« Entartons, entartons les pompeux cornichons ! »

Pasta

Par | Penseur libre |
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© Wich

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Tel était le cri de guerre du Gloupier, dit l’entarteur, alias Noël Godin, Bernard Henri Lévy étant sa cible de prédilection.
Reconnaissons à ce dernier un certain sens de l’humour, car il ne porta jamais plainte, du moins à ce que je sache, ce qui ne fut pas toujours le cas d’autres pompeux cornichons.
C’est peut-être ces sales manières judiciaires qui ont refroidi les ardeurs gloupières si bien que cette heureuse et amusante habitude est plus ou moins tombée en désuétude, les pompeux cornichons n’ayant aucune reconnaissance pour les slapsticks qui les avaient tellement fait rire durant leur jeunesse.
Il est vrai, c’est regrettable que les slapsticks ne sont plus à la mode sur nos écrans.
Et que les pompeux cornichons ont la jeunesse quelque peu cacochyme. C’est de naissance.
Les slapsticks, pour ceux qui ne savent pas, étaient des films, longs ou courts dans lesquels, suite à quelque fâcherie entre deux individus, les tartes à la crème finissaient par voler en escadrille, contaminant brutalement des assemblées nombreuses. Ça pouvait se poursuivre jusque dans la rue, les transports en commun, au théâtre, au parlement, etc.  On ne se demandait même pas d’où sortait cette armada de tartes ! Elles étaient là, c’est tout. Comme dans les westerns où les révolvers ne se rechargent que tous les deux ou trois mille coups.
Quoi qu'il en soit, on avait pris l’habitude de l’entartage, plutôt réservé, malgré quelques dérapages, à Bernard Henri Lévy et autres grandes pointures. Encore qu’assimiler Bernard Henri Lévy à une grande pointure relève de l’abus de langage.
Revenons sur les lieux du crime de lèse-baudruche. Dimanche dernier, à Namur, le MR « brunchait » (il y a longtemps qu’on ne mange plus sur le pouce à midi. Quand on brunche, c’est meilleur, puisqu’en anglais), le MR, donc, s’empiffrait gentiment entre gens convenables, lorsque des Gilets jaunes locaux voulurent tremper leurs doigts dans les petites sauces, histoire de vérifier si elles étaient à la hauteur des gastronomes. Les pauvres ont leur dignité : ils tiennent à ce que leurs riches soient nourris convenablement.   
Georges-Louis Bouchez-double, s’apprêtait à un pugilat verbal avec le représentant des malotrus qui avait commencé par déclarer : « En effet, si le PS représente la gauche du Capital, le MR reste le plus fervent défenseur du capitalisme et de sa version actuelle, le néolibéralisme autoritaire ». Rhôôôôôô ! De la pure désinformation sûrement financée par Poutine et Xi Jinping.
Georges-Louis, piqué au vif, bondit dans l’arène.
Mal lui en prit, car un manifestant sans qualification particulière, lui cloua le bec avant même qu’il l’ait ouvert, non d’une tarte à la crème, mais d’une poignée de farine !
Bien vu, mais tout de même un cran en dessous de la pâtisserie traditionnelle. Certes, le geste partait d’une bonne intention, mais le pompiérisme habituel du président du MR méritait mieux qu’un simple saupoudrage de farine.
Humilié, considéré comme quantité inférieure à Bernard Henri Lévy, le président du MR rompit le combat, faisant valoir, en substance, que dans ces conditions, le débat démocratique ne pouvait avoir lieu.
Il semble que l’assemblée, toutes tendances confondues, fut de cet avis.
On ne soupçonne pas la puissance des lieux communs !
En effet, je pense que le manifestant anonyme a eu la seule réponse raisonnable à ce genre de faux débat avec un professionnel de la politique.
