Du pipeau

L'obsession du renvoi des étrangers en séjour irrégulier donne des résultats chiffrés stupides, en Belgique comme partout. La secrétaire d'État Nicole de Moor a divulgué le nombre d'expulsions à 8.333 pour l'année 2023, soit une hausse de 12% mais moins en valeur absolue qu'avant la pandémie. Outre que ce chiffre est dérisoire par rapport à la réalité du nombre des illégaux et irréguliers, il ne représente absolument rien du tout. Jugez-en. D'abord un peu de plus de 1.800 de ces renvois ont consisté à ne pas pouvoir entrer sur le territoire belge par un refus à la frontière (aux aéroports, principalement). Les bons six milliers d'autres se répartissent environ par moitié entre départs forcés et départ volontaires. Encore que le mot volontaire est cynique: pincé, l'étranger sans titre de séjour a le choix entre être rapatrié ou, s'il conteste la décision, a être détenu en rétention pendant la procédure. Autant dire que ce qui se passe, c'est qu'il accepte, surtout s'il est de nationalité brésilienne (plus de 900 cas). Il prend l'avion et puis... il revient, en fait. La plupart de ces clandestins sont en fait non pas de dangereux criminels dont on comprend aisément l'intérêt de les virer mais des demi-citoyens qui forment une main d’œuvre genre lumpenprolétariat, femmes de ménage ou ouvriers dans la construction la plupart du temps, ce qui arrange bien du monde, le travail au noir tirant en prime les salaires vers le bas.

Il faut savoir qu'un ressortissant brésilien peut entrer en Belgique sans visa, muni seulement d'un passeport en règle. Ce lumpenprolétariat, essentiellement urbain, vit dans la débrouille, loue des appartements, a des enfants qui vont à l'école et ne repartira en vérité jamais.

Autrement dit, Mme de Moor joue du pipeau et ces statistiques ne sont là que pour contrer le discours haineux de l'extrême droite, qu'elles renforcent plus qu'elles ne la désamorcent.