49.3 ne font pas 50.1

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Impression soleil couchant. L'Assemblée nationale, à Paris, photographiée depuis la si mal nommée place de la Concorde... Photo © Jean Rebuffat

commentaires 0 Partager
Lecture 3 min.

Qu’est-ce qu’une majorité? Qu’est-ce qu’une opposition? De récents ou actuels soubresauts politiques et sociaux en Belgique et en France aboutissent à se poser une nouvelle fois la question. Qu’on me permette une réflexion personnelle d’abord car il y a une part intime, un sentiment, au fond un peu semblable au sentiment national, un sentiment d’appartenance somme toute assez banal et que l’on peut ressentir dans bien des circonstances, depuis son équipe de foot favorite jusqu’à la lecture d’un média ou d’un livre. L’art lui-même n’est pas basé sur autre chose. Eh bien, en politique, alors que je suis moi-même (un petit) mandataire, ce sentiment de faire partie d’une majorité, je l’ai éprouvé rarement. La première fois, ce fut le 10 mai 1981, quand François Mitterrand fut élu président de la République. La fois la plus forte, la plus intense…

Il est en fait psychologiquement bien plus aisé de faire partie d’une minorité, non pas tant par besoin de singularisation, mais parce que chaque être humain a sa propre représentation du monde et qu’elle ne correspond jamais entièrement au monde réel. Une majorité, en d’autres termes, n’est jamais que la superposition plus ou moins solide de minorités à la recherche d’un dénominateur commun.

En politique, cela se complique d’autant que l’habitude existe ou non de résoudre les problèmes par des compromis. C’est défoncer une porte ouverte d’observer qu’en Belgique ou en France, c’est exactement le contraire. Dans le Royaume, à quelque niveau de pouvoir que ce soit, il y a pratiquement toujours une coalition. En République, le système électoral produit des majorités souvent très confortables. Mais quand cela ne se produit pas, c’est la catastrophe assurée. La seule garantie qui existe est très décriée : c’est l’article 49.3 de la Constitution. Pour réparer la IVème République, en crise permanente, la Vème a estimé utile – général de Gaulle en tête – de faire en sorte qu’il faille renverser le gouvernement, autrement dit former une nouvelle majorité, s’il existe une majorité relative. Dans les pays anglo-saxons, il n’y a que très rarement une vraie majorité. Le Royaume Uni, avec ses scrutins uninominaux à un seul tour, en est le plus parfait exemple, et cela n’y choque personne. En France, si. Le président est souvent élu par défaut; les deux derniers, en particulier. L’usage du 49.3, pourtant limité par la réforme Sarkozy, ne peut dans ces conditions n’apparaître que comme un coup de force, un déni de démocratie, surtout dans des débats crispés qui touchent à la vie quotidienne des gens, comme l’âge de la retraite, sorte de ligne d’arrivée, de récompense d’une existence de labeur par une sorte de droit à la paresse, au farniente, qui n’est auparavant possible que par intermittence, pendant les vacances principalement; peu importe si c’est un leurre, c’est un but majeur.

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

Et puis de toute façon, même une bonne raison peut devenir un prétexte. Emmanuel Macron a eu jadis et n’a plus une majorité parlementaire ; il n’a jamais eu de majorité tout court, semblant illégitime dès le départ, puisque son élection fut le fruit d’une trahison puis d’un refus de l’autre terme de l’alternative.

Alors qu’en Belgique, même les gouvernements régionaux se dépatouillent de conflits internes en apparence insolubles, et qu'on y vit parfois presque deux ans sans gouvernement fédéral, la France risque de se retrouver ingouvernable.

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte