Des fake news au fake business, le grand faux finira-t-il par nous avoir?

Humeurs d'un alterpubliciste

Par | Penseur libre |
le

Carrefour, Chaussée de Vleurgat à Ixelles. Photos de Pat Hatras

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Lecture 7 min.

Les fake news, on en parle assez, vous savez ce que c'est même si vous ne savez que rarement si c'est vraiment vrai ou vraiment faux.  Les fake news, c'est comme l'histoire avec un grand "H" ou pas. On sait que c'est une succession d'instants où quelque chose s'est passé dont on ne sait rien sinon qu'il s'est passé et ce qu'on en dit (l'auteur de l'acte, par exemple), répète (ses proches, témoins ou pas), rapporte (les médias), etc. On va devoir vivre avec comme tant d'autres ont toujours vécu avec. Heureusement, il y a la science, le libre-examen et notre conscience pour faire le tri. Face à la masse d'informations contradictoires qui sont assénées tous les jours, ce trio a du pain sur la planche. Heureusement, il y a la presse qui se réveille et nous garantit de l'information d'origine contrôlée.

À côté de cela, il y a les modes. Elles sont tellement partagées qu'elles ne peuvent être que dans le vrai. D'ailleurs, quand elles passent,  elles reviennent aussi  vite et il y a  de nouvelles masses de gens pour les suivre. Les modes commencent néanmoins toujours à  l'instant où quelque chose se passe. Il y a un déclencheur qui fait que quelqu'un passe à l'acte et puis d'autres suivent l'exemple. Un petit Jésus dans une crèche et hop, une religion naît. Je sais, je simplifie.  Le déclencheur de cette foi est néanmoins devenu une grande mode et sans doute parmi les plus durables. Parce que la mode est aussi une question de foi. La suivre permet de se sentir mieux, plus conforme, plus inclus dans la société.  C'est comme en Irlande, disait je ne sais plus qui, la moitié de la population sont des moutons et l'autre moitié porte un pull. Tous inclus. C'est comme en écologie, il y a les scientifiques sceptiques, les écologistes convaincus et puis ceux qui doutent. La population se divise parce que le doute, on n'aime pas ça. C'est comme dans le bio et la consomm'action locale. On se divise. On se polarise. Mode bio, mode vegan, mode écolo, mode sans gluten, mode vélo, mode hybride, mode de vie et modes d'emploi, mode gauche, mode droite, mode #yaplusdegauchenidedroite, choisissez votre camp, le tout, c'est d'y croire.

Enfin, il y a le commerce, les marchands d'un temple ou d'un autre. J'ai pris cette photo à Ixelles

et je la décode avec vous:  "Act for Food" c'est-à-dire, agissons pour l'alimentation, si je comprends bien. Le tout serait une usine (factory) qui agit pour la nourriture  et carbure à l'énergie du groupe Carrefour  ("powered by carrefour").  Quel programme. Act for food, acte de foi ?  Le nouveau président du groupe, Alain Bompard, le dit tout net:  "J'ai une grande ambition pour le groupe : devenir le leader mondial de la transition alimentaire pour tous." De la chaussée de Vleurgat, à la Chine, le groupe entier travaille et 50 fermiers belges semblent bénéficier de leur bienveillante assistance pour se convertir à la culture bio... et récolter, sans doute, les légumes dimensionnés pour plaire à l'oeil du client et aux contraintes de la chaîne de distribution. Nous ne sommes pas dupes, Alain Bompard a été engagé pour réussir la transition industrielle du groupe avant la transition alimentaire. Si les administrateurs du groupe ont choisi un champion du numérique c'est  parce qu'Amazon menace les grands groupes comme le leur. La transition alimentaire n'est qu'une petite pièce du puzzle qui va lui permettre de connecter tous les maillons de la chaîne alimentaire dans le monde, au prix le plus bas, dans les délais les plus rapides avec l'offre la plus flexible et le sourire de la caissière quand il y en aura encore une. 

Il n'y a rien de mal à ça. Et sur ce chemin visionnaire et plus qu'honorable, vu le nombre de gens qu'ils emploient et qu'ils servent, ils pourront se permettre des erreurs, ils ont les reins solides. Une erreur comme ici, parce que cette factory sonne faux et sent l'usine, justement. Elle sent l'artifice.  Quand je rentre là, je vois des emballages qui ne sentent pas le bio  même s'ils le sont. Je vois une décoration qui sent le recyclage caricatural. En gros, ça pue le marketing mal fait. Le marketing qui va à la rencontre d'une mode au lieu d'aller à la rencontre des gens. Ça sent tout sauf le bio d'origine contrôlée. Ça sent le faux. Alexandra Colleye a fait le tour du monde avec son mari, son chien 3 enfants de 3 à 10 ans,  une land-roover d'occasion et une petite valisette d'huiles essentielles. Le beau, le bon, le naturel et l'humain différent, elle en connaît un bout. Quand je vais dans son magasin Bioooh à Genappes, c'est un bout de son expérience que j'achète et qu'aucun autre commerçant ne pourra jamais me donner. 

Je serai prêt à acheter du bio et des produits locaux chez Carrefour le jour où ils mettront des potagers sur les toits de leurs supermarchés en ville, par exemple. Potagers en partage. Potagers éducatifs. Potagers où je connais quelqu'un. Parce que le commerce, c'est ça. Ce sont des gens qui échangent avec d'autres. Les gens d'un commerce agréable étaient ceux avec qui il était bon de partager, de parler et de faire commerce. Là, au-moins, j'aurais la preuve d'un engagement du groupe pour le local et le naturel et encore plus, une preuve de proximité.  Mais dans le mode du capital, l'humain est tellement complexe (et fragile) à gérer, qu'on en a fait une ressource humaine. Les ressources, ça s'exploite, c'est plus simple.  Quand Colruyt, Albert Heijn, Carrefour auront saturé le marché bio, ils auront tous les mêmes produits au même prix, ils nous les vendront avec plus ou moins d'artifices et ils se rendront compte qu'ils ont oublié une seule chose: la dimension humaine du commerce, le seul facteur concurrentiel unique et durable. Humanité, proximité et crédibilité ne semblent pas la priorité de ces grands commerçants, pour l'instant..

La vraie question à se poser à l'égard  des grands commerçants, c'est celle de la vérité. Depuis quand devraient-ils être vrai ? On croit et partage des fake news sans se poser la question. Ce qui compte, ce n'est pas le vrai. C'est le vraisemblable. Et c'est comme ça depuis toujours. Ce qui compte c'est ce qui correspond à l'idée qu'on se fait du réel. Nous sommes responsables de nos croyances. 

Et la vraie question que nous devons nous poser est celle du prix. Quel prix sommes nous prêts à payer pour acheter et vivre mieux ? Quel prix ont nos valeurs? Consommer, c'est aussi un acte politique, comme voter.
Enfin, l'état devrait peut-être juste un peu mieux cadrer le commerce et les grands capitaux pour qu'il n' abuse pas de nos croyances et de nos errances. Avec un gouvernement qui se méfie des universités et donc de la science qui éclaire...on est mal barre.  Et ça, c'est plus que vraisemblable, non ? 

 

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