Mort, l’état de droit belge va-t-il ressusciter ?

Question d'optique

Par | Journaliste |
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Photos © Jean-Frédéric Hanssens

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C’est un cortège inattendu qui s’est avancé, ce jeudi midi, aux alentours de la Tour des Finances, au boulevard du Jardin botanique à Bruxelles. Là où le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a ses bureaux. En toge, plusieurs centaines d’avocats, et autant de défenseurs des droits humains vêtus de noir, suivaient un cercueil recouvert du drapeau belge. Les cartons mortuaires avaient été distribués un peu plus tôt dans la semaine.

La Démocratie, sa fille,
Le Respect de la Séparation des Pouvoirs, son fils,
Les Droits Fondamentaux, ses petits-enfants,
Le Respect de la Dignité Humaine et des Décisions de Justice, ses amis,

Ont l'immense douleur de vous faire part du décès de
L’ÉTAT DE DROIT
(1830-2022)
décédé en Belgique après plus d’un an d’une longue et douloureuse agonie des suites du non-respect de plus de 7.000 décisions judiciaires ordonnant à l’État belge de fournir un accueil aux demandeurs et demandeuses d'asile.

Une mise en scène justement théâtrale pour tenter d’éveiller les consciences du gouvernement après des semaines et des mois de silence assourdissant. Quand l’exécutif ne respecte pas la loi qui dit qu’il faut accueillir les demandeurs d’asile et ne respecte pas non plus le pouvoir judiciaire qui l’y condamne systématiquement, où est l’État de droit ?

Il s’agit de 2.000 personnes, dont des femmes et des enfants, qui dorment dans les rues de Bruxelles depuis des semaines. Alors qu’elles ont le droit d’être hébergées. L’État belge doit être courant, il a été condamné 7.000 fois par un tribunal belge et 150 fois par la Cour européenne des droits de l’Homme. S’il ne bouge pas, c’est qu’il est mort.

Différents membres de la famille de l’état de droit ont pris successivement la parole, chacun à sa mode. La Ligue des droits humains en une terrifiante analyse médicale, pointant les signes avant-coureurs qui ont été négligés pour aboutir à une maladie mortelle et à l’actuel constat de décès. Le bâtonnier pour demander s’il y aurait une résurrection de l’état, pour appeler le gouvernement à prendre ses responsabilités, pour rappeler que quand l’être humain est complètement seul, il lui reste l’avocat. Les avocats même car plus de 200 d’entre eux sont mobilisés dans la défense des demandeurs d’asile. Une magistrate tout aussi indignée que la justice soit bafouée. Une avocate pour indiquer une avancée du tribunal du travail qui dit que « c’est l’État belge dans son ensemble qui est responsable » et qui ajoute que les astreintes peuvent dorénavant aussi être cherchées chez l’État belge, chez le gouvernement dans son ensemble. Un huissier pourrait donc aller saisir des tableaux aux cimaises de Madame De Moor.

Quant au ministre de la Justice sous les fenêtres de qui se tenait le rassemblement mortuaire, il ne s’est montré qu’absent et muet.

Aujourd’hui, il n’est plus admissible que Nicole De Moor, Secrétaire d’état à l’asile et à la migration, continue à se réfugier derrière des projets à moyen terme. C’est à l’urgence immédiate de cette crise inouïe qu’elle doit répondre, les 2.000 personnes qui dorment en rue en plein hiver, les 700 personnes installées au Palais des Droits. Il n’est plus admissible qu’elle réponde qu’« il n’y a pas de volonté politique à propos de la migration ». Et l’ensemble du gouvernement, où figurent des partis dits de gauche, est aussi coupable de silence qu’elle.

Lucie Cauwe

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