011 à la revente, en 2019, sans avoir la courtoisie de prévenir ses auteurs, de la perle rare «Strip-Tease» à des fossoyeurs qui dénaturent le concept légendaire de ce programme en créant de nouveaux épisodes dont la diffusion sur une chaîne privée française subira, durant l’été 2019, de façon généralisée, les doléances de la critique et les avis négatifs des téléspectateurs.

À lire, l’article de l’hebdomadaire culturel français Télérama.

8. Musée fermé = attraction touristique

Désormais, à Ixelles, un bus touristique passe deux fois chaque dimanche devant le Musée Constantin Meunier pour montrer à ses passagers qu’il est fermé tous les week-ends.
C’est le «Tour des turpitudes» bruxelloises. Montrer ce qui ne va pas dans la capitale européenne, et ce musée en est un exemple.

Cette institution fédérale est également close les jours de congé légaux et quand elle est ouverte du mardi au vendredi de 10H00 à 17H00, elle referme également ses portes pour la pause de midi. Bref, le Meunier donc est inaccessible, dans ses horaires normaux (il y a parfois des ouvertures exceptionnelles dans le cadre d’autres activités, comme les nocturnes des musées bruxellois) à plus de la moitié de nos citoyens, la population active.

Le guide de ce «Tour des turpitudes» est un savoureux comédien, Jean-Michel Briou. Consoloisirs l’a interrogé.

  • Que dites-vous dans votre bus à propos du Musée Meunier?
    Qu’il s’agit d’un musée charmant consacré à un artiste extraordinaire. Je le conseille à ceux qui ne le connaissent pas mais leur recommande de bien se renseigner sur ses horaires.
  • L’avez-vous visité? Qu’en pensez-vous?
    Les œuvres sont d’une grande force.
  • Pourquoi l’avoir choisi pour votre tour Turpitour?
    Le Turpitour met en évidence les situations aberrantes de la ville. Un musée fermé le week-end est un très bon exemple.
  • Comment les passagers de votre bus réagissent-ils?
    Ils éclatent de rire.
  • Si nous gagnons un peu grâce à vous ce combat pour une réouverture en week-end, continuerez-vous à passer devant ce musée avec votre bus pour indiquer que les citoyens peuvent faire évoluer... un tout petit peu... les situations absurdes?
    Pourquoi pas. Mais mon propos n’est pas moral. Le tour est humoristique.

Un pétition qui demande un changement des heures d’ouverture du musée Meunier (et du Musée Wiertz qui est dans le même cas) est déjà soutenue par plusieurs milliers de personnes.
Peut-être que le futur gouvernement fédéral tiendra compte de celle-ci. C’est bien le moment de la signer et d’inviter vos amis à faire de même.

9. Même tactique pour multiplier les pubs chez TF1 et RTL-TVi

Tant en France que chez nous, la présence publicitaire s’accentue sur les télévisions privées. Et bien plus discrètement en Fédération Wallonie-Bruxelles que chez notre voisine.

Franck Riester, le nouveau ministre de la culture, a l’intention très prochainement de développer dans l’audiovisuel la présence publicitaire, et de multiples façons.

En France, l’année dernière, TF1 a décidé d’introduire de manière indirecte des coupures de publicité dans son journal télévisé de 20H.
Le programme initial a été quelque peu raccourci. À la fin de celui-ci, le présentateur annonce qu’il va proposer dans «un instant» un reportage sur un thème particulier. Vient ensuite la séquence publicitaire, et puis revoilà l’animateur qui présente dans «Le 20H Le mag» la séquence annoncée déjà précédemment. Il s’agit en fait d’un de ces reportages que TF1 programmait normalement à la fin de son 20H. Il est toujours là, après les publicités, mais on fait croire qu’il s’agit d’une autre émission que le 20H proprement dit. Ainsi, astucieusement, le 20H de TF1 a trouvé «le» truc miracle et légal pour imposer à son public une coupure pub supplémentaire.

