de Gaulle, un mari, un père

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Samedi 4 juillet

 Édouard Philippe s’en va. C’était prévu. Jean Castex lui succède. Ce ne l’était pas. Macron a trouvé son Raymond Barre, un haut fonctionnaire inconnu, technicien avant tout, qui ne risque pas d’être plus populaire que lui. Bref, un collaborateur spécialisé. Jean Castex se dit « gaulliste social ». On le présente surtout comme un homme de droite. Gageons qu’il fut surtout gaulliste social quand il fut directeur de cabinet-adjoint de Xavier Bertrand ministre de la Santé dans les années 2007-2008 et surtout de droite quand il fut secrétaire général-adjoint du président Sarkozy durant les années 2011-2012. Á présent, il va exécuter les premières décisions du président : nommer des ministres, quelques nouveaux parmi lesquels il conviendra de dénicher des vedettes médiatiques afin de compenser le déficit de charisme du Premier ministre, et accueillir l’une ou l’autre personnalité de gauche ainsi que des écologistes dévoués plutôt que déviés, afin de ne pas donner l’impression que ce gouvernement penche trop à droite. Et en route pour la seconde partie du quinquennat, celle qui s’achèvera en 2022 par l’élection présidentielle, où Macron n’est pas assuré de figurer au second tour.

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 Une Fête nationale étatsunienne réduite aux distances physiques. Si Poutine n’eut pas de scrupules à mobiliser les militaires rapprochés en parade, Trump devra se montrer beaucoup plus prudent ; la pression médiatique (et Joe Biden) le guettent.

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  En 1935, Mustapha Kemal dit Atatürk, chef laïque de la Turquie, transforma la basilique Sainte-Sophie en musée pour « démontrer à l’humanité » la coexistence des civilisations chrétienne et musulmane. L’édifice, qui est à Istanbul ce que la Tour Eifel est à Paris, accueille chaque année des centaines de milliers de visiteurs. Le plus haut tribunal administratif de Turquie étudie une demande de reconversion en mosquée. Le président Recep Erdogan y est favorable. C’est une vieille revendication des islamistes. Cette basilique a été construite au VIe siècle, dédiée au Christ par l’empereur Justinien, qui demanda aux architectes de s’inspirer du Panthéon de Rome. Que l’on soit ou non chrétien, on ne peut que respecter l’origine de ce monument exceptionnel. Cet autre virus qu’est le tic de vouloir « corriger » l’Histoire en modifiant la mémoire confère un caractère malsain à notre époque délayée.      

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 Kim Jong-un l’affirme : en Corée du Nord, pas un seul habitant n’est atteint du Covid-19. Et pas un seul habitant ne met en doute ses déclarations. Est-ce clair ?

Dimanche 5 juillet

 En cette période à l’atmosphère malsaine, où l’esprit est dérangé par l’idée que le virus pourrait encore surprendre, les aspects méprisables et condamnables de la colonisation bousculent un besoin de repos estival. En Belgique, les statues de Léopold II sont badigeonnées de rouge ou carrément déboulonnées de leur socle. Le gouvernement algérien demande (exige…) à la France de présenter ses excuses. Ce qui est ici étonnant, c’est le moment choisi. On s’attendait à ce que cette requête (cette exigence…) fût formulée plus tôt. C’est en effet le 15 février 2017 que lors de son séjour algérien, en pleine campagne présidentielle, Emmanuel Macron déclara que « la colonisation était un crime contre l’humanité ». Comment, l’auteur de cette parole imprudente étant élu trois mois plus tard, ne reçut-il pas un rappel de ce qu’il avait prononcé à la télévision algérienne en le priant d’en tirer le comportement qui s’impose ?