Le manifestant lambada (lambda, oui, je sais) exprime quelque chose de personnel, qui lui tient réellement à cœur, même si c’est généralement assez confus. Il dit son désarroi, ses conneries, sa colère, fulmine dans tous les sens sans avoir construit sa diatribe, il croit, bêtement, que dire, en face, ce qu’il pense à celui qu’il tient pour un malfaisant qui lui pourrit la vie, ça va faire avancer le schmilblick ! La naïveté dans toute son horreur !
Le pro, lui, n’exprime rien de personnel, il se fout même totalement de ce que pense son interlocuteur. Ce qui importe, c’est l’audimat que ses réponses vont susciter dans les médias, le nombre de « like » sur Fesses de bouc et toutes ces sortes de choses qui font progresser le savoir et la conscience humaine, mais aussi l’impact que tout cela aura dans la progression de sa carrière politique. À l’aise ! Il n’a aucune obligation de résultat, en vertu du principe énoncé par feu Charles Pasqua, (un fin connaisseur) : les promesses n’engagent que ceux qui y croient ! (Citation attribuée à divers autres politiciens [lucides !], d’après mes recherches). Enfin, il ne doit pas oublier qu’il est le représentant d’une marque qui lui assure son gagne-pain : son parti. On rigole pas avec ça.
 Il est entrainé par une équipe de « communicants ». Jour après jour, ils lui apprennent à répondre à n’importe qui, à n’importe quoi dans n’importe quelle situation ! Long et pénible apprentissage ! Pro de la politique, ça ne s’improvise pas. Il faut garder l’air naturel, faire comme si les arguments venaient tout seuls, avoir étudié, répété, gestes, mimiques et attitudes afin de susciter l’adhésion du public.
Un vrai livret de théâtre.
Perso, je préférerais un livret d’opéra. Voir Georges-Louis ou l’Amer Michel chanter leurs tirades serait tout de même plus plaisant. Et sans doute plus crédible, car ce qui importe à l’opéra, mieux qu’au théâtre, c’est encore plus l’illusion du vrai ; et si c’est bien joué, la qualité de la prestation emporte l’adhésion.
Il serait temps que l’art du débat politique professionnel s’enseigne dans les académies pour les simples amateurs, puis au conservatoire pour ceux qui persistent dans le métier, à condition que l’entartage de nos artistes soit reconnu comme un droit de réponse légitime et constitutionnel.
Dans l’état actuel des choses, l’amateur, vous, moi n’avons aucune chance dans l'affrontement, voire rendons service à l’interlocuteur honni.
Bon, là-dessus, vous ne tomberez pas sur votre cul de surprise si je vous dis que toutes les généralisations sont abusives. Il peut, en effet, y avoir dans les entreprises politiques d’honnêtes travailleurs qui pensent réellement œuvrer à quelque chose d’utile à leurs semblables, selon eux. Le problème, dans ces établissements, c’est la hiérarchie et la compétition qu’elle engendre. Plus on grimpe à l'échelle, plus on a de pouvoir ! Ceux qui ne jouent pas le jeu, ou du moins modérément, donnent le sentiment de servir la soupe à des forbans qui ne pensent qu’à leurs oignons.
Oui, bon, on va parler de poujadisme, car l’existence de partis politiques aussi divers que possible est le gage de la démocratie, nous dit-on. Oui. A condition que cette exigence ne soit pas instrumentalisée par des voyous, des pervers narcissiques, des arrivistes forcenés. C’est là toute la difficulté et aussi la cause du poujadisme.
J’espère qu’on m’applaudit bien fort dans les chaumières, car je viens, sans augmentation du prix de l’abonnement à Entre Les Lignes, de défoncer devant vous quelques portes ouvertes.
En tout cas, c’est moche pour Georges-Louis. L’enfarinage, dans la tradition du cirque, c’est le maquillage du clown blanc. Vous savez, celui qui fait le sérieux et veut ramener l’Auguste à la raison. La sienne, bien sûr.
Va-t-on vers une évolution des usages circassiens ? Un clown bleu (même sans teinter la farine), ce serait un bouleversement.
O tempora, o mores !
Que le Monstre en spaghetti volant vous touche de son appendice nouilleux.
Ramen.

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