RTL-TVi imite TF1 depuis le début de ce mois de septembre 2019, en saucissonner son JT de la mi-journée non pas en deux mais bien en trois parties... Mais chez nous, cela s’est fait de façon beaucoup plus discrète. Heureusement que L’Avenir y a consacré un article, dès le 24 août 2019.

Laurent Haulotte, directeur de l’information et des sports, y affirme que sa chaîne n’imite vraiment pas TF1 mais que l’astuce de son 20H «est un exemple intéressant». Et pourtant...
Plutôt que d’introduire des coupures de publicité dans son journal télévisé... RTL-TVi a scindé son ancien programme en trois parties afin, selon l’explication officielle, de mieux le segmenter pour le redynamiser!
Désormais, entre les publicités, il y a «RTL Info Bienvenue», de l’info service avec la météo, l’info des régions, un décryptage de l’actu avec un invité... Puis le vrai JT à proprement parlé, dans une version resserrée. Enfin, vers 13H20, «RTL Info et vous», soit de l’info détente, la découverte, le lifestyle, la culture.
«La cohérence sera assurée par un seul présentateur pour ces trois rendez-vous» explique Laurent Haulotte. Le tour est joué. Les publicitaires doivent être contents.

C’est l’organe de régulation du Grand Duché du Luxembourg qui, seul, pourrait enquêter sur ce saucissonage puisque la chaîne privée de télévision la plus populaire des belges francophones a émigré dans ce pays voisin bien qu’elle soit diffusée essentiellement chez nous et grignotte une bonne part de notre magot publicitaires.

Précisons que, contrairement à la législation française, la nôtre interdit l’insertion de la publicité dans les JT et dans les journaux parlés.
En 2009, notre CSA a d’ailleurs ouvert une instruction d’initiative à l’encontre de Bel RTL pour diffusion de publicités dans ses journaux parlés. Suite à quoi, cette pratique a été immédiatement arrêtée. À l’inverse de ce qui va se passer pour la nouveauté du 13H en télé.

Pourquoi donc cette différence? La stratégie de shopping législatif rtlienne joue. Les fréquences radio constituant des ressources limitées chez nous, les radios privées sont soumises à un régime d’autorisation (contrairement aux télévisions soumises à un régime déclaratif). Pour recevoir l’autorisation d’émettre en Belgique, Bel RTL est donc obligée de rester établie en Fédération Wallonie-Bruxelles.
À l’inverse de ses télévisions établies au Grand Duché où la législation est souvent plus permissive pour les grands acteurs économiques.
On comprend mieux ainsi tout le combat de notre CSA depuis plusieurs années pour «rapatrier» les télévisions de RTL-TVi sous son autorité. C’est notamment pour que les téléspectateurs de la chaîne privée soient moins noyés par les assauts publicitaires.

10. Merci, les usagers culturels!

Voici un petit exemple bien symbolique qui montre qu’un organisateur culturel peut parfois améliorer son travail grâce à la prise en compte d’une remarque qui émane d’une association d’usagers culturels.

11. Une plainte «François de Brigode» déposée au CDJ

Ce que beaucoup ne savent pas, ou ont oublié, c’est le fait que, concernant la RTBF, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui peut notamment infliger dans amendes a perdu son pouvoir de traiter les plaintes des usagers qui concernent d’éventuelles fautes déontologiques.

Le CSA, organe de régulation, doit transférer ces plaintes au Conseil de Déontologie Journalistique (CDJ). C’est cet organe d’autorégulation, qui ne peut en aucun cas donner des amendes, qui est chargé de traiter ces dossiers. Donc, on n’atteindra plus jamais au portefeuille du média pour ce type de dossier.

Un bémol, cependant: le CSA reste compétent s’il considère qu’une plainte porte à la fois sur la déontologie et sur une disposition de la législation audiovisuelle: atteinte à la dignité humaine; incitation à la haine, la violence ou la discrimination; protection des mineurs ou publicité clandestine.