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 Cum grano salis. Du poète et chef d’État sénégalais Léopold Sédar Senghor : « La colonisation a charrié de l’or et de la boue. Pourquoi retenir la boue et pas les pépites ? »

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 Quand survient la débâcle de mai 1940, le colonel de Gaulle est obsédé par l’idée de relever la France, de lui éviter une capitulation qui l’effacerait de la carte du monde, et de poursuivre les combats depuis les terres coloniales en épaulement mutuel avec le Royaume-Uni. C’est un militaire, amoureux de son pays, mais c’est aussi un époux, père de trois enfants, dont la petite Anne, atteinte de mongolisme. C’est ce personnage-là, que Gabriel Le Bomin a voulu montrer dans son film (« De Gaulle »). Un mari, un papa inquiet pour sa famille, indigné par les hauts gradés de l’armée, son autre famille, durant ces journées pénibles où Pétain s’applique à effacer la République, ces journées qui vont conduire de Gaulle, nommé général par Paul Reynaud, président du Conseil, vers l’ébauche de sa stature historique. Bonne interprétation de Lambert Wilson, d’Isabelle Carré (Yvonne) et d’Olivier Gourmet (Reynaud).

Lundi 6 juillet

 Puisque la géographie est la première créatrice de l’Histoire, lorsque la deuxième, l’économie, bat de l’aile, il y a des jours où l’on se demande comment le Liban est encore debout

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 Des femmes ou des hommes, peu connus aujourd’hui, se révéleront sans doute dans les prochains mois. Mais il y a au moins une fameuse audace dans le troisième gouvernement du quinquennat d’Emmanuel Macron : Éric Dupond-Moretti, le brillant avocat qui était programmé dans les théâtres de province pour des seul-en-scène à partir de ses expériences professionnelles, et sur Europe 1 pour un billet sur l’actualité, celui qui ne se gênait pas pour dénigrer des magistrats parfois très hauts, est nommé Garde des Sceaux ministre de la Justice. C’est surtout vers sa personne que seront braqués demain les commentaires du remaniement ministériel, sans ce fait-là, assez minime. Si Dupond-Moretti est contraint d’interrompre sa carrière théâtrale, Roselyne Bachelot ne pourra plus participer aux Grosses têtes de RTL puisqu’elle revient au gouvernement rue de Valois, au ministère de la Culture. Elle devrait mieux tenir le département que ses deux prédécesseurs, Françoise Nyssen et Franck Riester. Il est vrai que ce ne sera pas difficile. 

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 On est quasiment sous tension pendant 1 h 36 min. en regardant « Un fils », le drame de Mehdi Barsaoui qui fut sélectionné à Cannes. Un petit garçon risque de mourir tandis que son état divise ses parents au lieu de les souder en pareille circonstance. L’histoire se déroule à Tataouine, à la frontière entre la Libye où la pagaille règne dans un début de guerre civile, et la Tunisie où une mafia profite du cafouillage civique pour organiser des ventes d’organes appartenant à des enfants victimes de l’embrouillement. Le tout sous une loi marquée par la religion islamique. Un scénario d’autant plus haletant qu’il révèle une histoire plausible.

Mardi 7 juillet

Les Intouchables. Ce pourrait être le titre d’une série télévisée. Á peine le nom de Dupond-Moretti annoncé à la place Vendôme que le principal syndicat de la magistrature a envoyé un communiqué pas très conciliant : « C’est une déclaration de guerre »… Intouchables disions-nous…

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 « Plus âgé, plus féminin, plus à droite, tel est le nouveau gouvernement de Macron » écrit Le Figaro. Plus âgé, cela demande une addition et une moyenne ; plus féminin, c’est le résultat d’une simple addition. Mais plus à droite … Bon, si Le Figaro le dit, cela doit être vrai…

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 C’était dans l’île d’Hydra, au milieu des années soixante, quand régnait l’insouciance, quand la liberté sexuelle embarrassait la bonne société tandis qu’elle ouvrait à la jeunesse les portes d’une époque d’abondance. Pas de sida, pas de Covid-19. Même l’argent ne paraissait plus être le maître du monde.

