Il s’appelait Bela

Décodage EXPRESS

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Un détail de « Animaux d’Afrique », ce tableau de Bela Sara a été vendu récemment chez Catawiki. Photo © Catawiki

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Bela, de la tribu des Sara. Non, non… Je ne parle pas d’un prophète, d’un poète révolté, ou d’un guerrier biblique. Tout simplement, d’un peintre africain qui exprimait sa vision du monde en la traduisant sur toile, à main nue, dans des couleurs éblouissantes. La belle histoire est sa rencontre complice avec Pierre Romains-Desfossés, officier dans la Marine française envoyé en mission au Tchad par le général Leclerc. Bela était son adjudant. Démobilisé en 48, amoureux de l’Afrique, Pierre Romains-Desfossés s’installe à Elisabethville, au temps de la colonisation, aujourd’hui Lubumbashi, en République Démocratique du Congo. Peintre lui-même, il aurait emporté, dit-on, Bela dans ses valises.

Desfossés y fonde aussitôt « Le Hangar », atelier de peinture. En 1946, Bela est son premier élève.

Romains-Desfossés que j’ai eu la chance de rencontrer à son atelier en 1952 n’avait pas l’allure d’un professeur imbu de lui-même. Le premier test qu’il imposait à celui qui poussait la porte était de s’asseoir à l’extérieur et de peindre ce qu’il voyait. Au diable les canons esthétiques occidentaux et la perspective imposée.

Résultat, des toiles réalisées au pinceau, ou à l’aide de brindilles ou à la main sur un support de papier, de carton, de toile ou de Triplex.

Ainsi Bela peignait selon son cœur, à main nue, avec une absence de fond remplacé par des disques ronds et colorés qu’il appliquait de ses pouces trempés dans la peinture.

Coloriste éblouissant, ses oiseaux blancs, hérons ou colombes ouvraient leurs ailes en un bouquet de fleurs. Il aimait peindre la faune, la flore, les léopards côtoyant des gnous, des gazelles, des poissons nageant dans de hautes herbes, et son empreinte digitale donnait un rythme très personnel à ses scènes de jungle.

Après Bela le premier de l’aventure, est arrivé Kibwanka dont le travail était fait de zébrures concentriques qui donnaient à ses toiles un aspect de tissage tellement original. Et que dire des pintades de Pilipili qui travaillait par hachures ?

Ces peintures, achetées à l’époque pour quelques francs connaissent aujourd’hui un envol de prix significatif. Ainsi les peintres de l’atelier du Hangar, au talent inné et stylisé à la fois, ont fait l’objet en mars 2021 d’une vente à l’Artcurial à Paris, les cotes s’élevant de 15.000 à 45.000 euros ! Et Bela est particulièrement apprécié pour sa poésie et son empreinte. Les peintres du Hangar, sont présents dans les musées, au Met, à New York, au Musée de Tervuren en Belgique.

Bien sûr, ce succès n’a pas échappé aux faussaires:  à Kinshasa, où les copies se vendent allègrement sans scrupules !

Mais l’important est que cet élan, cette spontanéité, dans une symphonie de couleurs, cette imagination candide des peintres du Hangar, soient célébrés et cotés à leur juste valeur dans l’art contemporain. L’art africain dans le domaine de l’architecture, de la sculpture, de la peinture et de la déco a pris aujourd’hui la place qu’il mérite grâce à son élégance, son audace et sa modernité intemporelle.

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Bela avec Romains-Desfossés. Extrait de http://www.inchi-yetu.be/sl_kat_jba06.html

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