Comment déposer plainte?

Ma plainte au CDJ (17/09/2019)

«(...) À la RTBF, le 10 septembre 2019, aux environs de 8h45, Messieurs Alain Gerlache et François de Brigode étaient invités à commenter l’actualité du jour sur La Première.

Concernant la décision du nouveau gouvernement de la FWB de limiter la publicité dans la tranche matinale de La Première, Monsieur de Brigode a d’emblée estimé que la publicité est une bonne chose parce que “c’est créatif et ça rapporte de l’argent”. Puis, il a fait part de son inquiétude: quand le politique commence à s’occuper des programmes, on ne sait pas jusqu’où ça peut aller.

Cette réflexion est consternante à maints égards.

D’abord parce que la législation audiovisuelle opère une distinction fondamentale entre les programmes et la communication commerciale (dont la publicité est le principal vecteur). La publicité n’est donc pas un programme et légiférer à son sujet ne constitue en rien une ingérence dans la liberté éditoriale de la RTBF.

Ensuite, le présentateur du JT, qui est censé suivre l’actualité au quotidien depuis vingt ans qu’il pratique, devrait savoir que si la RTBF a eu besoin du politique pour lui permettre de diffuser de la publicité, la moindre des choses est de lui reconnaître le droit de la limiter ou même de l’interdire, bien sûr selon des procédés légaux et sans atteindre à la liberté d’expression de qui que ce soit !

Enfin, Monsieur de Brigode a évidemment le droit de commenter librement cette décision en sa qualité de chroniqueur (même si c’est pour raconter n’importe quoi).
Mais quand on est à ce point juge et partie, n’oublions pas qu’il est salarié du service public, on peut au moins attendre de la RTBF qu’elle veille à donner aussi la parole à des personnes qui s’en félicitent, ce qui n’a pas été le cas lors de l’évocation précise de ce sujet lié à l’actualité immédiate.

Je demande donc précisément au CDJ, afin que le public ne soit pas induit en erreur, qu’il propose à la RTBF de rectifier et donc d'expliquer clairement à ses auditeurs que, contrairement à ce qui a été exprimé à l’antenne par Monsieur de Brigode, qu’une communication commerciale n’est pas un programme de la RTBF.
Puisse cette rectification salutaire être faite le plus rapidement possible un jour de semaine aux environs de 8H45, sur La Première (...)».

La réponse du CDJ (26/09/2019)

«(...) Toute plainte introduite au CDJ doit porter sur un enjeu déontologique. Or, après lecture attentive de votre courrier et analyse de l’émission, je constate que les enjeux que vous identifiez ne présentent pas d’indices de concrétisation.

En effet, je note d’abord que le passage contesté se déroule dans le cadre d’une émission plus large organisée sous la forme d’un échange entre deux journalistes et un présentateur autour d’un fait d’actualité: l’accord du gouvernement.

Cet échange aborde successivement plusieurs volets de l’accord brièvement commentés par les journalistes.
On peut remarquer que la forme d’émission choisie par le média  n’est pas le débat (qui convoquerait différents points de vue pour éclairer la problématique sous ses différents aspects) mais l’analyse, le commentaire (les journalistes donnent brièvement leur point de vue sur les différents questions posées).

On rappellera que le choix du format d’émission, comme le choix des sujets soumis à discussion et leur durée, relève de la liberté du journaliste (art. 9 du Code de déontologie journalistique).
De tels choix peuvent être critiqués mais ils  n’entrent pas dans le cadre d’un manquement à la déontologie. Par ailleurs, le fait de solliciter l’avis d’un journaliste sur tel ou tel point de  l’accord – ici l’étonnement sur le fait que cet accord cite “Matin Première” – n’empêche en rien le média de revenir sur le sujet ultérieurement de manière plus complète, d’autant que dans ce cas, il s’agit là d’un point d’actualité à envisager dans sa continuité dès lors que l’on parle d’un accord qui devra connaître des développements futurs.
A cet égard je relève d’ailleurs que le journaliste intervieweur indique explicitement à la fin de la discussion sur la question de la publicité: “Bon, on verra ce que tout cela donne concrètement puisque ici on est encore dans l’intention. On verra comment ça se traduit dans les faits”.