 C’était sur l’île d’Hydra, dans cette Grèce enviable, douce, affriandante, quelques temps avant l’immense rassemblement de l’île de Wight. Leonard Cohen se savait poète mais il se croyait écrivain. Il ne concevait pas devenir chanteur. Il rencontra Marianne, une belle norvégienne qui goûtait la sérénité autant que l’art de vivre avec Axel, son petit garçon. Une romance commença. Ils furent heureux dans l’eau, sur le sable, dans leur petite maison. Elle devint sa muse. Les aventures et les étapes de la vie déferlèrent, les séparèrent, mais la romance ne s’éteignit jamais totalement. Le documentaire musical touchant de Nick Broomfield ( « Marianne et Leonard « )  est une réflexion sur la notion de fidélité, celle qui ne se loge plus que dans la pensée, mais qui, là, devient tout à fait impérissable.

Mercredi 8 juillet    

 Le président brésilien Jair Bolsonaro est testé positif au Covid-19. « Après s’en être moqué… C’est bien fait pour lui… Ça devait lui arriver… Etc. » Tout le monde doit nourrir des réactions de ce type. Seuls les journaux satiriques oseront les publier.

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 Pour Paul Krugman, célèbre chroniqueur du New York Times, « Le Capital au XXIe siècle », de Thomas Piketty (éd. du Seuil) est « le livre le plus important de la décennie ». L’auteur vient de faire paraître un autre fort volume qui ne se veut pas une suite mais s’intègre quand même dans une complémentarité. « Capital et idéologie » (éd. du Seuil) contient des pistes structurées que Piketty évoque depuis des années tandis qu’elles ont acquis une pertinence imprévue lorsque l’on plaça l’économie en sommeil. Pour Thomas Piketty, tout ce qui peut combattre les inégalités est bon à prendre. Si le rétablissement de l’impôt sur la fortune lui semble le minimum minimorum des décisions touchant à la solidarité, la notion de participation citoyenne continue à cheminer dans sa pensée. Il plaide désormais pour un socialisme participatif et va plus loin. Ainsi, quand un citoyen atteint l’âge de 25 ans, il recevrait de l’État une dot de 125.000 euros, ce qui lui permettrait d’être un acteur de l’économie et d’entreprendre, ou, à tout le moins, d’entrer dans le circuit de la consommation. Au chapitre européen, il regrette la sacrosainte règle de l’unanimité, ce qui est assez commun, mais afin de la contourner, il se dit favorable à la création d’une « Assemblée des assemblées ». L’’idée est lumineuse mais demande un approfondissement avant une éventuelle mise en application. En premier lieu, il s’agit bien entendu de réfléchir à la réalité du Parlement actuel, et ensuite de veiller à ne pas inventer l’eau chaude, c’est-à-dire en revenir à ce qu’était le législatif européen avant la création du Parlement élu au suffrage universel. Mais on peut faire confiance à l’intelligence de Thomas Piketty pour éviter la construction d’usines à gaz.

Jeudi 9 juillet 

 Angela Merkel a présenté le discours-programme de sa présidence européenne devant un hémicycle occupé par une trentaine de parlementaires portant le masque et distants les uns des autres. Elle a bénéficié d’une ovation debout mais l’image en était d’autant plus étrange et pleine d’amertume. Elle la méritait pourtant, la chancelière, cette reconnaissance par l’ensemble de l’assemblée. Elle méritait un tonnerre d’applaudissements, toutes tendances confondues, pour avoir notamment choisi la solidarité active, celle qui garantit l’unité européenne. La solidarité, elle est pour l’instant dans les mots. Pour qu’elle devienne active, il faudra que la réunion du Conseil européen de la fin de la semaine prochaine la mette en marche. Il y aura encore des frugaux à convaincre, conduits par le Premier ministre libéral hollandais Mark Rutte. Ça, ce sera d’ici là le boulot du Président du Conseil, Charles Michel. Mais, au fond, ne s’entendent-ils pas bien ces deux-là ? Du temps – pas si lointain – où Charles Michel était le Premier ministre libéral de la Belgique, il faisait souvent copain -copain avec son collègue des Pays-Bas… Même génération, même famille politique, même fonction, même histoire, ces voisins de palier nourriraient-ils une vision différente de l’Europe ? Angela ne le croit pas : elle a terminé son exposé par ces mots : « J’ai confiance », comme de Gaulle aurait dit : « L’intendance suivra ».    

