Lamentations d’un agent de la MONUSCO

Confidences du chauffeur du Ministre

Par | Penseur libre |
le

Des femmes Casques bleus d'Afrique du Sud en patrouille en République démocratique du Congo. Photo MONUSCO/Michael Ali

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Coup de tonnerre en plein nganda-bar de notre quartier d’en-bas. Le gérant est dans tous ses états, et il a sonné l’hallali de tous les compagnons de route et de lutte, parmi lesquels les collègues ambianceurs. Ce gérant, bluffeur comme d’habitude, a écrit sur l’invitation affichée sur le comptoir que « vu la pression de l’actualité brûlante, vu l’urgence et la nécessité, l’ordre du jour sera communiqué sur place, à l’endroit habituel, à l’heure habituelle. » Ce n’était un secret pour personne, surtout pas pour les cuiteurs, concernant l’« endroit habituel ». Mais le mystère sur l’« ordre du jour » avait de quoi surprendre : un nganda-bar n’est pas le lieu indiqué pour des messes basses…

Et pourtant, pour moi, entre d’une part, la corvée professionnelle et matinale au volant de la voiture ministérielle ; et d’autre part la curiosité d’un rendez-vous au nganda-bar, j’ai choisi ce dernier. Pour une fois, j’ai privilégié le gérant plutôt que mon Ministre d’Etat. J’ai donc fait, comme dit un jargon de chauffeur, j’ai fait … route buissonnière.

L’ironie du sort a voulu qu’en pénétrant dans le nganda-bar à l’heure du rendez-vous, j’ai croisé entre autres cuiteurs, l’un parmi les plus familiers : un agent de la MONUSCO, un ressortissant sahélien, en permission et en civil. Le quorum atteint, le gérant a ouvert la séance ; il a branché son enregistreur et les amplificateurs. A notre grande surprise, l’audition nous a révélé un message cinglant : il s’agissait de la voix du Secrétaire général de l’ONU, Mr Antonio Guterres ; ce dernier, « Cassandre » (comme l’a surnommé mon Ministre d’Etat), y faisait publiquement le deuil des forces onusiennes au Congo, soldats d’opérette devant, d’après lui, l’Armada des rebelles à l’Est. Surprise et colère des clients du nganda-bar. Le gérant cherchait-il un bouc émissaire, il l’a trouvé facilement : c’était l’agent de la MONUSCO, l’agent « monuscovite », comme nous l’appelions. Quelle tête de mort, pauvre agent monuscovite, après la sortie fracassante du patron des Nations-Unies ! Le gérant lui, ne lâchait pas sa proie. L’objet de la rencontre s’est transformé en réquisitoire contre le pauvre « représentant » monuscovite, pourtant adepte adopté   au nganda-bar.

Gérant : « Toi, Monuscovite, que penses-tu des propos défaitistes de ton Chef Suprême, Guterres, « Gouterrestres » ?

Agent monuscovite : « Moi pas savoir. Moi pas savoir ce monsieur-là ».

Gérant : « Faux ! C’est ton patron. Lui ou toi, c’est pareil pour nous. Lui a parlé en ton nom : il dit que la Monusco est une armée naine, muette face à des rebelles renégats. Une naine, une muette qui coûte cher, très cher. Ce sont des propos de démission ; c’est ta démission aussi »

Agent monuscovite : « Moi amoureux du Congo, moi épousé Congolaise, épousé Kinoise. Ah! Congo-Eloko-Makasi ! (Ah Congo-Métal- Inoxydable !). Ah! Kin-Bopeto, Kin-Femme-Bio! Ah ! Kin-Kiesse !  Moi aime à mort Congo. Moi, votre beau-frère. Moi venir au Congo pour paix. »

Gérant : « Assez de tes beaufréries ; assez de ta paix de sang. Tu as trahi le pays-beau-frère. Dégage ! »

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… La palabre    prenait   une tournure incendiaire.  Comme alcool sur le feu. Je me suis interposé, en partie en solidarité avec le collègue chauffeur, en partie avec un beau-frère, en partie avec un agent innocent, en partie avec un ami cuiteur.

… Mais avant de conclure, j’ai tenu à rappeler à notre assemblée ce qu’à ce propos, mon Ministre d’Etat a toujours dit, à savoir que « la faute n’était pas à autrui, à quelque bouc émissaire ; mais à nous-mêmes d’abord, le maillon faible ».

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