Ensuite, je relève aussi, comme vous le remarquez vous-même, que l’opinion émise par le journaliste relève de sa liberté.
Le Code de déontologie retient que la liberté d’opinion n’élude pas le respect des faits et que l’opinion ne peut se confondre avec les faits. Ce qui est respecté dans la séquence observée.

En effet, je constate sur ces deux points que les propos en cause portent sur la mention dans la déclaration de politique générale de la réduction de la pression publicitaire en radio dans la tranche matinale de “La Première”, soit exactement le moment où ces propos sont échangé.

M. De Brigode intervient après que M. De Gerlache a indiqué, rappelant qu’il y a 5 matinales, que “la question, c’est pourquoi la matinale de La Première?” et y a répondu par démonstration que “Tout simplement parce que c’est celle qui leur (les politiques) donne la parole et celle qu’ils écoutent et donc c’est forcément là qu’ils ont envie d’avoir le moins possible de pub (...)”.
Lorsque M. De Brigode met en avant le problème de l’intervention du politique dans la liberté éditoriale, il le fait dans le cadre de cet échange qui traite de la réduction de pression publicitaire relative à une émission en particulier dans un but de type éditorial.

Par ailleurs, pour ce qui concerne l’avis de M. De Brigode sur la publicité (“c’est créatif”, “Ça rapporte aussi de l’argent et ça nous permet de vivre”), il vient compléter la position de M. De Gerlache qui a rappelé que “La pub, c’est ce qui permet (aux politiques) de ne pas donner trop d’argent à la RTBF tout en lui imposant un certain type de mission”.
Le journaliste indique bien avant d’énoncer cet avis qu’il rend compte de son point de vue personnel (“moi je trouve”), en précisant que ce dernier n’est pas partagé par tous et que le sujet fait l’objet de visions opposées (“Certains disent que la pub c’est quelque chose qui sent mauvais. On a connu ça à une certains époque. Moi je trouve que la publicité c’est bien (...)”).

Dès lors, au vu de ce qui précède, constatant l’absence d’indice de concrétisation d’un enjeu déontologique, je décide conformément à l’art. 1er de notre règlement de procédure de ne pas ouvrir de dossier (...)».

Ma réaction au classement sans suite du CDJ (30/09/2019)

«(...) Je vous remercie pour votre réponse mais je m’oppose à votre décision de ne pas ouvrir le dossier de ma plainte.
En effet, j’ai relu plusieurs fois votre lettre et je ne trouve aucune réponse circonstanciée de votre part à la demande concrète (je n’ai pas écrit pour rien “Je demande précisément au CDJ”) qui terminait ma lettre. Elle constituait pourtant précisément le cœur de ma plainte.

Voici le rappel de cet extrait dont vous semblez ignorer l’existence dans votre réponse:
“(...) Je demande donc précisément au CDJ, afin que le public ne soit pas induit en erreur, qu’il propose à la RTBF de rectifier et donc d'expliquer clairement à ses auditeurs que, contrairement à ce qui a été exprimé à l’antenne par Monsieur de Brigode, qu’une communication commerciale n’est pas un programme de la RTBF. Puisse cette rectification salutaire être faite le plus rapidement possible un jour de semaine aux environs de 8H45, sur La Première (...)”.

J’espère donc que vous réagirez de façon détaillée à cet élément principal de ma plainte et que vous accepterez ensuite d’ouvrir enfin le dossier de ma plainte (...)».

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Merci !

PS: Dans notre prochaine newsletter, nous publierons la réaction du CDJ à ce nouveau courrier.

 

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