Le chien cannibale de Ndjili

Confidences du chauffeur du Ministre

Par | Penseur libre |
le
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Témoignage (sur une histoire vraie,)

… Il avait hurlé toute la nuit, le chien de papa. Il hurlait comme en chaleur, comme de solitude, comme de colère, comme de douleur. Comme de tout ça à la fois. J’ai réveillé mon papa, le vrai propriétaire du bouledogue ; il n’a pas bronché et continuait à ronfler comme un torrent. Je lui ai crié dessus, à mon papa : parce que je n’aime pas les chiens ; surtout pas les bouledogues. Parce que les bouledogues sont affreux et arrogants. Parce que ma bambine de deux ans elle, s’est attachée, contre ma volonté, à l’amitié du quadrupède ; et je n’aime pas ça !

… Le lendemain matin mon papa le propriétaire du chien, s’est mis à nous engueuler ma fille et moi, au lieu d’engueuler son chien braillard et insomniaque. Pis que ça : papa se faisait l’avocat du cabot, me rappelant que le bouledogue, race rare, était à lui seul toute une histoire, tout un patrimoine, un héritage de son ancien patron blanc, rentré depuis lors chez lui en Europe, pour une retraite confortable ; que lui avait pour le chien une affection paternelle. Que, parmi les précautions attentionnées, le Blanc lui avait recommandé des périodes de jeûne pour le chien, afin d’aiguiser sa fringale, et donc son agressivité sauvage de l’animal contre les voleurs et autres cambrioleurs. Qu’il n’y avait rien à craindre d’un animal domestiqué et familier des siens. J’avais rétorqué que les habitudes alimentaires de ce chien-là n’avaient rien du repas d’un bouledogue ; qu’au contraire, avec la crise, le chien carnivore avait été transformé en herbivore, en insectivore, et même en multivore…

… Et donc le lendemain matin, mon papa le propriétaire a enfin libéré de sa cage son chien affamé. Le chien est passé devant ma porte en grommelant et en faisant les cent pas, comme une marche de provocation et de protestation. Ma petite fille, habituellement familière et amie du chien, s’est approchée de lui, et a entrepris de le caresser. La réponse de bouledogue a été un grondement lourd de menaces. Je ne reconnaissais plus le chien de papa. Or, l’enfant, amie et copine occasionnelle du chien se rapprochait dangereusement de l’animal. L’animal, le fauve, a soudain sorti ses griffes et ses crocs ; et ses yeux semblaient injectés de sang criminel. J’ai crié, crié. Rappelé le bébé, mon bébé.

Trop tard. Le fauve s’était jeté sur le bébé et le dévorait à pleins crocs avec une sauvagerie macabre. J’ai appelé au secours, au secours. Le bouledogue cannibale, la gueule en bave épaisse et sanguinolente déchirait sa proie avec rage. Le propriétaire, mon papa, est sorti en trombe armé d’une machette, avec des ordres-chocs : « ici-couché-ici-sale- cabot -sale -cadeau -de sale-Blanc-couché ! » Mais son chien menaçant, a fait face au propriétaire avec effronterie ; il a montré ses crocs et ses griffes dressés ! « Waouh -Waouh ! »

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… Ma fille et son grand -papa, le propriétaire du bouledogue, avaient cru civiliser et chasser le naturel de l’animal ; ce naturel de sauvage nous est revenu au galop comme un boomerang explosif.

… Entre deux sanglots de deuil de ma bambine d’ange, j’ai cru comprendre que les jeunes du quartier avaient procédé à la vendetta : ils ont rattrapé le chien fou, l’ont massacré et l’ont ensuite dévoré cru. Mon papa, le propriétaire du chien assassin est inconsolable. Je ne saurais jamais pour qui et pourquoi…

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