Vendredi 10 juillet 

 Plus de 3 millions de personnes contaminées aux États-Unis, et toujours des manifestations d’opposés au confinement. Plus d’un million sept cent mille personnes contaminées au Brésil (dont le président Bolsonaro) et toujours des pauvres gens, dans les villages comme dans les favelas de Rio, qui attendent des masques, des conseils, un signe rassurant. On ne parle même plus des indigènes d’Amazonie. On oublie aussi de parler de médicaments ou de vaccins… Les laboratoires seraient-ils fermés pour cause de congés ? Ce serait indécent de le prétendre. Tout se passe pourtant comme si l’on croyait que le Covid-19 aurait également pris des vacances. En Europe, les épidémiologistes ne s’affolent pas, mais ils n’excluent pas les questions de rebond et de nouveau confinement. On nous l’avait prédit, mais pour l’automne… Hé oui ! Mais le virus n’a pas pris de vacances… Les plages connaissent déjà l’abondance. La distanciation physique ne veut plus rien dire. Comment tester ceux qui reviennent à la maison et qui ont commis des imprudences dans la zone Schengen ? Miser sur leur civisme…

 Ceux qui ont préféré annuler leurs vacances, rester sagement dans leurs murs, observent ces relâchements avec une inquiétude d’autant plus compréhensible que 52 jours les séparent de ce qu’il est convenu d’appeler la rentrée.

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 Macron renonce à son « geste architecturel contemporain » : Notre-Dame de Paris sera reconstruite à l’identique. Ce n’est pas son premier renoncement. La comparaison avec Jupiter ne pouvait qu’être boutade qui révélait ambition. Il évita Jésus, pas sûr de pouvoir marcher sur la Seine, et passa tout de suite à de Gaulle. Mais il flottait dans le costume. Un beau projet à ranger dans les « Grands travaux », à l’heure du bilan ; laisser une trace dans la capitale pour les siècles à venir ? Voilà qu’une catastrophe lui en donne l’occasion. Un geste fort… Notre-Dame est en feu. Victor Hugo tressaute. Le véritable exercice du pouvoir se traduit toujours par une empreinte dans la mémoire collective. L’autre modifia La Défense, le Louvre ; il construisit la Grande Bibliothèque, l’Opéra Bastille, etc. Moi j’aurai changé le monument qui, avec la Tour Eiffel, est le symbole de Paris. Non. Il ne sera pas non plus Mitterrand. Juste un p’tit mec, comme son pote Sarkozy. En moins voyou peut-être…

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 Il est souvent instructif – et parfois cocasse… - d’examiner comment une information est traitée en comparant des organes de presse.  L’occasion est belle aujourd’hui de se livrer à l’exercice à partir des deux principaux journaux francophones belges. Les deux éditorialistes en chef ont choisi « Enfin ! » comme titre de leur message quotidien. Mais Béatrice Delvaux, du Soir, évoque la décision du parlement de libérer une masse de fonds afin de venir en aide aux artistes pénalisés par le confinement et ses suites ; tandis que Francis van de Woestijne, de La Libre Belgique, se réjouit des couleurs attribuées aux pays à risques afin de mieux informer les voyageurs estivaux. Dis-moi le journal que tu lis, je te dirai qui tu es.

 

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